Falcon Lake : un rêve familier…

Quelque chose de l’ordre d’une réminiscence. Quelque chose qui tiendrait peut-être d’une polissonnerie, d’une farce où se côtoieraient deux garnements effrontés, farce revenant tout à trac à notre esprit de cinéphile aguerri de longues années plus tard. Quelque chose de l’ordre d’une « inquiétante étrangeté », d’un bouleversant Das Unheimliche, cette fameuse notion psychanalytique si chère à Sigmund Freud exprimant si bien la beauté des affres et des secrets de l’enfance, refoulée mais in-oubliée. Ce quelque chose, à la fois si simple et si multiple, si évident et si tacite dans le même temps, semble être le point de départ du premier long métrage de l’actrice et mannequin québécoise Charlotte Le Bon qui – à 36 ans à peine – accouche d’un écrin filmique d’une sensibilité à nulle autre pareille : le flamboyant et mélancolique Falcon Lake, visible dans nos salles obscures dès ce mercredi 7 décembre et qui fut l’un des solides prétendants à la Caméra d’Or lors du 75ème Festival de Cannes…

Un film bouleversant et littéralement habité par les anges et les démons de sa réalisatrice, poème ultra-sensible aux résonances fantastiques et parfaitement singulières sur lequel notre plume n’écrira point par quatre chemins : en un mot comme en mille, en un souvenir comme en plusieurs, dans sa vue détaillée comme dans sa vue d’ensemble Falcon Lake demeure et restera sans conteste l’un des plus beaux films de cette fin d’année 2022, une histoire d’amour unique à la dimension empirique dignement irréfutable. Clairement inspiré du propre vécu de Charlotte Le Bon ledit métrage raconte avec sa petite – mais altière – voix de rêverie filmique la rencontre de Bastien et de Chloé dans les contrées reculées du lac titulaire. Timide et un rien taciturne, âgé d’un peu moins de 14 ans le jeune Bastien suit malgré lui ses parents venus rendre visite à une amie durant l’été dans un domaine agreste aux allures de villégiature… C’est là qu’intervient la jeune Chloé, adolescente aventureuse à la beauté prononcée de trois ans son aînée et fille de Louise, amie des parents de Bastien…

Entre les deux jeunes gens s’étend Falcon Lake, plan d’eau hanté par les fantômes que semble voir ou inventer à sa guise la belle Chloé ; charmé par la jeune fille mais un peu gauche et peu expansif en matière de sentiments Bastien tombera amoureux d’elle alors que l’adolescente entretiendra une ambiguïté tour à tour dolente, sincère et impitoyable à l’encontre du garçon… Et c’est ce quelque chose que Charlotte Le Bon filme de la manière la plus admirable qui soit d’un bout à l’autre de Falcon Lake, ces non-dits inoubliables appartenant à tout un chacun comme autant de secrets meurtris nous laissant à la fois heureux et malheureux, ouverts et vulnérables, fiers de vivre et dévastés.

L’amour est – depuis la nuit des temps du Septième Art – affaire de cinéma et d’émotions et la jeune réalisatrice semble avoir intégré cet adage avec la maturité des plus grandes et des plus grands. Offrant à Joseph Engel et à Sara Montpetit deux rôles d’une désarmante justesse dramatique Charlotte Le Bon semble par ailleurs avoir eu la volonté de parfaire son écrin filmique sur tous les plans : splendeur de la photographie et des décors naturels magnifiés par une pellicule 16mm à la patine joliment surannée, sélection musicale parcimonieuse accouplée à un mixage sonore tout à fait impressionnant compte tenu de l’essai proposé, écriture subtile et montage entièrement efficace… Une réussite majeure de cette fin d’automne 2022, véritable coup de coeur de notre rédaction à vivre en salles impérativement. Sublime.

1 Rétrolien / Ping

  1. Astrakan : La cinquième roue du carrosse... -

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*