The Woman : Patient Satellite

Retour sur un film de genre pour le moins singulier, que notre rédaction a eu la joie de redécouvrir à l’occasion d’un épluchage passionné du catalogue de la plate-forme Shadowz : le percutant The Woman, horror movie en forme de satire sociale d’une belle insolence doublée d’une remarquable intelligence dans son propos, portrait d’une famille sous le joug d’un patriarcat aux allures de science dégénérée. Sorti au début des années 2010 ledit film marque le grand retour du cinéaste Lucky McKee derrière la caméra, auteur du très bon May tourné près de dix ans plus tôt.

Co-écrit par Jack Ketchum le scénario de The Woman figure certainement parmi les plus originaux dans un genre souvent sclérosé par les pitchs et/ou les arguments typiquement bas du front ; rejoignant à sa manière le cinéma à la fois théorique et organique du grand Pascal Laugier (l’ultra-violence graphique de Martyrs vient à plusieurs reprises au regard du film de Lucky McKee, ndlr) The Woman est moins une oeuvre éculant lassablement les gimmicks de l’horreur (du sang, un couteau manipulé par un maniaque, du sang, une héroïne en parfaite scream-queen, et encore et encore du sang…) qu’un objet d’étude saisissant sur la monstruosité humaine et ses travers les plus inavouables, thèse d’un film astucieusement mêlée à une forme tout sauf avare en termes d’effets…

La woman du titre est une femme sauvage, visible dès les premières secondes du métrage en compagnie des bêtes et d’une nature un rien hostile, baignant dans une lumière sous-exposée ; des frondaisons surplombant un ru caillouteux au repaire d’une famille de loups la femme déambule sans habits ni langage, d’emblée mise au ban de ce que les cuistres nommeront comiquement la civilisation… Ce sera sans compter la figure du terrible Chris Cleek (Sean Bridgers, vu plus récemment dans le magnifique Room qui trouve là enfin un véritable rôle à sa mesure) brillant avocat marié et père de trois enfants désireux de la capturer afin de lui apprendre les règles d’une éducation en bonne et due forme. Séquestrée dans la cave du domaine familial ladite femme devra faire face au quintet de personnages de la famille Cleek, étrangère aux mots car imperturbablement mutique et pétrie d’animosité à l’encontre du patriarche…

Si la figure-titre échappe à tous les archétypes préexistants du genre (à peine Lucky McKee évoque, en en inversant la polarité, le mythe du bon sauvage, ndlr) la famille Cleek accumule quant à elle tous les clichés d’une famille aux dehors parfaits mais d’une sordidité sous-jacente exemplaire : un père sadique, sexiste et potentiellement incestueux, une mère de famille soumise et peu décisionnaire (Angela Bettis, déjà vue dans May), une soeur aînée mal dans sa peau flanquée d’un frère cadet reproduisant socialement les exactions de son père et une benjamine visiblement curieuse de la sauvagerie extrême de leur hôte. McKee tire à boulets rouges sur les turpitudes volontaires de Chris Cleek en lui laissant la plus grande place dans le récit, montrant d’une certaine façon un idéaliste qui aurait terriblement mal tourné. Engagé voire même féministe jusque dans son intitulé The Woman oscille brillamment entre des scènes scabreuses et dérangeantes et des séquences mettant en lumière le dysfonctionnement voilé de la famille Cleek, à l’image de cette cave en sous-sol : potentiel boîte de Pandore, ce cellier déchaîne les foudres de la femme sauvage tout en représentant de façon éloquente l’hypocrisie et les faux-semblants de Chris Cleek (son déni lorsque son fils semble avoir violé sa captive en est le plus bel exemple…).

A noter que la dernière demi-heure de The Woman donne raison à la prodigalité graphique sus-citée, concert d’hémoglobine empêchant miraculeusement le spectateur de renoncer à digérer un propos lourd de sens exécuté en amont par Jack Ketchum et Lucky McKee. Nous retiendrons également la superbe bande originale de Sean Spillane sertie de morceaux rock évoquant un teenage movie faussement inoffensif, nouvelle preuve de la formidable capacité du réalisateur à détourner nos attentes de spectateur. Âpre et particulièrement dérangeant The Woman s’impose de toute évidence comme une référence du genre, à voir et revoir absolument.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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