VFW : Assaut dopé aux amphétamines

Les assidus des séances Shadowz risquent fort de buter sur le nom du réalisateur du film de la semaine. Si l’année dernière nous vous vantions les mérites de Bliss réalisé par Joe Bergos, les lascars de Shadowz rempilent cette semaine avec VFW, sorti la même année que Bliss et également mis en scène par Bergos. Second film de ce réalisateur que nous voyons et l’on peut désormais s’apercevoir d’une qualité inéluctable chez lui : il connaît ses classiques. Si Bliss avait ce rendu craspec très côté Abel Ferrara, VFW va plutôt lorgner du côté de chez John Carpenter en grignotant sur les univers post-apocalyptiques de George Miller et consorts. Huis-clos d’une violence sévère, VFW prend le contre-pied de Bliss pour taper directement dans le gras du bide et en extraire tripes et boyaux avec une dextérité déconcertante. Produit par le fameux magazine Fangoria, VFW est le défouloir jubilatoire idéal en ce week-end de fête des pères.

Fred est un vétéran de la guerre du Vietnam. Avec ses amis militaires, ils doivent protéger une adolescente et le siège de l’organisation VFW (un bar réservé aux héros de guerre) contre un trafiquant de drogues et son armée de punks camés. En dépit de leur longue expérience, cette bataille s’annonce comme la plus difficile de leur carrière.

Inspiration à peine dissimulée du célèbre Assaut de John Carpenter, VFW fait monter la pression crescendo durant un générique d’ouverture qui pose les bases du concept. Pas de fioritures, le film va directement à l’essentiel : des vieux briscards prisonniers de leur bar et qui doivent le défendre à tout prix d’un ennemi armé qui tente d’entrer par tous les moyens. En appuyant ses séquences avec des morceaux électroniques modernes, Joe Bergos termine le parallèle évident de son œuvre avec le boulot de Big John. Mais la comparaison s’arrête uniquement au point de départ car Bergos entend sustenter le fan de Fangoria et assène une vraie boucherie de 90 minutes. Le rythme est haletant en dépit de quelques gros ventres mous. En effet, avec ce parti pris minimaliste de faire jouer l’action en un seul et même lieu, Bergos en oublie de donner du corps à son histoire. Les personnages n’ont pas grand chose à se raconter et les vannes se recyclent très rapidement. Ne demeure qu’un jeu de massacre particulièrement jouissif où le gore devient une vraie source de créativité pour ce qui est d’envoyer les images les plus graphiques possibles. D’ailleurs, ce qui fait la sémantique d’un tel projet réside clairement dans ses capacités à divertir par le biais des morts les plus improbables qui soient. En ce sens, VFW remplit parfaitement sa mission : c’est fun jusqu’au bout des ongles. On ne dénote plus les hectolitres de sang déversés, ce qui compte c’est que ça se charcute sévèrement et fort. Afin de parfaire également au bon déroulement de sa brève introduction des antagonistes, Bergos développe un univers post-apocalyptique en prétextant une chute des grandes villes gangrenées par une nouvelle drogue très addictive. Les villes et les autorités sont tombées aux mains des gangs et des trafiquants pour qui désolation et chaos riment avec survie. Ils sont prêts à tout pour avoir leur dose. Ils vivent en marge de tout et n’ont que faire des vestiges du passé. L’ambiance est belle et bien posée dans les dix premières minutes, question efficacité le film va aussi droit au but qu’un vierge lors de son dépucelage.

Si des points de vue graphique et mise en scène, VFW témoigne des vrais talents d’artisan de son réalisateur, il doit également un joli capital sympathie à son casting constitué des plus belles gueules du cinéma bis de ces dernières années. Voir se dresser Stephen Lang, William Sadler, Martin Kove et Fred Williamson face à une bande de punks drogués jusqu’à l’os (et aux allures de mutants) transpire l’essence des cassettes qu’on adorait se louer au vidéo-club. Il y a un vrai amour qui se dessine envers le casting. Plus qu’un simple plaisir régressif de parvenir à réunir ces acteurs qui ont fait rêver Joe Bergos, on y sent une vraie empathie et un vrai respect pour les carrières qu’ils représentent. Joe Bergos leur offre un terrain de jeu d’enfer, comme une sorte de chant du cygne qui entend prouver qu’ils en ont encore sous le coude. A l’instar d’un Quentin Tarantino qui s’est montré expert en la matière, Joe Bergos emploie son casting dans le seul et unique but de leur donner de la chair fraîche à massacrer. On pourrait y voir un parallèle caché derrière la démarche, comme un passage de flambeau inéluctable de la part d’une génération d’acteurs que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Les papis entendent briller une dernière fois et montrer que cinéma bis n’est pas nécessairement synonyme de copie fauchée. Ils tirent leur révérence en prenant de nouveau les armes et assènent un sérieux pied de nez à la nouvelle génération quant aux futurs projets que cette dernière pourrait mettre en place.

De fait, on en revient à la manière dont le film introduit ses personnages. Les vétérans représentent le passé, une époque révolue pour laquelle la nouvelle génération n’a plus une once de respect. Si Bergos filme les assaillants comme de vulgaires moutons qui se jettent droit à l’abattoir, ce n’est pas anodin. En effet, ce que le réalisateur semble avouer à demi-mots provient d’un constat que l’on remarque souvent au sein des lignes de Close-Up. Il ne suffit pas de copier allégrement les succès passés pour s’assurer une certaine pérennité. Il saut savoir en extraire la substantifique moelle afin d’élever le genre ailleurs. Singer un auteur ou un film qui a connu du succès ne rend pas son projet meilleur, bien au contraire. Au travers la lutte entre les vétérans et les jeunes drogués, VFW immortalise le manque de créativité évident qui pollue plus de la moitié des productions actuelles. Et rien que pour avoir essayé de faire l’effort de réfléchir un tant soit peu sur le genre, VFW mérite qu’on lui donne une chance en dépit des défauts inhérents à ce dernier.

VFW confirme tout le bien que nous pensions du cinéma de Joe Bergos. Son film est archi-violent, gore, terriblement drôle et dresse à la fois une jolie déclaration d’amour à ses maîtres tout comme il ne se prive pas pour dézinguer les « faiseurs » actuels. Avec un profond respect pour ses personnages (et les acteurs qui les incarnent), une mise en scène soignée, un vrai sens de l’utilisation de sa bande-originale et l’ingéniosité déployée pour nous envoyer les morts les plus mémorables, VFW fait oublier qu’il pâtit sérieusement d’un gros problème de substance scénaristique. Parvenir à nous faire oublier les défauts pour n’en garder que les belles qualités est la marque d’un vrai auteur en devenir. Nous suivrons avec un très grand intérêt la suite de la carrière de Joe Bergos.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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