Mascarade : Soleil Immonde

La French Riviera, de nos jours. La mascarade est celle d’une poignée de personnages s’agitant dans les mondanités quotidiennes de leur milieu social, microcosme pétri de cynisme et vulgarité opérant à tous les étages moraux, foire fastueuse au coeur de laquelle le nombril d’untel se tire la bourre avec celui d’un autre ; une bulle, une véritable prison dorée comptant parmi ses détenus le jeune Adrien, un gigolo écrivain à ses heures perdues vivant sous la coupe de l’excentrique Martha Duval, actrice à l’écran comme à la ville le menant de jour en jour par le bout du nez. Entre eux interviendra une arnaqueuse professionnelle nommée Margot, véritable objet de désir voué à partager une romance avec Adrien puis en en faisant par la suite son partenaire de jeu, menant à mal un agent immobilier étant tombé sous le charme de la jeune femme…

Aucun mot, aucune image ne prépare au carnage dévastateur que constitue le nouveau long métrage de Nicolas Bedos : véritable paroxysme d’immondices moraux en tout genre (chantage, emprise, perversité, arnaque et violence physique, et cetera…) Mascarade est – de ce point de vue – une authentique réussite de Cinéma, parvenant presque à nous faire apprécier en conséquence l’univers de son auteur-réalisateur pourtant responsable de deux films antérieurs des plus antipathiques, à savoir l’égotiste Monsieur & Madame Adelman et le très agaçant La Belle époque. Ici Nicolas Bedos délaisse son penchant pour la sur-écriture pour accoucher d’un film bigger than life aux ressorts narratifs directement inspirés du thriller faussement mélodramatique… Montrant des hommes et des femmes éthiquement condamnables sous presque tous les rapports (les premiers uniquement sexuellement excités par les secondes, celles-ci manipulant à leur guise les premiers avec hystérie et calculs meurtriers de rigueur…) le cinéaste dresse le tableau d’une Côte d’Azur empreinte de frivolité et de superficialité aussi noire que de l’encre assassine. C’est absolument terrible, extrêmement bien interprété par tous les comédiens (si Pierre Niney, Isabelle Adjani et François Cluzet s’en tirent plus qu’avec de simples honneurs c’est définitivement Marine Vacth qui irradie l’écran de sa beauté démoniaque, horrible et fascinante manipulatrice au pouvoir physique littéralement terrifiant, ndlr) et scénaristiquement assez classique mais très efficace in fine.

« Quand on y réfléchit c’est une région assez triste : les très riches crèvent d’ennui, les riches font semblant d’être très riches ; quant à tous les autres ils crèvent de jalousie. » , décrète apathiquement l’un des personnages de Mascarade au détour d’une voix-off accompagnant des images au potentiel solaire paradoxalement dénuées de toute lumière humaine. Pierre Niney excelle dans la peau du jeune et très métro-sexuel Adrien, probable héritage des antihéros du film noir des années 40-50 et loser idéal face à une gente féminine vengeresse et peu reluisante ; de leurs côtés Adjani et Cluzet sont également impeccables, incarnant respectivement une célèbre actrice sur le déclin n’étant pas sans rappeler la Gloria Swanson de Boulevard du Crépuscule de Billy Wilder et un terrible et pathétique pigeon transi d’amour et de désir pour la figure superbement interprétée par Marine Vacth ; pas tout à fait linéaire mais entièrement lisible dans sa conduction l’intrigue dudit métrage rebondit d’une scène d’arnaque à la suivante en passant par des prolepses narratives représentant le procès intenté au personnage joué par François Cluzet… En résulte une peinture au vitriol du grand train de vie des occupants de cette fameuse French Riviera, d’ores et déjà explorée dans le célèbre chef d’oeuvre que forme le Folies de Femmes de Erich Von Stroheim puis – plus tard cette fois-ci – dans La Baie des Anges de Jacques Demy.

Disponible depuis le 1 mars en Blu-Ray et DVD aux Editions Orange Studio Mascarade est le genre de films à ce point cynique et redoutable qu’il se doit d’être vu dans son portrait obscur et aveuglant de la perversité du genre humain. Entre vénalité, violence et agressivité morale le dernier long métrage de Nicolas Bedos s’impose sans mal comme son meilleur film, et de très loin. Horrible mais résolument nécessaire.

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