Why Don’t You Just Die : Mon beau-père et moi

Les affinités entre la plate-forme Shadowz et le Paris International Fantastic Film Festival ne sont désormais plus à remettre en question. Le catalogue n’a de cesse de s’enrichir des titres phares des dernières éditions pour le plus grand plaisir des provinciaux qui ne peuvent y assister lors des éditions dans la capitale. Afin d’entamer le mois d’avril en bonne et due forme, nos chers confrères de chez Shadowz se sont emparés du lauréat de l’année 2019, Why Don’t You Just Die ! Couronné du Grand Prix et du Prix du Public, le premier film écrit et réalisé par Kirill Sokolov a été vendu comme le film russe qu’on n’attendait pas. S’entichant d’une considération solide au sein de la confrérie des bisseux, il jouit d’une étiquette dynamitant tous les poncifs qui collent aux DTV de seconde zone qu’on veut bien nous accorder par chez nous lorsqu’il s’agit d’explorer le cinéma de genre russe contemporain. Difficile de se souvenir du dernier gros film russe ayant rencontré un succès phénoménal par chez nous, ou du moins un vif intérêt de la part du public. D’aucuns citeront Hardcore Henry (co-production américaine malgré tout) d’Ilya Naishuller, mais ce dernier était bien trop brouillon pour trouver grâce à nos yeux. L’excès de générosité devenait son plus gros défaut et finissait par lasser indubitablement, ne dépassant jamais le stade initial de son high concept. Pour sûr que nous avions hâte d’enfin découvrir Why Don’t You Just Die qui était précédé d’une sacré réputation le plaçant à mi-chemin entre le cinéma de Quentin Tarantino et celui de Sergio Leone, rien que ça !

Marteau en main, Matvey est déterminé à aller venger sa petite amie des mauvais traitements infligés par son père. Ce dernier, un flic plutôt costaud, ne va pas se laisser faire. Les deux hommes s’écharpent dans l’appartement familial et son bientôt rejoints par d’autres protagonistes prêts à en découdre.

Dès l’introduction du film, les influences de Kirill Sokolov sautent aux yeux. Pour sûr qu’il a été biberonné aux œuvres de Quentin Tarantino, mais également au cinéma des frères Coen et l’humour burlesque de Sam Raimi en passant par le cinéma européen, celui d’Alex De La Iglesia en tête de gondole. Pour ce qui est de son affiliation avec Sergio Leone, elle n’est pas tout à fait palpable tant son hommage aux westerns spaghettis est évident, mais lorgne plus vers le parcours bis d’un Sergio Corbucci que la grande rigueur, presque maladive, de Leone. Qu’importe, les références sont bien présentes et ne se cachent en aucun cas. Nous comprenons l’extrême enthousiasme que le film a suscité lors du PIFFF 2019 tant il se présente indéniablement comme un pur produit de festival. C’est un film qui se vit au milieu d’une salle déchaînée avec un public en extrême communion avec la proposition diffusée sur la toile. Seulement, les plus grandes productions festivalières demeurent celles qu’on prend également plaisir à revivre au milieu de notre salon. Ce sont des films qu’on s’empresse de recommander à tour de bras, des films qui subsistent par la ferveur qu’on leur accorde et qui parviennent à délivrer leur puissance autant sur grand que petit écran. Et à ce jeu, Why Don’t You Just Die, tout comme Hardcore Henry, pèche par excès d’ambitions.

Le film souffre du syndrome inhérent à tout auteur passionné à la tête de son premier long métrage, il est vraiment too much. Trop généreux, trop outrancier, mais surtout trop long ! D’autant que la séquence d’introduction donne le ton de la maladie dont le reste du film souffrira : il n’a pas grand chose à raconter. Passée la scène d’ouverture over the top qui présente un petit ami qui cherche à fracasser le crâne de son beau-père robuste et roublard, on se demande bien où ce huis-clos parviendra à nous emmener. Certes, l’introduction flatte sévèrement notre ego et nous ramène directement vers les meilleurs films des auteurs susmentionnés, mais un œil avisé saura également prédire la pauvreté du reste du métrage. Sokolov grille d’emblée toutes ses cartes. En l’espace d’une dizaine de minutes, il dévoile absolument tout son jeu et plus rien ne sera surprenant par la suite. Les personnages loufoques tout droit sortis d’un cartoon, l’abondance de gore, l’over stylisation dans la mise en scène… C’est un sacré viol de la rétine qui nous embarque. S’il y a un aspect salvateur non-négligeable qui se dégage de cette ouverture, cela arrive bien trop vite. Tel un éjaculateur précoce, Why Don’t You Just Die envoie la purée alors que la phase de séduction débute à peine. Il y a un sérieux problème de point de vue.

Taper sévèrement dans le lard dès l’ouverture induit une maîtrise du rythme qui ne doit jamais retomber d’une part, mais également de renouveler sans cesse la manière de sublimer la violence d’autre part. Or, il n’en sera jamais vraiment le cas ici. Certes, le film est un déferlement de scènes violentes et rentre-dedans, mais l’exécution n’est jamais à la hauteur de ses promesses. Ce n’est pas le tout de citer ouvertement Reservoir Dogs, le huis-clos demeure un exercice qui exige une discipline de fer que ne possède pas (encore) Sokolov. Il étire péniblement le temps par un abus de ralentis qui pèsent redoutablement sur l’estomac. L’indigestion, pour ne pas parler d’occlusion, est inévitable et cela devient un vrai parcours du combattant d’arriver au générique de fin. Le film aurait gagné en impact s’il avait décidé de s’inspirer de l’écriture de Tarantino plutôt que d’en rester à sa manière de mettre en scène la violence. Ce qui la rend si salvatrice chez Quentin provient de ces longues envolées lyriques dans lesquelles ses personnages se perdent dans des dialogues diablement écrits. Why Don’t You Just Die aurait mérité de circoncire drastiquement ses actions pour se focaliser autour d’un face à face entre Maltvei et Andrei. Faire monter la tension, laisser les personnages en permanence sur un fil tendu, flirter avec le point de non retour et susciter une vive attente avant l’extrême délivrance d’un affrontement sanglant. Finalement, il ne s’agit ni plus ni moins que des personnages qui se charcutent pendant plus de 90 minutes. C’est franchement maigre !

Why Don’t You Just Die démontre un certain penchant pour son réalisateur à parvenir à assimiler les auteurs qu’il admire. S’il a indubitablement acquis les codes visuels qu’il régurgite passionnément, il lui manque encore une plume acérée qui viendrait sublimer le tout. Il n’en reste qu’un film aussi épuisant qu’il frustre par tant de potentiel gâché. Kirill Sokolov offre, néanmoins, de belles promesses pour de futurs films où, espérons-le, il devrait gagner en maturité pour recentrer ses idées et parvenir à libérer le haut potentiel repéré ici.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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