Land of the Dead : La revanche des zombies

Souvenez-vous en 2005, nous pensions que George A. Romero en avait définitivement terminé avec sa saga sur les morts-vivants. Il nous avait laissé en 1986 avec Le Jour des Morts-Vivants dans un monde où les morts recouvraient une forme d’intelligence, obligeant les humains à se terrer encore plus efficacement afin de lutter pour leur survie. Œuvre particulièrement nihiliste replaçant l’être humain au cœur de sa simple condition animale après avoir été démystifié par la société qu’il a fondé. La fameuse trilogie de Romero a été décortiquée en long, en large et en travers et figure parmi les meilleures sagas du cinéma de genre pour son discours politique parfaitement ancré au cœur de son imagerie fantastique. Alors, quand le pape du zombie moderne décide de revenir en 2005, nous étions aussi sceptiques que diablement excités. 20 ans séparent les deux films, nous avions hâte de voir ce que Romero avait à dire sur la société. Land of the Dead ressort dans un sublime coffret collector 4K au master impressionnant chez Wild Side, la meilleure façon de (re)découvrir le film à l’heure actuelle.

La Terre est désormais le territoire des morts-vivants. Retranchés dans une citadelle bunkerisée, les rescapés se divisent en deux castes. Quand les plus défavorisés survivent dans des rues ghettoïsées où le chaos surgit sans crier gare, les nantis jouissent de leurs privilèges comme si rien n’avait changé, à l’intérieur d’une tour de verre réputée imprenable. Au sommet de cette tour règne Kaufman, un despote qui a su profiter du fléau. Mais la situation évolue, tout comme les zombies, qui aujourd’hui pensent, communiquent, s’organisent. Face à l’inévitable assaut, une poignée de mercenaires aux motivations divergentes pourrait être l’ultime rempart.

Assumant complètement son côté post-apo, Land of the Dead est clairement le Mad Max de Romero. Entre les villes fortifiées dans lesquelles les gens vivent en catimini et les mercenaires qui chassent à bord de véhicules modifiés, on sent clairement que Romero a mis son budget de 15 millions de dollars à contribution. Pourtant, ce qui saute aux yeux, outre les décors absolument saisissants, demeure dans l’approche de la réalisation de Romero. Il tourne son film de manière très intimiste, tentant de renouer avec les huis-clos de ses trois films précédents sur les morts-vivants. On ne peut pas le blâmer, nous ne sommes pas ici pour le côté spectaculaire, mais bien pour voir s’il a encore des choses à nous dire concernant la société moderne. Du point de vue du discours, Romero n’a clairement pas perdu de sa superbe. S’il nourrit la même tendresse pour les créatures qu’il met en scène, son discours du côté de l’humanité est plus pessimiste que jamais. Land of the Dead inverse les rapports de force. La créature reprend ses droits sur son créateur et le constat est alarmant : rien n’est à sauver pour le réalisateur. Il faut tout abandonner, ne plus lutter car plus rien ne vaut d’être préservé. Le zombie est passé de caricature de la société moderne à une solution radicale. L’armée de morts qui marche pour venir piétiner la ville sans aucune distinction de quelle classe elle va balayer sur son passage en dit long sur l’état d’esprit de son réalisateur. Land of the Dead est probablement le film avec le discours le plus noir que Romero ait fait.

Des aveux de Romero, Land of the Dead constitue sa retranscription de la peur du terrorisme et l’incapacité des gens à pouvoir y faire face. Pour le réalisateur, les êtres humains se sont auto-lobotomisés en étant abreuvés d’écrans à longueur de journée. Si nous y avons clairement vu une lutte des classes comme évoqué ci-dessus, cette analyse du propre auteur demeure tout de même aussi pessimiste que la manière dont nous avons reçu son message. Ceci rend l’ensemble des discours à apprécier d’autant plus confus que le film ne nous aide pas à trancher clairement. Cependant, formellement, pris au premier degré, Land of the Dead reste un très bon film de genre. Romero se montre généreux avec les séquences horrifiques et n’oublie certainement pas l’aspect divertissant de son projet. De plus, le casting composé de sacrées gueules renforce le côté abrupt du projet. Voir Asia Argento, John Leguizamo, Simon Baker et Dennis Hopper se bourrer le mou confère au film son aspect artisanal nous ramenant vers les plus belles séries B qui nous accompagnent depuis toujours. Ils cabotinent comme jamais, c’est un régal. De plus, l’amour des effets pratiques tient encore parfaitement la route. Jamais avare lorsqu’il s’agit de déverser des hectolitres de sang, Land of the Dead remplit sa mission haut la main en ce qui concerne son aspect divertissement pur et dur. Enfin, les plus attentifs relèveront les caméos de Tom Savini, Simon Pegg et Edgar Wright, preuve, s’il en fallait encore une, que Romero ne renie en aucun cas l’impact qu’il a eu sur la pop-culture et qu’il rend la pareille à ceux qu’il a influencé. Jamais la dénomination de « papa » n’aura sonné aussi juste concernant un réalisateur.

Land of the Dead est un film avec un message politique quelque peu brouillé sorti dans une époque où l’Amérique peinait à se remettre d’avoir été attaquée et bousculée dans sa suprématie. Romero peine à trier ses idées et dégage des discours confus, certes, mais toujours aussi forts malgré tout. Land of the Dead revient dans un 4K flambant neuf qui donne l’impression que le film est sorti hier tant l’image est sublime. Un achat plus qu’indispensable.

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