Tendre Bonheur : Phœnix au Texas…

Il est des films ne s’encombrant pas de ressorts scénaristiques grossièrement alambiqués, tellement simples et évidents dans le même temps qu’ils semblent en permanence « tenir tout seul », forts d’un sujet à la fois singulier et universel, profond mais digeste dans un même mouvement de lyrisme feutré, doux-amer mais discrètement sublime…

Premier film de l’australien Bruce Beresford tourné aux Etats-Unis au début des années 80 Tendre Bonheur est de cette race de morceaux de cinéma redonnant tout son sel à la notion un rien dénigrante de « bons sentiments », offrant à Robert Duvall (l’un des principaux vétérans du Nouvel Hollywood, ndlr) le rôle emblématique de Mac Sledge, emploi fictif pour lequel l’acteur américain reçut la récompense suprême à la Cérémonie des Oscars en 1983. Commençant « dans le chou des choses » Tendre Bonheur suit donc à la trace cette ex-star locale de musique country déchue et alcoolique à un degré avancé bienveillamment récupérée par Rosa Lee, une jeune texane tenancière de motel veuve et mère d’un petit garçon qui va progressivement restaurer l’ancien chanteur, bâtissant de nouvelles fondations sur une existence alors réduite à l’état de champ de ruines. A renfort de narration elliptique, quasiment perforée de part et d’autre Bruce Beresford accouche d’une balade tout fait plaisante à suivre en se penchant sur la résilience de son anti-héros, loser magnifique reprenant peu à peu goût au travail, à l’expression artistique… et à la famille.

Finalement peu propice à l’analyse et aux exégèses fastidieuses, ce drame intimiste aux dehors impavides mais profondément touchant tient du parfait petit film outsider, métrage indépendant empruntant à ses aînés du Nouvel Hollywood les chemins de traverse et les étendues dépaysantes du road-movie, montrant en paradoxe une figure à priori erratique amenée à prendre raisonnablement racine sous l’œil amical, sentimental presque de la belle et pieuse Rosa Lee. Absolument remarquable Robert Duvall porte en large partie la puissance émotionnelle du film de Bruce Beresford sur ses épaules, artiste mélancolique davantage connu pour sa prestation d’irrésistible grand saucier dans le célèbre Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Joliment filmé par un Bruce Beresford en belle forme Tendre Bonheur distille une gentillesse endolorie étrangement opposée aux nombreuses discordes ayant mécontenté le réalisateur et l’acteur principal à maintes reprises au cours du tournage, malgré l’artisanat modeste et rigoureux du premier et l’implication totale du second dans le projet sus-cité.

Disponible en combo Blu-Ray/DVD en la forme d’un 47ème numéro dans la collection Make My Day! chapeautée par un Jean-Baptiste Thoret comme toujours loquace et passionnant à écouter au fil des présentations Tendre Bonheur est un film à l’humilité entièrement touchante et universelle, se gardant bien de se donner des airs de grand classique pour mieux proposer sa prégnante humanité. Un film simple et cordial, preuve qu’avec de bons sentiments on peut aussi – n’en déplaise à André Gide – faire du bon cinéma…

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