Alligator 2 : La mutation (ratée)

A la fin de L’incroyable alligator, réalisé par Lewis Teague, nous pouvions voir un bébé alligator, certainement passé par les canalisations des toilettes d’un foyer lambda, atterrir sur le sol poisseux des égouts. Cette dernière séquence nous laissait entre deux sentiments : que l’homme n’apprend pas de ses erreurs et qu’une suite à un excellent premier film pouvait arriver, à la condition d’un succès public et critique qui justifierait la production d’un second film, ce qui fut le cas. Naturellement Brandon Chase, le producteur du premier Alligator, contacta Lewis Teague pour lui proposer de faire la suite. Celui-ci était prêt à accepter à deux conditions : garder son acteur principal, Robert Forster, et que John Sayles, le scénariste du premier film, écrive la suite. Le producteur refusa. L’histoire aurait dû s’arrêter là mais, très certainement, l’appât du gain en a décidé autrement et l’écriture a été confiée à Curt Allen et la réalisation à Jon Hess, pour un résultat médiocre.

Le film est insipide, dénué de personnalité et de caractère. L’histoire est sensiblement la même que dans le premier : un flic, Joseph Bologna, à qui l’on a donné un surnom pour mettre en avant un trait de caractère dont l’acteur est ici dépourvu, un grand méchant alligator et un méchant homme d’affaire, Steve Railsback, qui se fiche de la menace qui rôde tant qu’il peut gagner de l’argent. Le réalisateur et le scénariste ne sont pas nécessairement à blâmer, ils ont fait leur travail aussi bien qu’ils ont pu en devant appliquer l’un des principes du marketing : faire pareil mais différemment.  Mais même en cessant de voir L’incroyable alligator 2 comme une suite ou un remake, et en le considérant uniquement comme un film de monstre, le constat n’est pas meilleur.

Le personnage de l’alligator n’a bénéficié d’aucune amélioration technique. Les effets spéciaux utilisés sont les mêmes que ceux des années 80 et quelques séquences ont été reprises du film de Lewis Teague. Pourtant, les technologies de l’époque nous ont offert Terminator 2, il y avait certainement un niveau intermédiaire à négocier. On retrouve donc un alligator taille réelle incarnant un monstre de plus de dix mètres et assoiffé de sang, ça ne fait pas bien peur. La tension est inexistante de bout en bout et les apparitions du monstre, souvent mal menées, peinent à faire ressentir le danger terrifiant qui rôde sous la ville et les séquences de démembrements manquent de mordant.

Assez sommaire dans l’interprétation des personnages, les acteurs peinent à convaincre. Il y a bien des enjeux dramatiques liés à l’existence du scénario mais la sauce ne prend pas, il n’y a d’inquiétude à se faire pour personne. Seul le personnage de Dee Wallace, qui incarne la femme du policier, tire son épingle du jeu. Son personnage a été réécrit, elle n’est plus une scientifique renommée mais naïve qui s’émancipe grâce à l’homme, elle est volontaire et moins soumise au sexisme de l’époque. Son interprétation est la plus charismatique et apporte un peu de fraicheur à un film qui en manque cruellement.

Alligator 2 : la mutation aurait dû mériter un meilleur traitement, pas seulement pour égaler la qualité du premier mais simplement pour avoir son existence propre. En tant que suite directe ou, par exemple, comme un film de série B décomplexé proposant un « eat them all » gore et réjouissant. Au moins le sang aurait coulé ! Mais en devant « faire comme », le film de Jon Hess échoue à tous les niveaux et témoigne qu’une bonne recette ne fonctionne parfois qu’une seule fois.

En Bonus :

– Une interview de Jon Hess, le réalisateur, dans laquelle il confirme que le scénario aurait été différent si des questions budgétaires n’étaient pas venues troubler son développement. Et avec regrets, il avoue que ce film n’est pas vraiment le sien mais celui de Brandon Chase, le producteur, qui revendit très cher ce film à une chaîne de télévision.  Puis on oublie tout ça pour écouter un homme passionné qui prend plaisir à se souvenir de son travail.

-Une interview de Eugene Hess, le frangin, qui s’occupa de l’organisation des séquences avec l’alligator. Un travail pas évident qu’il mena avec entrain aux côtés de son frère dont il dresse un portrait sympathique.

-Une interview de Marshall Harvey, le monteur du film. Là encore un regret, celui que le film n’ait pas été traité différemment, il aurait mérité autre chose, plutôt qu’un produit spéculatif.

-Une dernière interview, celle de John Egget, le coordinateur des effets spéciaux, qui explique les difficultés rencontrées lors de la confection de la créature, pendant son utilisation et ce qu’il aura fallu déployer de trouvailles pour que la créature puisse apparaitre un minimum convenable à l’écran.

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