Cyrano : À la fin de l’envoi, il chante !

Puisque tout peut être transformé en comédie musicale, y compris les gros classiques de la littérature française (notamment Les Misérables, avec succès sur scène, avec beaucoup moins de panache sur grand écran), pourquoi ne pas également faire chanter Cyrano de Bergerac ? C’est le parti pris du nouveau film de Joe Wright (que l’on avait laissé sur l’échec de La femme à la fenêtre sur Netflix l’année dernière dans une version qui est loin d’être celle qu’il avait voulue), lui-même adapté de la comédie musicale écrite par Erica Schmidt et montée en 2018 avec, déjà, Peter Dinklage et Haley Bennett dans les rôles principaux. Dinklage qui est le mari à la ville d’Erica Schmidt tandis que Haley Bennett est en couple avec Joe Wright. Une histoire de talent et de cœur se trouve donc derrière le film, pas étonnant vu ce qu’il raconte.

Et si l’on est en droit de se demander quel intérêt il peut bien y avoir à une nouvelle version de Cyrano, force est de constater que bien interprétée, cette histoire d’amour dissimulée reste toujours aussi puissante, quand bien même elle est jouée en anglais et parsemée de chansons aux accents pops totalement anachroniques. Et si le film se retrouve souvent le cul entre deux chaises, à la fois tiraillé entre de belles envolées lyriques (les chansons I Need More, What I Deserve et Wherever I Fall offrent de belles séquences) et de sacrés moments kitchs frôlant le ridicule (pauvre Ben Mendelsohn, qui mérite tellement mieux que de jouer le méchant de service dans bon nombre de productions hollywoodiennes), il ne s’en dégage pas moins une vibrante énergie à laquelle il serait dommage de rester insensible. En effet, sans être un grand cinéaste, Joe Wright a un certain talent de formaliste et parvient à dynamiter bon nombre de séquences attendues avec un certain panache.

C’est ainsi que malgré tous les voyants au rouge (Cyrano en comédie musicale), on s’emballe pour le récit que Wright mène à une belle allure, faisant ce qu’il peut pour relever certaines chansons plus fadasses que d’autres. Et surtout il peut compter sur ses deux interprètes principaux pour livrer l’émotion nécessaire à l’histoire. Peter Dinklage est en effet parfait en Cyrano et les puristes criant au scandale parce que son immense nez a été remplacé par sa petite taille sont des gens qui n’ont rien compris à la pièce d’Edmond Rostand dans laquelle le nez n’était finalement qu’un outil narratif comme un autre pour parler de la différence, du regard de l’autre et de l’acceptation de soi. Dinklage assume avec une belle émotion toute la complexité du personnage face à une Haley Bennett campant une impeccable Roxane, ayant compris les subtilités d’un personnage pas évident à jouer, pouvant très vite dans les clichés.

Ce duo de choc compose la plus grande qualité de ce Cyrano musical, loin d’être aussi mauvais qu’on pouvait le craindre et loin de mériter autant de mauvaises critiques (le film a été en plus un tel échec au box-office un peu partout qu’Universal a même hésité à le sortir en France). Il faut bien évidemment en accepter tous les défauts et l’impression étrange de regarder un grand clip parfois ridicule mais le cœur mis à l’ouvrage et la sincérité se dégageant de l’interprétation n’empêche pas d’être ému à nouveau par ce qui demeure l’une des plus belles et des plus bouleversantes histoires d’amour de la littérature. C’est à bouder si vous n’avez pas l’âme romantique mais ça mérite qu’on lui donne une chance, pour l’aimer comme on aime sincèrement, avec ses qualités et ses défauts.

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