Oxygène : Quand Aja revient en France…

La carrière d’Alexandre Aja est typiquement le genre de parcours qui nous fait rêver. Il a su montrer qu’on savait faire du film d’horreur soigné en France et s’est créé une place de choix aux États-Unis, que ce soit avec sa casquette de réalisateur que celle de producteur. Enchaînant tour à tour des projets populaires (La Colline a des Yeux, Piranhas) avec d’autres plus intimistes (La 9e Vie de Louis Drax), il y a eu une jolie césure dans son cinéma depuis Horns en 2014. En dépit d’un cinéma fantastique parsemé de séquences graphiques toujours présentes, Aja expérimente, se cherche de nouvelles idées de mise en scène, introduit des instants poétiques parfois réussis, parfois pathétiques. Quoi qu’on puisse en penser, on ne peut pas lui reprocher d’essayer et de vouloir se détacher de l’étiquette de prodige de l’horreur qu’on lui a collé depuis toujours. Un réalisateur pour lequel nous vouons un respect incroyable et qui, deux ans après Crawl, revient via la plate-forme Netflix pour un projet où il s’essaye à un exercice périlleux : celui du huis-clos. On pourrait, plus ou moins, lui conférer une certaine maîtrise du sujet là où un film comme Crawl était déjà, à sa manière, une sorte de huis-clos. Seulement, avec Oxygène, il réduit encore plus le champ des possibles en enfermant le spectateur dans une capsule avec son actrice principale comme seule et unique partenaire de voyage. Le genre de proposition claustrophobe qui peut vite se casser les dents si elle n’est pas maîtrisée à la perfection. Pari réussi pour Aja qui revient pour un film tourné en français (chose qu’il n’avait plus fait depuis Haute Tension en 2003) ?

Dans un futur proche, une jeune femme se réveille dans une capsule cryogénique. Seule et amnésique, elle ne sait pas comment elle a pu s’y retrouver. La situation se complique davantage lorsque l’oxygène vient à manquer. La jeune femme va devoir chercher dans sa mémoire pour s’en sortir.

Impossible de ne pas convoquer des films comme 128 Heures, Frozen et surtout Buried de Rodrigo Cortés, dans lequel Ryan Reynolds se retrouve enfermé dans un cercueil, lorsqu’on s’attaque à Oxygène. Le pari de ce genre de projet c’est de réussir à tenir la cadence de la première à la dernière seconde. S’il n’évite pas les poncifs inhérents à ce genre de film, Oxygène brise son aspect claustrophobe pour amener le spectateur vers un autre type de suspense. Ici, il n’est pas question de se sentir oppressé comme Mélanie Laurent, mais bel et bien d’essayer de comprendre qui est ce personnage et ce qu’elle fait enfermée dans cette capsule. Ainsi, Aja utilise les flashbacks pour nous présenter son héroïne au fur et à mesure que la mémoire lui revient. Il invite le spectateur à s’investir au cœur de l’enquête et impose à Mélanie Laurent la lourde tâche de porter tout le projet sur ses épaules. Et le pari s’avère plutôt payant puisque l’actrice parvient à nous captiver par les dialogues percutants qu’on lui impute. Considéré comme l’un des meilleurs scénarios écrits en 2016, figurant sur la fameuse black list cette même année (la black list recense les meilleurs scénarios en attente de production, ndlr.), il faudra attendre février 2020 pour qu’on lui attribue un réalisateur en la personne de Franck Khalfoun (un des protégés d’Aja). D’abord attaché à la production, Alexandre Aja était finalement revenu en France à cause de la pandémie de COVID-19 et s’est emparé du poste de réalisateur par la force des choses. D’ailleurs, la pandémie aura énormément joué sur la production du film puisqu’il était originellement prévu en anglais avec Anne Hathaway, puis Noomi Rapace en tête d’affiche. Toute la production étant rapatriée à Paris, voilà les raisons qui ont poussé la réécriture du script en français, la présence de Mélanie Laurent comme héroïne et un tournage aux studios Kremlin d’Ivry-Sur-Seine. Et toute l’expérience américaine d’Aja se fait lourdement sentir dans Oxygène.

Techniquement parlant, Oxygène est une merveille. Aja sert les rebondissements de son histoire via des idées de montages et/ou de mise en scène qui optimisent parfaitement l’espace restreint qu’on lui offre. Oxygène est d’un dynamisme redoutable, on ne s’ennuie jamais, il y a toujours de nouvelles idées pour ne pas verser dans une monotonie morose. De plus, le soin apporté aux effets spéciaux permet de hisser le projet vers le haut du panier des meilleurs films de science-fiction produits en France. On se régale et on bombe le torse avec fierté de se dire qu’on accorde (enfin) de l’importance à un réalisateur aussi talentueux qu’Alexandre Aja. Ne reste qu’à espérer qu’il puisse avoir accès à des projets français plus massifs par la suite. Sur la forme, Oxygène est un délice absolu. Sur le fond, on le disait plus haut, le film n’évite aucuns poncifs et ne surprendra que très peu. Fort heureusement, la dernière demi-heure permettra d’amorcer une conclusion atypique et qui relèvera le niveau. Car, oui, Oxygène se vaut pour son twist surprenant avant son dernier acte et qui relance parfaitement ses enjeux, en n’omettant pas de ramener son histoire dans un questionnement hyper actuel. Une fois encore, ce n’est pas le scénario du siècle, mais ça a le mérite de s’assumer jusqu’au bout et ça fait du bien au milieu d’un catalogue Netflix (trop) souvent uniforme.

Oxygène signe un joli retour au cinéma français d’Alexandre Aja. S’il ne révolutionne pas le genre (difficile avec ce type d’histoire d’avoir des enjeux autres que l’envie de survivre), il a le mérite d’être techniquement irréprochable. On en prend clairement plein les mirettes et on prend définitivement conscience (si besoin en était) qu’Aja joue dans la cour des grands. Oxygène est un film propre où fourmillent dix idées de mise en scène par plan et qui n’hésite pas à apporter quelques images chocs quand l’occasion se présente (Aja n’oublie pas ses racines). Et même si la forme est meilleure que le fond, le tout reste suffisamment prenant pour passer un moment de cinéma nettement qualitatif.

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