Black Widow : Mieux vaut tard que jamais

Première héroïne à être introduite au sein de l’univers Marvel dès Iron Man 2, Black Widow a toujours eu une position délicate parmi le MCU. D’abord uniquement perçue comme un objet de fantasme par la plupart des personnages masculins, peu aidée par ses tenues moulantes, elle n’a jamais pu être réellement creusée en profondeur en dépit d’une présence quasi-permanente auprès de ses collègues super-héros et de quelques idées effleurées çà et là. Alors qu’elle a paradoxalement ouvert la voie à d’autres personnages féminins chez Marvel, on lui aura toujours refusé son film solo et même Marvel a dû se réveiller à ce niveau-là seulement après le succès tonitruant de Wonder Woman chez Warner. Son sacrifice étant un peu passé inaperçu dans Endgame au profit de celui de Tony Stark, Natasha Romanoff a dû attendre son décès finalement qu’on lui offre un film, se déroulant après les événements de Civil War.

Et la première chose que l’on remarque devant Black Widow c’est combien ce film arrive trop tard. Certes, malgré le peu de choses qu’on lui donnait parfois à jouer, Scarlett Johansson a toujours assuré dans le rôle et la voir l’endosser en ayant plus que quelques simples lignes de dialogues fait un bien fou, permettant de rappeler combien l’actrice est douée dès qu’on lui donne quelque chose de concret à jouer. Black Widow permet donc de réparer une erreur et de creuser en profondeur les fêlures et l’humanité d’un personnage que l’on a toujours voulu connaître de plus près. Le problème est que le film arrive après la bataille, alors que l’univers Marvel est en train de prendre des proportions de plus en plus cosmiques et qu’il aurait sincèrement pu (et dû) être un film précurseur, le premier à être centrée sur une héroïne féminine. Ce n’est cependant pas parce qu’il arrive trop tard qu’il faut bouder le film de Cate Shortland puisque celui-ci a la bonne idée de donner une réelle problématique au personnage et ce dès son ouverture étonnante, avec une atmosphère à la The Americans où l’on découvre que Natasha formait avec une autre fillette et un couple d’agents russes une fausse famille américaine venue sur le territoire pour voler des secrets d’état. La mission étant terminée, Natasha et sa  »sœur » Yelena ont été envoyées dans un centre pour être formées à être des tueuses impitoyables.

Dès lors, avec une première famille qui n’était finalement qu’une mascarade, on comprend aisément les problématiques du personnage, solitaire avant de choisir les Avengers comme une seconde famille, comme pour réparer les erreurs de la première. En fuite après Civil War, Natasha est contactée par Yelena qui lui demande de l’aide afin de traquer le général impitoyable les ayant formées et continuant à kidnapper des fillettes à travers le monde pour les asservir à sa volonté. Les deux femmes vont s’unir et rassembler leur ancienne famille pour faire tomber l’armée particulière du général Dreykov tout en étant redoutablement traquées par toutes les Veuves asservies à sa volonté ainsi que par Taskmaster…

Et à partir de ce moment-là, difficile de ne pas être frustré par le film tant son scénario s’avère complètement stupide dans ses grandes largeurs. Entre un Taskmaster prometteur sur le papier mais tragiquement décevant à l’écran et un général russe planqué dans une base aérienne avec une armée de femmes à son service et un système de phéromones empêchant que ses guerrières ne l’attaquent, le film fait cruellement penser à un James Bond de l’époque Roger Moore, référence d’ailleurs assumée puisque Natasha regarde à un moment Moonraker quand elle est en planque. Difficile de comprendre pourquoi un scénario d’une telle bêtise et d’un tel manque de subtilité dans son sous-texte féministe a pu passer surtout que Cate Shortland n’a aucun atout dans sa main pour relever les scènes d’action, celles-ci s’avérant bien fades et étant de toute façon généralement laissées en dehors de la supervision des réalisateurs sur un produit aussi calibré que Marvel. Ne lui reste alors que le travail autour des personnages et des acteurs pour empêcher le film de sombrer et à ce niveau-là, c’est plutôt réussi.

Si Rachel Weisz est sous-exploitée et que David Harbour, bien qu’efficace dans le rôle du comic-relief de service commence à un peu trop jouer cette partition dans sa carrière, c’est surtout la dynamique entre Scarlett Johansson et Florence Pugh qui fait des étincelles. La première semble franchement ravie de pouvoir enfin donner à son personnage l’ampleur émotionnelle qu’il méritait et ne se contente plus d’aligner les poses sexy (chose gentiment moquée dans le film) et les répliques génériques, elle est le cœur du film, son moteur et cela fait tout de même très plaisir de voir le personnage exister aussi pleinement. Actrice prometteuse depuis qu’on l’a découverte dans The Young Lady puis Midsommar, Florence Pugh s’empare du rôle de Yelena, la petite  »sœur » de Natasha et future Black Widow de l’univers Marvel avec une énergie qui fait plaisir à voir. Plus caustique que son aînée, balançant des répliques bien senties et crevant l’écran à chacun de ses apparitions, Pugh a une belle alchimie avec Johansson et promet d’être une Black Widow différente avec une humanité tout aussi passionnante qui se dessine et qui devrait être un peu plus explorée, on l’espère, dans la série Hawkeye où on la retrouvera. C’est vraiment lorsqu’il s’attarde sur ces deux héroïnes, trahies par leur première famille ayant forgé leur point de vue sur l’existence que le film vient toucher à quelque chose d’assez beau qu’on ne peut pas lui enlever en dépit de son scénario qui aurait franchement mérité d’être plus creusé. Qu’importe, bien qu’arrivant trop tard et étant maladroit, on prendra tout de même avec un certain plaisir l’opportunité de saluer Natasha avec un dernier baroud d’honneur inégal certes, mais néanmoins bien mérité.

2 Rétroliens / Pings

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