Le Salaire du Diable : Quand la loi ne peut plus faire justice

Nouvel arrivé chez Rimini Éditions, Le Salaire du Diable de Jack Arnold refait peau neuve dans un superbe master qui rend justice à la photographie du film. Sorti la même année que L’homme Qui Rétrécit (autre film notable de Jack Arnold), Le Salaire du Diable est un projet à cheval entre le film noir et le western. Un film avec une tension permanente qui voit s’affronter deux grandes gueules du cinéma américain des années 1950 : Jeff Chandler et Orson Welles.

Ben Sadler est le shérif d’une petite ville cernée de terres appartenant au puissant Virgil Renchler, propriétaire du ranch où travaillent de très nombreux clandestins mexicains. Un soit, le contremaître du ranch tue l’un des employés. Renchler va tout mettre en œuvre pour empêcher le shérif de mener l’enquête.

Ce qui frappe dès l’ouverture du film, c’est le soin apporté aux éclairages. Jack Arnold joue sur plusieurs niveaux de clair-obscur pour construire le cadre de ses images. L’introduction du film nous plonge d’emblée dans un univers qui marque caractéristiquement les deux genres qu’il va côtoyer. L’ouverture dans le ranch, très typé western, est plongée dans une obscurité dense pour matérialiser la noirceur des assaillants sur le ranchero mexicain, tous les attributs du film noir en somme. En l’espace de quelques minutes, Le Salaire du Diable se montre clair, net et précis. Et cette rigueur se transfigurera tout au long du film. Jack Arnold met un point d’honneur à rendre sa direction artistique la plus impeccable possible. On en prend plein les mirettes, c’est incroyable de technicité. Plus le film avance, plus il accentue les tons chauds. On suffoque avec le shérif. Nous ressentons l’étau qui se resserre petit à petit sur lui. Le fait d’emprunter au western permet au réalisateur de jouer avec une violence plus viscérale comme la séquence où le shérif est traîné en ville à l’arrière d’un pick-up. On ne coupera pas non plus aux duels d’armes à feu, dans un style qui préfigure le vigilant movie. Le Salaire du Diable est à la croisée de plusieurs chemins en définitive, ce qui le rend d’autant plus fascinant à décrypter.

Côté casting, le film n’est pas en reste non plus. Bien évidemment, Orson Welles détonne dans la peau d’un magnat qui contrôle absolument toutes les institutions. Par sa stature imposante, il n’a pas besoin d’aller chercher bien loin pour créer l’effroi. C’en devient presque énervant tant son talent est inévitablement reconnu de tous et indiscutable. On ne peut indéniablement pas lui trouver de défaut. Orson Welles était un surdoué. Un acteur de sa trempe, il n’y en a qu’un par génération. De fait, tous les projecteurs sont braqués sur Jeff Chandler qui se doit de tenir tête à son interlocuteur. Et c’est un défi qu’il réussit haut la main tant il croit dur comme fer à son rôle de shérif droit dans ses bottes. Il y a une escalade progressive vers la violence que ne renierait pas Sam Peckinpah. La chute de l’honnête citoyen qui ne peut plus compter sur les lois pour parfaire son travail et qui ne peut que se faire justice par les armes est une image que Peckinpah a très souvent employé dans son cinéma. Les multiples confrontations entre les deux acteurs offrent des séquences à la tension palpable. La combinaison du flegme naturel de Welles avec la force de frappe de Chandler devrait être plus reconnue parmi les meilleures confrontations de l’histoire du cinéma. C’est une véritable leçon d’acting que les comédiens nous offrent. Rien que pour leurs séquences, Le Salaire du Diable mérite qu’on s’y arrête.

Jack Arnold offre un film terriblement moderne avec Le Salaire du Diable. En puisant dans les genres les plus iconiques du cinéma américain, il sort un projet hybride qui préfigure le devenir des polars qui surviendront dans les années 1970. Nul doute qu’il n’y aurait pas eu les Sam Peckinpah et autres William Friedkin sans Le Salaire du Diable. Rimini Éditions nous permettent de mettre la main sur un très grand film qui saura surprendre même les plus réfractaires au cinéma de patrimoine faisant du Salaire du Diable un achat indispensable.

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