
On ne va pas se mentir, ce qu’il y a de plus difficile dans le fait de vous proposer une séance Shadowz hebdomadaire ne réside pas en l’exercice de devoir rédiger une chronique en un temps imparti, mais bel et bien de choisir le film que nous allons vous présenter. En temps normal, le choix est cornélien quand la plateforme propose entre deux et trois nouveautés par semaine. Imaginez donc le calvaire que cela représente pour nous ce marathon Halloween avec une nouveauté par jour. Tellement de films pour si peu de temps, notamment lorsque Shadowz exhume quelques pépites que nous désirons ardemment découvrir depuis des lustres. Ainsi, cette semaine a été un vrai choix du cœur avant tout. En dépit de sa posture d’œuvre culte, Vigilante demeurait l’un des rares films de William Lustig que nous n’avions pas encore eu l’occasion de voir. Il n’en fallait pas moins pour que Shadowz nous vende le projet comme un film hybride entre « les polars italiens des années 1970 et le réalisme abrasif du William Friedkin de French Connection ». Ce n’est plus un secret pour vous si vous êtes de nos fidèles lecteurs, quand on nous attrape par les sentiments, on ne peut y résister plus longtemps.

Pour s’être interposée dans une station-service contre des voyous qui maltraitaient un vieil homme, Vickie Marino se fait sauvagement agresser à son domicile par la bande de délinquants. Durant l’assaut, son petit garçon est tué et elle-même grièvement blessée. Écœuré par l’incompétence des instances judiciaires, l’impuissance de la police et la corruption qui gangrène la ville de New York, son mari, Eddie Marino, finit par rejoindre un groupe de justiciers pratiquant l’autodéfense.
Second long métrage de William Lustig (en dehors des films pornos qu’il a réalisé en début de carrière), Vigilante sonne comme un besoin de prouver qu’il est un vrai metteur en scène. Son précédent film, Maniac, avait prouvé qu’il avait une prédisposition à savoir reproduire les ambiances craspec des bas-fonds de New York afin de nourrir une histoire de tueur en série somme toute violente. Maniac est un film immensément respecté et reconnu de tous pour l’impact qu’il a eu sur le cinéma et la culture underground de l’époque. On lui reconnaît volontiers toutes les qualités que tout le monde lui accorde, mais c’est un film qui nous a toujours laissé un goût d’inachevé dans sa mise en scène. Sorti 3 ans après Maniac, Vigilante atténue la violence visuelle de son prédécesseur au profit d’une mise en scène travaillée et soignée. Bien évidemment, le sujet n’est pas le même, mais il aurait été facile de tomber dans une parodie de film d’autodéfense. Lustig aurait pu se contenter d’aligner des scènes de meurtres et de tortures avec la maestria graphique dont il sait faire preuve, mais le film n’aurait pas eu grand intérêt. Ici, Lustig invite le mal au cœur des foyers. Il plante un virus qui infecte jusqu’à la justice même. Rien de bien nouveau sous le soleil des vigilant movies, d’autant que les Magnum Force et autres Un Justicier Dans La Ville étaient déjà passés par-là. Mais ce qui rend Vigilante si unique provient justement de l’affiliation de son réalisateur avec la ville qu’il met en scène.

Lustig construit son histoire comme un épisode de Batman dans lequel le superhéros serait absent de l’équation. L’entité maléfique, le moteur de la violence, se meut au cœur des fondations de la ville. Il y a divers gangs qui règnent sur divers quartiers. Il y a la police corrompue et les rares flics qui tentent de sauver la face. Et il y a les citoyens, victimes de violences quotidiennes. Que faire sans véritable espoir ou sans figure autoritaire qui combat réellement le crime ? La réponse est donnée dès l’ouverture de Vigilante : prendre les armes pour reprendre sa vie en main. Aussi, profitons pour saluer le sacré casting de grandes gueules que réunit le réalisateur. Les justiciers sont emmenés par un Fred Williamson charismatique comme jamais. Totalement habité par une rage palpable, il s’offre un rôle en or qui lui sied à merveille. Grosse boule de nerfs en roue-libre, il agit comme un miroir sur Eddie, campé par Robert Forster. Ce dernier veut croire en une justice équitable et refuse de prendre les armes de prime abord. Ce n’est qu’après une ultime humiliation qu’il comprendra que la haine qu’il entrevoyait dans le regard de ses collègues justiciers résultait d’histoires passées douloureuses similaires à la sienne. La rencontre entre Forster et Williamson fait des étincelles. Et lorsque devant la caméra, tout coule de source, cela permet au réalisateur de se focaliser plus promptement sur sa mise en scène. Nous vous le disions ci-dessus, Lustig abandonne le gore graphique au profit d’une horreur palpable. A la manière d’un Brian De Palma, Lustig fait monter la tension dès l’ouverture de son film. Toute la première séquence est une leçon de découpage. On ressent la menace, elle est indicible, mais elle est bien présente. Lustig découpe minutieusement ses plans, ressert de plus en plus ses cadres au fil des minutes, et nous enferme en plein enfer jusqu’à laisser exploser la violence. Il a le bon goût et l’intelligence de ne pas montrer frontalement ce qui serait intolérable. Et c’est dans cette manière de raisonner l’horreur pour la rendre impactante par la suggestion qui rend Vigilante si culte et indémodable. Croyez-nous, vous ne verrez plus jamais une fenêtre de salle de bain de la même manière après avoir vu le film.

Film résolument culte, maintes fois cités par de nombreux cinéastes contemporains (Death Sentence, Que Justice Soit Faite, Hobo With a Shotgun), Vigilante est un film qui n’a rien perdu de sa superbe. William Lustig est au sommet de son art et nous offre son meilleur film, ni plus ni moins. D’aucuns lui préféreront Maniac ou Maniac Cop, on ne leur en voudra pas. Seulement, avec Vigilante, Lustig semble avoir tous les astres alignés en sa faveur : un casting impliqué du premier au plus petit rôle, un équilibre idéal entre horreur graphique et horreur suggérée et certains plans sortent du lot pour nous imprimer la rétine à tout jamais. Que faut-il de plus pour vous convaincre ?
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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.
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