Le Neuvième Cœur : Des battements esthétiques revigorants

Artus films nous propose de (re)découvrir des pépites tchécoslovaques, tel ce film du talentueux Juraj Herz. Avec en prime un fabuleux livret. Le Neuvième Cœur raconte l’histoire du jeune Martin, étudiant sans le sou qui va être sollicité par le grand-duc de la région pour sauver sa fille ensorcelée par un horrible astrologue. Le titre est expliqué à la moitié du métrage, lorsque Martin comprend qu’il entreprend la neuvième tentative pour sauver la princesse. Juraj Herz, membre éminent de la Nouvelle Vague tchécoslovaque, est chargé en 1978 de réaliser une nouvelle adaptation de La Belle et la bête. Ce film, chef d’œuvre qu’on ne saurait trop recommander, est coûteux et il va falloir partager les décors avec un second film, Le Neuvième Cœur. Pendant trois mois, Juraj Herz se démènera pour tourner le premier le matin et le second l’après-midi !

L’intrigue est une variante du conte qui nous est narré en son sein-même, telle une mise en abyme : celui de la gracieuse princesse Béatrice et du parfait chevalier Philodene qui trouve son pendant dans les aventures d’Adrienne et (surtout) de Martin. De nombreuses correspondances, de multiples échos, aussi bien formels que thématiques, parsèment le métrage, lui conférant une dimension méta-narrative et une aura de merveilleux poétique.
Différentes atmosphères se succèdent au cours des aventures de Martin. Cela commence de façon très joviale avec des poursuites distrayantes, bien qu’assez répétitives. On peut songer, pour effectuer un rapprochement avec le spectacle de marionnettes qui narre le conte (créées par un certain Jan Svankmajer), à notre national Guignol fuyant les gendarmes.
Mais l’ambiance change radicalement en cours de métrage, avec un passage, au cours d’une séquence évoquant clairement la barque de Charon, vers une sorte d’Île des morts très proche visuellement des tableaux d’Arnold Böcklin. A partir de ce moment, on bascule vers une atmosphère plus horrifique, avec un grand soin accordé aux décors et aux contrastes de couleurs.

Le réalisateur, au moyen de filtres, nous plonge en effet dans un monde parallèle où se retrouvent enfermés les protagonistes, même s’il demeure une salvatrice labilité entre monde réel et fantastique par le truchement de ce fameux cœur. Sorcellerie et alchimie s’épanouissent dans des teintes rouges, oranges, brunes quand le vert accentue la torpeur et l’agonie. La Salle du temps souterraine où chaque seconde est un jour est particulièrement réussie : bougies, rouages, pendule (on pense à Poe et sa nouvelle Le Puits et le pendule) s’associent à mille autres motifs pour engendrer une vision fantasmagorique exceptionnelle, au service d’un majestueux tableau des Vanités.

Si le film est donc une merveille visuelle à découvrir, il faut également mentionner le livret très complet qui accompagne les disques. Très généreux en images et en informations au sujet de la Nouvelle Vague Tchèque, du réalisateur et du film, il contient un formidable dossier de 30 pages surnommé L’Homme aux neuf cœurs, à savoir les thèmes majeurs de l’éclectique filmographie de Juraj Herz : les contes, le nazisme, les films d’horreur et fantastique, le policier, les films en costumes, la musique, la vie quotidienne, les films politiques et l’humour.

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