Un Marteau pour les sorcières : Un propos très martelé

Artus films nous propose de (re)découvrir des pépites tchécoslovaques, tel ce film de Otakar Vavra. On ne sait pas grand-chose en France d’Otakar Vavra qui a pourtant eu une longue carrière, au cours de laquelle il réalisa 53 films et documentaires. Il semble n’avoir jamais eu d’ennuis particuliers avec les régimes pourtant radicalement opposés qui se sont succédé au cours de sa période d’activité (le régime nazi, le Parti communiste…).
Un Marteau pour les sorcières se base sur de réelles atrocités, celles commises par Boblig Von Edelstadt, l’inquisiteur impérial qui dirigea les procès de sorcières de Moravie du nord au XVIIe siècle. Cent personnes originaires de la ville de Velke Losiny, y compris des prêtres et le doyen, furent accusées de sorcellerie et condamnées au bûcher.
Les sorcières ont toujours été une source d’inspiration prolifique au cinéma, quelque soient le genre, le registre ou l’époque. On peut mentionner le matriciel Haxan, La Sorcellerie à travers les âges de Benjamin Christensen (1922) pour n’en citer qu’un, mais difficile d’oublier La Trilogie des trois mères de Dario Argento (surtout Suspiria en 1977 et Inferno en 1980) ou le récent The Witch de Robert Eggers (2015). Puisqu’il s’agit ici d’un film tchécoslovaque, comment ne pas évoquer le sublime Marketa Lazarova (Frantisek Vlacil, 1967), qui n’est certes pas une histoire de sorcellerie à proprement parler mais où il est question de visions et d’un certain Bouc.

Le générique s’ouvre sur les Caprices de Goya. D’emblée, le spectateur est averti : il n’est pas là pour se divertir, mais pour assister à une succession d’horreurs, comme seul l’esprit humain peut en échafauder. Le programme est limpide et à aucun moment il n’y aura d’échappatoire, d’espoir sorti de la boite de Pandore, cette femme déjà dénoncée comme cause de tous nos malheurs. La vengeance des hommes sera sans pitié envers leurs contemporaines, ignobles tentatrices et forniqueuses démoniaques.
Dans le film, la faute originelle est celle d’une misérable vieille femme dérobant une hostie pour la donner à une vache qui ne fournissait plus de lait. Dès lors, la mécanique implacable qui mène des superstitions les plus naïves et inoffensives à la répression la plus monstrueuse nous est dévoilée. De simples discussions mènent à des décisions lourdes de conséquences et une fois le Boblig dans la ville, celle-ci est irrémédiablement pourrie par le vice, la corruption et l’inhumanité.
S’il semble nécessaire de raconter les dérives de l’histoire pour les dénoncer avec force, ici le manichéisme extrême nuit quelque peu au propos. L’alternance est régulière entre deux motifs. On assiste à des scènes au cours desquelles des hommes riches et repus festoient et s’amusent sans une once de remords pour les malheureux qu’ils soumettent aux pires sévices, leur concupiscence étant montrée sans nuance (de nombreux plans de corps nus féminins parsèment le métrage). Rien à aucun moment ne vient leur concéder un tant soit peu d’humanité.

Les autres scènes sont consacrées aux tortures et interrogatoires. S’il y a beaucoup de hors-champ, on a aussi droit à des gros plans sur les plaies et autres manifestations physiques de douleur. Gros plans aussi sur les visages des suppliciés, allégories d’une pathétique condition de martyrs des intérêts des « grands » de ce monde qui les condamnent par leur cruauté ou leur indifférence. Allégories également d’une dignité dans la souffrance et la solidarité et ce jusqu’à leurs derniers instants enflammés. Le coffret est de belle facture, mais ne contient qu’un diaporama comme supplément.

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