Last Night in Soho : London can be a lot

Edgar Wright est de ces cinéastes dont nous guettons avidement les projets tant il a réussi à créer, en une poignée de films, une filmographie auréolée d’un certain culte avec en tête sa trilogie Cornetto qui se revoit avec toujours autant de plaisir. Cherchant toujours à aborder différents genres sans se répéter, le voilà qui nous offre cette année Last Night in Soho. Cette fois-ci, Wright va donc flirter avec le film d’horreur et le fantastique, plongeant sa jeune héroïne dans un cauchemar éveillé au cœur du quartier de Soho à Londres…

Ellie débarque à Londres pour y faire des études de mode, suivant les traces de sa grand-mère et de sa mère, celle-ci s’étant suicidée alors qu’Ellie était encore une enfant. S’adaptant difficilement à la vie dans la capitale (‘’London can be a lot’’ lui répète-t-on plusieurs fois), Ellie se trouve une chambre chez une vieille dame et se retrouve, la nuit, à voyager mystérieusement dans le temps, sur les traces d’une femme nommée Sandie dans le swinging London des années 60. Inspirée par Sandie, Ellie prend plaisir à la retrouver chaque nuit jusqu’au moment où elle réalise que la jeune femme est en danger et qu’elle commence à avoir d’inquiétantes visions même en plein jour…

Difficile d’en dire plus sur l’intrigue sans totalement la déflorer, Last Night in Soho ménageant son lot de mystères et de rebondissements. Sous la haute influence du giallo (pour son esthétique aux couleurs vives et ses héroïnes tourmentées) voire même du cinéma d’Henri-Georges Clouzot et de Roman Polanski (on pense beaucoup à Répulsion), Edgar Wright prend un malin plaisir à nous plonger dans le Londres des années 60, période fantasmée mais comportant également ses zones d’ombre et ses dangers. Payant son tribut à ses modèles, aidé par une bande-originale semblant ne jamais s’arrêter, Wright offre comme à son habitude de superbes moments de bravoure formels (comme une fabuleuse scène de danse lors de la première apparition de Sandie) qui parviennent à nous transporter. Et tout, de la direction artistique au casting (Thomasin McKenzie et Anya Taylor-Joy confirment qu’elles ont toutes les deux les capacités de devenir des grandes actrices quand on prend plaisir à revoir Diana Rigg une toute dernière fois) parvient à créer une belle alchimie pendant un moment, du moins tant que Wright continue à entretenir son mystère.

Si déjà le film avait pu nous faire tiquer sur quelques éléments un peu grossiers (le personnage de Michael Ajao qui n’a aucune personnalité est absolument effarant dans son écriture), Last Night in Soho finit carrément par se casser la gueule dans son dernier tiers. Une dernière partie qui fait éclater toutes les grosses coutures – jusque-là habilement dissimulées par la mise en scène – du scénario au grand jour et qui s’avère maladroite dans son exécution et totalement prévisible dans son dénouement pour quiconque suivait le récit avec un minimum d’attention depuis le début. L’ambition du film, recréer le swinging London et aborder le sujet de la masculinité toxique, se heurte alors à un manque de subtilité effarant, presque caricatural. L’idée aurait pu fonctionner sur le papier, il aurait simplement fallu la travailler avec plus de précision afin que tout ne semble pas autant précipité.

La déception est d’autant plus grande que ce dernier tiers fait s’écrouler tout ce qui s’était déroulé, gâchant l’enthousiasme initial. Ce n’est pourtant pas si surprenant, Baby Driver présentant déjà les mêmes tares, à savoir être une impeccable enveloppe formelle pour un film manquant cruellement de fond. Mais Baby Driver avait au moins le mérite d’être conforme à sa simplicité et si cela manquait de profondeur, il se suffisait à lui-même. Là Wright déçoit par son incapacité à conjuguer son ambition narrative avec son talent esthétique. Il s’est pourtant adjoint les services de Kristy Wilson-Cairns (1917) au scénario mais le constat est sans appel, tout en livrant peut-être son film le plus ambitieux à ce jour, il réalise son moins bon film. Avec une leçon que l’on espère comprise à la clé, celle de savoir travailler son scénario avant de se lancer dans un tournage…

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