A l’Intérieur : Un (mal)heureux événement

Le mois d’octobre est déjà bien entamé et la période préférée de l’année des amateurs d’horreur avec lui. Bien évidemment, Shadowz ne pouvait pas louper le coche. Ainsi, depuis hier, 14 octobre, la plateforme entend rendre justice à la fête d’Halloween en vous proposant un nouveau film par jour. Autant vous le dire de suite, il y aura du classique, du culte, du gore et de la tripaille à n’en plus finir. On ne pouvait délibérément pas passer à côté d’un programme aussi alléchant afin d’agrémenter cette séance Shadowz à laquelle nous sommes si attachés. Pour ce faire, les trublions de la plateforme sont venus directement titiller notre corde sensible. Retour au début des années 2000, et plus précisément en 2003. Un petit réalisateur encore inconnu débarque dans nos salles avec son second long métrage. Il s’agit d’Alexandre Aja. Son nouveau film, Haute Tension, va faire l’effet d’une immense déflagration dans notre cœur de jeune cinéphile amateur de films d’horreur. Nous avions 14 ans et Haute Tension nous a clairement donné espoir quant aux capacités du cinéma français à pouvoir proposer de l’horreur visuellement crade non sans négliger un esthétisme prenant. En dépit de quelques essais marquants comme Trouble Every Day de Claire Denis ou encore 3615 Code Père-Noël de René Manzor que nous chérissions déjà beaucoup, Alexandre Aja a vraiment relancé l’espoir qu’un tel cinéma était possible à produire au sein de nos frontières. Haute Tension était une proposition radicale de la part d’un réalisateur ayant parfaitement digéré ses classiques. Son film a ouvert une brèche dans laquelle Manuel Alduy, alors directeur des acquisitions chez Canal Plus, s’est immédiatement engouffré. En 2006, Alduy lance le projet « French Frayeur » pour le compte de Canal Plus. Le but étant de produire des films d’horreur français dans la lignée des succès anglo-saxons de l’époque comme Saw, The Descent ou encore L’armée des Morts pour des budgets dérisoires. Une petite révolution qui a vu germer des réalisateurs comme Pascal Laugier, Xavier Gens ou encore Alexandre Bustillo et Julien Maury qui sont au centre de notre séance du jour. A l’Intérieur est leur premier long métrage et comme Alexandre Aja, les deux réalisateurs entendent montrer de quel bois ils se chauffent tout en n’omettant pas de nous raconter le cinéma qui les a bercés. Bienvenue pour un réveillon de Noël que vous ne risquez pas d’oublier.

Sarah, dont le mari vient de décéder dans un accident de voiture, passe seule le réveillon de Noël dans sa maison. Alors qu’elle doit se rendre le lendemain matin à la clinique pour accoucher, une femme étrange frappe à sa porte pendant la nuit. Elle est bien décidée à lui arracher, par tous les moyens, le bébé dans son ventre.

Le duo Maury/Bustillo rend hommage aux films de home invasion en faisant un détour par le giallo avec A l’Intérieur. En cours de route, ils ne manquent pas d’évoquer le film de psycho-killer et lorgnent de loin le film de banlieue afin de tisser une toile de fond qui sert l’histoire de leur film. Prenant le parti du huis-clos afin d’étirer la souffrance de leur héroïne jusqu’au paroxysme, Maury et Bustillo développent une mise en scène intuitive pour mener à bien leur projet. En effet, l’esthétisme du film lui permet encore aujourd’hui de se hisser parmi le haut du panier des productions de l’époque. Il y a une dynamique imparable dans le découpage technique du film. Les deux réalisateurs font preuve d’ingéniosité et relancent perpétuellement les enjeux grâce à une mise en scène féroce. Ils tirent parti de l’obscurité pour en faire un véritable enjeu. Ils présentent l’antagoniste comme un spectre, une proie qui erre dans l’ombre de Sarah. La première partie du film est glaçante et repousse jusqu’à l’insupportable le moment où l’intruse décide de passer à l’acte. Une patience bienvenue qui paye puisqu’elle nous permet de rentrer en empathie pour l’héroïne et de comprendre son histoire par le biais de plusieurs artifices de mise en scène simples et efficaces (la scène où elle fantasme son mari qui la prend dans ses bras est remplie de délicatesse et de tendresse). Lorsque le film bascule dans l’horreur, nous nous rendons vite compte que notre patience sera récompensée en bonne et due forme. Quand bien même les effets visuels du fœtus en 3D ont sacrément vieillis, les effets pratiques sont encore tout à fait saisissants. A l’Intérieur est un film qui prend toujours aux tripes (au sens propre comme au figuré) et qui est à réserver aux estomacs les plus accrochés.

Bien évidemment, impossible d’évoquer le film sans s’arrêter sur les immenses performances de Béatrice Dalle et Alysson Paradis. Les deux femmes vont puiser une énergie dévorante et nous entraînent au cœur d’une lutte barbare dont la tension ne redescend jamais. Si l’on savait Béatrice Dalle capable d’endosser ce genre de rôle, la grande révélation du film demeure Alysson Paradis. La sœur cadette de Vanessa tient ici son premier premier-rôle et insuffle une énergie débordante à son personnage. Rôle extrêmement physique pour la comédienne, elle étonne par sa dévotion sans faille puisqu’elle portait un faux-ventre qui pesait le véritable poids d’un ventre de femme enceinte lors du tournage. D’ailleurs, A l’Intérieur est un film qui mise tout sur le langage des corps. Le film est peu bavard et préfère invoquer la fameuse technique du « show, don’t tell » pour dérouler ses éléments de l’intrigue. Les dialogues ne distillent que le peu d’informations nécessaires à l’identification des personnages. Maury et Bustillo ne tergiversent pas, ils ont tout à prouver. Ils mettent aussi un point d’honneur à ne pas tomber dans les erreurs inhérentes au premier film, à savoir se perdre dans un gloubi-boulga qui rassemble toutes les références de ceux-ci afin de montrer ce qui les fait vibrer. Ils convoquent, certes, Joël Santoni (Mort Un Dimanche de Pluie est un des films préférés des deux réalisateurs), Dario Argento ou encore Tobe Hooper mais ils ne le font pas en vain. Ils parviennent à différencier le simple hommage sans saveur avec un matériau qu’ils transforment en planche de travail pour puiser l’inspiration. En effet, repérer leurs références demeure un exercice plaisant, et l’est d’autant plus qu’elles sont digérées et remaniées dans l’intérêt du film. Pour cela, A l’Intérieur est un film qu’on prend vraiment plaisir à redécouvrir au fur et à mesure que notre cinéphilie grandit puisqu’il se bonifie avec cette dernière. Une qualité rare qui permet de ranger fièrement le film aux côtés d’autres incontournables du genre.

Shadowz frappe fort avec ce début de calendrier de l’Avent Halloween. Le premier long métrage de Julien Maury et Alexandre Bustillo est une pépite immanquable qui saura autant ravir les amateurs de gore que ceux aimant les films à l’horreur plus complexe et torturée. Le film jouit de plusieurs symboliques fortes et doit beaucoup à ses comédiens qui s’y investissent corps et âme. Définitivement une claque !

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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