Tout s’est bien passé : Maux et Vermeil

Régulièrement, lassablement presque le réalisateur François Ozon nous revient le temps d’un film peu ou prou correct, partant souvent d’un pitch peu ou prou croustillant et surtout peu ou prou vendeur. À raison d’un long métrage par an, il s’impose sans mal comme un réalisateur alimentaire, à l’instar d’un Woody Allen ou d’un Clint Eastwood… sans atteindre ni la légèreté ni la finesse du premier ni le classicisme sublimé du second ! Tourné à l’aune de la Pandémie, son dernier film – présenté en compétition officielle du Festival de Cannes de cette année – réunit devant la caméra la comédienne désormais aguerrie Sophie Marceau, le fort distingué André Dussollier et la délicate Géraldine Pailhas pour un résultat somme toute assez médusant…

Récit des derniers mois d’André Bernheim (vieux collectionneur cossu de la bourgeoisie parisienne et père de deux filles amenées à faire face à l’inéluctable…) Tout s’est bien passé est l’adaptation du roman éponyme d’Emmanuèle Bernheim, écrivain ayant d’ores et déjà travaillé avec François Ozon sur une poignée de projets antérieurs ; s’ouvrant sans ambages sur l’AVC du père de la romancière en la présence d’un Dussollier cabotinant jusqu’à épuisement, le dernier Ozon semble dès son démarrage ne pas tricoter dans la dentelle, montrant la vieillesse comme une étape de l’existence littéralement tarte à subir, ingrate et surtout proprement indigne. Et pour cause : le réalisateur enchaîne les situations grotesques et/ou ridicules en l’interprétation poussive, risible d’un André Dussollier prenant ce rôle de composition relatif avec un attachement somme toute très déconcertant. Si le sujet est de toute évidence grave, sérieux et solennel (Ozon raconte la tâche pénible qui incombe à Emmanuèle qui consiste à assister son paternel dans la préparation de son suicide plus ou moins établie dans l’illégalité française…) le traitement lorgne ici davantage du côté du comique et de la farce. Accumulant les simagrées, fort d’un égoïsme malpropre et d’une veulerie insupportable, le personnage de André Bernheim reste avant tout un véritable emmerdeur de type troisième âge, s’inventant une dépendance vis-à-vis de ses deux filles, puisque incapable d’assumer son suicide par lui-même et pour lui-même… Censé être fortement douloureux sur le papier, le film devient cocasse à l’écran, tant les jérémiades incessantes du père Bernheim frisent souvent la caricature, heureusement contrebalancées par le jeu davantage nuancé de Sophie Marceau (qui incarne donc la romancière) et celui de Géraldine Pailhas (qui joue sa soeur).

D’une éloquente manière, Tout s’est bien passé demeure un petit cas d’école d’un certain cinéma-petit-bourgeois-parisien-centré-sur-son-nombril-et-cetera-et-cetera… L’ironie du titre n’est pas une première chez François Ozon, habitué à ce genre de choses depuis son premier (et très mauvais) Sitcom. Qui plus est la forme technique laisse franchement à désirer, souvent fonctionnelle dans ses meilleurs comme dans ses pis instants, proche du dispositif téléfilmique mêlé de panoramiques patauds et de plans de demi-ensemble sans attraits. Et pourtant cette médiocrité ambiante, cette petitesse passablement drôle parvient à nous émouvoir dans un dernier quart d’heure misant sur l’identification du spectateur au trio de personnages sus-cités, montrant à hauteur de mourant une humanité vulnérable, aigre et mesquine certes, mais telle qu’elle devrait l’être. Arrivant au crépuscule du métrage, cet ultime sursaut de réalisme finit de nous faire apprécier un drame qui jusqu’alors fleurait bon la pantalonnade, finissant de rendre attachant un personnage que l’on prenait auparavant plaisir à sincèrement détester.

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  1. De son vivant : L'ultime printemps -

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