
Voilà dix années que les Hunger Games existent. Mais voilà, le problème est majeur : les audiences sont en baisse, les districts ne souhaitent plus entendre la morale assénée à travers ces jeux sanguinolents : ils ont essayé de se soulever, et pour cela, ils seront punis chaque année. Une seule solution s’impose pour y remédier : le divertissement. Les meilleurs (et privilégiés) étudiants de Panem sont désignés pour être mentor de chaque district. Leur but est de créer le plus de spectacle pour gagner un prix sans pareille, prix que le jeune Coriolanus Snow convoite. Coriolanus doit redorer le blason de sa famille, qui s’est appauvrie en secret. Ce dernier se voit attribué le dernier tribut : Luy Gray Baird, une jeune chanteuse du district douze.

Avis à tous ceux qui ne vivent que pour les préquels de nos univers favoris : vous ne serez pas déçus. Francis Lawrence nous transporte une nouvelle fois dans Panem, mais c’est un retour en arrière qui s’impose, et pas des moindres. La guerre est un souvenir bien frais, et Coriolanus Snow a déjà à son jeune âge des envies de pouvoir, se sentant miséreux parmi les plus riches. Bien qu’ayant un toit sur la tête et faisant partie de la grande caste, on nous souligne dès le départ que ce personnage malchanceux aspire à un avenir meilleur. Force est de constater que nous sommes pris au jeu, et que nous sommes compatissants envers un jeune homme qui ne remet nullement en cause les Hunger Games, bien au contraire. S’il veut sauver Lucy, il ne cesse de proposer des nouvelles idées à ajouter aux funestes jeux, tout en soulignant la différence entre les privilégiés, et les autres.
Là est précisément le tour de force du film : le point de vue n’est plus le même : nous accompagnons Coriolanus (et secondairement Lucy Gray) et le monde des Hunger Games nous est vendu sous le prisme du divertissement, de l’ingéniosité tout en faisant pencher la balance de la moralité d’un côté, puis de l’autre. Francis Lawrence joue constamment avec cet équilibre, sans jamais faire pencher la balance, et c’est une réussite. Si le divertissement est le maitre mot pour le créateur des jeux, l’arène semble être proposée à sa forme la plus brute. Si Snow se distingue par sa délicatesse et sa légèreté presque angélique, c’est au fur et à mesure un homme avide de pouvoir qui n’hésite pas à voir la vie comme une arène, dans laquelle il faut éliminer tous les ennemis. Si nous voyions les Hunger Games de l’intérieur, nous sommes tout autant spectateurs des jeux que les mentors, fixés à leurs petites télévisions comme s’ils pariaient lors de jeux hippiques. C’est alors que cette mise en abyme nous renvoie à notre propre immoralité : les Hungers Games de Katniss et Peeta nous semblaient plus cruels car les spectateurs étaient dans l’arène, à leurs côtés. Dans ce préquelle, c’est la notion de divertissement qui prime. C’est une artiste qu’on intègre à une chasse mortelle, tandis que Katniss était la chasseuse qu’on intégrait à un divertissement. C’est à partir de cette histoire que les Hunger Games deviendront ce que nous connaissons déjà.
Notre seule retenue réside dans le format de l’œuvre en elle-même. Bien que le film soit passionnant, les presque trois heures se font ressentir, et réside à la fin du visionnage ce sentiment que le film aurait pu être divisé en deux, par exemple, pour mieux traiter certains points narratifs précis. Dans ce cas, il aurait été préférable de développer davantage la relation entre Coriolanus et Lucy. Les deux personnages semblent très proches dès le début, qu’il s’agisse de jouer la comédie devant les caméras, ou en coulisses. Et pourtant, même lors de la première diffusion au zoo, c’est assez étonnant de voir ces deux jeunes gens se tenir la main comme le ferait un couple. Au sein de l’univers des Hunger Games, qui aurait trouvé cela normal ou moral ? (On rappelle que dans cet univers, le pays Panem se compose de districts, et les districts les plus riches perçoivent les plus pauvres comme des animaux, des faibles).

Les meurtres dans la troisième partie auraient eux aussi pu être plus détaillés, ne serait-ce que pour comprendre le choix de Lucy de se sauver à la fin du film. Toutefois, le choix de construction du film se base sur celui du livre, narré par Corolanius lui-même. La transposition de ses pensées à l’écran est totalement réussie : l’angoisse ressentie durant les Hunger Games est totalement transmise aux spectateurs, tout comme le fait de se délecter des victoires de Lucy et Coriolanus, véritables stratèges. Si la jeune femme du District 12 veut seulement survivre, Snow est dépeint comme étant galvanisé par chaque petite victoire ; le réalisateur montre que toutes les conditions étaient réunies pour qu’il devienne une bonne personne. Malgré l’importance de sa famille, son amour, son ami de toujours, seule la réussite compte ; Snow se retrouve petit à petit au sommet.
D’ailleurs, qui de mieux que Tom Blyth pour interpréter Snow ? En réalité, la question ne se pose pas, tant l’interprétions du jeune acteur encore méconnue est convaincante. L’alchimie entre lui et Rachel Zegler (Lucy Gray) l’est tout autant : on sent littéralement à travers la caméra que les acteurs prennent un plaisir fou à réaliser un préquel d’une telle envergure. Justement, le dernier film de Francis Lawrence recèle de clins d’œil à la franchise tournée dans les années 2010. De la chanson révolutionnaire de Katniss aux éclaircissements des propos de Snow, tout y est pour former une œuvre complète de la tête au pieds, mais aussi un divertissement et des réflexions qui valent le détour.
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