La Croisade : La jeunesse écologique

Après L’homme Fidèle sorti en 2018, Louis Garrel réalise La Croisade. Un film de moins de 75 minutes qui reprend comme acteurs sa femme Laetitia Casta, Joseph Engel et lui-même. Reprenant en partie leurs rôles, du moins dans les noms, La Croisade peut aisément s’envisager comme une suite à son précédent long métrage. Un dyptique fantasmé dont Garrel avoue être attiré à l’idée de pouvoir réaliser un tryptique. Le film met en scène une idée de Jean-Claude Carrière qu’il a souhaité scénariser pour le cinéma avec l’aide de son ami Louis Garrel.

Pendant qu’Abel (Louis Garrel) et Marianne (Laetitia Casta) vivent dans un certain luxe, ils ne se rendent pas compte que Joseph, leur fils, a déjà vendu la moitié de leur fortune au nom d’une cause écologique obscure. Incapables d’admettre la réalité dans un premier temps, c’est lorsque Joseph les amène directement au QG de leur collectif qu’ils commencent à comprendre que leur enfant n’est pas un fabulateur. À partir de là démarre un véritable manège vaudevillien où les enfants deviendront les professeurs écologiques de leurs parents.

La Croisade est un film mignon et léger de parents en totale déconnexion avec les enjeux majeurs de notre société. Persuadés que ce sont eux qui façonnent la vie politique et sociale du pays, ils en oublient que les premiers intéressés sont les générations qui arrivent. À l’image de toutes ces personnalités de plus en plus jeunes qui sont déjà en train de tourner la page des démons de nos parents. Avec un rythme effréné et un soin apporté à l’équilibre de la narration, ce long-métrage semble complet sur son sujet et sa thématique.

Tellement complet qu’il rend parfois l’histoire trop chargée. En dehors de l’écologie, Garrel aborde énormément de thématiques chères à l’enfance. Des leçons sur la vie que l’on apprend jeunes et qui nous modèle pour le futur. Le racisme, la sexualité, la responsabilité infantile, le film est extrêmement adulte au travers du traitement de ses enfants à l’image. Donnant le sentiment de voir un film qui s’éparpille trop ou au contraire qui n’en dit pas assez.

En parallèle, La Croisade souffre de son actualité. Écrit bien avant le phénomène Greta Thunberg et tourné pourtant après, il donne un sentiment de racolage. Sorti avant il n’aurait pourtant été qu’un non-sens. Quelque part La Croisade met en exergue une inaction politique flagrante contre une motivation de la jeunesse qui sait où frapper pour faire mal. Le film est complet aussi dans sa forme informative car de nombreuses solutions existent, et même si certaines semblent pharaoniques, des pistes de réflexion peuvent tout de même se réfléchir. Bien plus qu’à l’heure actuelle.

Finalement il s’agit d’une comédie amusante, bien écrite et équilibrée. L’un des préceptes de Jean-Claude Carrière de définir les personnages par leurs actes et non leur écriture est fondamentale ici. Tout passe par les actes des personnages qui les caractérise en profondeur. La mise en scène est nette et dynamique et la narration fluide. En une heure on explore de nombreux horizons car le rythme le permet. À l’image de la scène d’intro où l’on entre dans cette famille avec panache. Le long-métrage se suffit à lui même. Ni moralisateur ni totalement absurde. Il agit comme une proposition sincère, intéressante et qui offre quelques axes de réflexion si l’on souhaite aller plus loin à son échelle.

Un film foutraque dans lequel Louis Garrel balance un peu, de ci de là, toutes ses pensées ou anecdotes sur la société du moment. Sous une thématique très précise il détourne son propos pour l’étendre à tout un tas de petites impostures de l’homme face à sa condition et à son image. Au milieu de ce généreux mélange de leçons se cache quelques impostures d’idéaux. Notamment cette résurgence à parler d’une jeunesse sexuellement immature en quête d’un idéal de grand garçon. Ou des discours qui, malgré la référence probablement inconsciente à Thanos, s’assoit littéralement sur tout sens moral auquel un enfant de cet âge ne pourrait se soustraire. Il résulte un film sympathique, plutôt touchant par sa nature insouciante mais profondément bancale au résultat de son ambition. Quelques discours flopent par leur paradoxe idéologique.

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