Mort ou Vif : Tout est dans le doigté

Dans la catégorie des films réhabilités avec le temps, Mort ou Vif en tient une sacrée couche. Échec commercial cuisant à sa sortie sur le sol américain totalisant à peine plus de 18 millions de dollars pour un budget de 32 millions, il faillit coûter la carrière de Sam Raimi. Ce dernier, dévasté par les critiques mitigées et l’accueil glacial du public, se prenait pour un « dinosaure incapable de s’adapter au contenu ». S’il renouera avec le succès en 2002 pour le premier volet de sa trilogie Spider-Man, Raimi se confrontera à une traversée du désert diabolique de laquelle il sortira trois films confidentiels parmi lesquels le superbe Un Plan Simple que nous vous invitons chaudement à (re)découvrir. Pour bien comprendre ce qui a amené Sam Raimi à réaliser Mort ou Vif, il faut s’intéresser à la genèse du projet. Suite au succès fulgurant de Basic Instinct, Sharon Stone compte parmi les actrice les plus influentes d’Hollywood. Elle est approchée par la production du film et est nommée co-productrice de ce dernier, lui offrant la possibilité de choisir ses partenaires ainsi que le réalisateur. Sur la liste envoyée par Sharon Stone, il ne figurait qu’un seul et unique nom de réalisateur : celui de Sam Raimi. A cette époque il avait déjà réalisé la trilogie Evil Dead, l’amusant Mort Sur Le Grill et l’étonnant Darkman. Un état des lieux de sa filmographie d’alors faisait déjà foi d’un amour impondérable pour les bande-dessinées et une certaine idée loufoque de la violence au cinéma…tous les ingrédients qu’il fallait pour Mort ou Vif.

1881. Dans la ville de Redemption, a lieu un concours annuel qui récompense le meilleur tireur par une énorme somme d’argent. Jusqu’à présent, le tyrannique maître de la ville, Herod, a toujours gagné. Cette fois, Ellen, une ravissante jeune étrangère, participe au concours. Elle est bien décidée à le battre pour une raison très particulière.

Non contente d’avoir eu Sam Raimi derrière la caméra, Sharon Stone est allée à l’encontre des avis des producteurs et a imposé les présences de Leonardo DiCaprio et de Russell Crowe afin de lui donner la réplique. Fort d’un casting de jeunes prodiges de l’époque, de comédiens confirmés (Gene Hackman, Lance Henriksen) et de seconds couteaux de qualité (Tobin Bell, Pat Hingle, Keith David), Mort ou Vif avait tous les atouts pour fonctionner à merveille. Sorte de chant du cygne pour un genre totalement oublié au milieu des années 1990 (le western), Mort ou Vif est à ranger parmi les dernières grandes œuvres de ce dernier aux côtés de Danse Avec Les Loups et Impitoyable. Sam Raimi digère les codes du western spaghetti et offre un concentré de savoir-faire absolument prodigieux. L’entièreté de sa maestria artistique dégueule de tous les plans du film. Sam Raimi étale son artisanat avec abondance, c’est un régal de tous les instants. Sa mise en scène est flamboyante, chaque plan est minutieusement pensé et découpé. Mort ou Vif est un sacré western dopé aux amphétamines qui parvient à faire tenir en haleine avec une histoire simpliste. Se permettant de saluer ouvertement les plus grands cinéastes du genre, parmi lesquels Sergio Corbucci et Sergio Leone qui sont cités abondamment, Raimi s’approprie tout un pan du cinéma européen pour nous offrir une sublime déclaration d’amour. Ceci explique sans doute pourquoi le film n’a pas marché sur le sol américain (bien trop loin des codes des classiques US du genre), mais a assez bien fonctionné à l’international, lui permettant de rentrer tout juste dans ses frais.

Le casting est démentiel. On y retrouve toutes les gueules qui ont fait (et feront) le cinéma populaire que l’on connaît. Impossible de faire la fine bouche tant les acteurs donnent tout ce qu’ils ont. Gene Hackman campe l’un des méchants les plus détestables que le western ait compté. Marchant divinement sur les plates-bandes d’un Henry Fonda d’Il Était Une Fois Dans l’Ouest, Hackman confère à Herod une aura singulière, une anthologie du mal que rien ni personne ne pourra remettre dans le droit chemin. Leonardo DiCaprio, révélé par Gilbert Grape, offre une insolence au rôle du Kid qui lui sied à merveille. Il bouffe l’image par son bagou qui semble inarrêtable là où Russell Crowe impose par un jeu plus nuancé et intérieur qu’il se permettra de développer encore plus profondément chez Ridley Scott pour Gladiator. Sans compter la brochette d’acteurs confirmés qui assurent un spectacle de haute qualité. Mort ou Vif est un terrain de jeu immense où tous les coups sont permis. De fait, et même si Sharon Stone demeure plus belle que jamais, la star du film semble s’effacer face aux mâles dominants du film. Si elle paraît satisfaite d’avoir réussi à imposer les talents qu’elle convoitait, elle se fait voler la vedette plus d’une fois. En dépit du fait qu’elle tienne le rôle-titre, il lui est difficile de passer outre sa flamboyante beauté pour offrir un rôle plus conséquent. Elle n’est pas une coquille vide pour autant, mais elle se montre en deçà de ce qu’elle peut imposer. Probablement qu’elle essayait de casser son image de femme fatale allouée à la sortie de Basic Instinct. Stone s’offre quelques séquences de bravoure inhérentes à l’histoire de son personnage, mais assure le strict minimum. Elle est coincée entre les stars confirmées qui n’ont plus rien à prouver et qui ne sont là que pour s’amuser et les stars en devenir qui ont faim et besoin de faire leurs preuves. Quoi qu’il en soit, Mort ou Vif ne pâti en aucun cas du manque de consistance de son personnage principal tant le spectacle qui nous est offert parvient à nous sustenter plus que de raison.

Ressorti dans une superbe édition 4K parue chez l’Atelier d’Images, Mort ou Vif renaît de ses cendres et nous convoque à un duel mémorable. Sam Raimi prouvait définitivement qu’il était un réalisateur avec de la suite dans les idées, à des années de l’image de dinosaure qu’il percevait de lui-même. Le casting est impérial et la musique d’Alan Silvestri surmonte tout pour envoyer le film au firmament des westerns les plus couillus jamais fait. Mort ou Vif est un must have en puissance, une pièce maîtresse qui saura trouver une place de choix au sein de votre collection, parole de pistolero.

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