Mince Alors ! : Savoir s’affirmer…

Sinister, Des Hommes Sans Loi, Cosmopolis, The Amazing Spider-Man, Moonrise Kingdom, Django Unchained, Cloud Atlas…l’année 2012 a été une année plutôt fructueuse pour le cinéma américain. Pourtant, il arrive parfois que les étoiles s’alignent parfaitement et qu’une petite comédie française parvienne à détrôner l’omniprésence de ce dernier au box-office. En 2012, Charlotte De Turckheim sort son troisième long métrage, Mince Alors ! Cette dernière prend la tête des entrées et écrase La Colère des Titans et Hunger Games sortis le même jour. Succès populaire retentissant qui totalisera plus d’un million d’entrées, le film s’inscrit dans la lignée de ces comédies feel-good qui abordent frontalement des problèmes sociétaux avec malice et douceur. Avec son film, Charlotte De Turckheim entend faire la chasse à la grossophobie et avec tous les clichés que cela comporte, se permettant de révéler au passage la sublime Lola Dewaere qui y exorcise plusieurs démons personnels.

La jeune, ronde et jolie Nina est mariée à Gaspard, lequel aime pourtant les femmes très minces. Le couple s’installe à Paris et Nina se prépare à lancer une très sophistiquée ligne de maillots de bain. Par amour pour son époux et bien qu’elle ait du mal à accepter l’idée, Nina accepte son cadeau ambigu : une cure d’amaigrissement à Brides-les-Bains, considéré comme « le dernier espoir des grosses ». Sur place, elle rencontre plusieurs femmes fortes dont deux vont la marquer. Sophie, avocate de Marseille et qui aime garder le contrôle sur tout et sur elle-même ; et Émilie, aide-soignante dont la devise « Big is beautiful » est en contradiction avec sa vie amoureuse en jachère et que la surcharge pondérale met en danger. Ce trio flamboyant ne manquera pas de faire des étincelles.

Mince Alors ! est typiquement le genre de projet qui peut vite tomber dans les sempiternels stéréotypes et ne rien apporter de concret. Ce qui se démarque rapidement du scénario de Charlotte De Turckheim réside en la bienveillance qu’elle confère à ses personnages. Elle fait cohabiter des femmes rondes marquées par la vie, les moqueries, les insultes et les rejets, mais qui décident de prendre leur vie en main envers et contre tout. Mince Alors ! ne fait jamais l’apologie des régimes et des cures. A contrario, le film passe son temps à décortiquer pourquoi, au cœur d’une société foncièrement grossophobe, les business des régimes et autres cures censées être « miracles » participent à la décomposition des personnes en souffrance de surpoids. En constatant la mascarade et l’immense pompe à fric que renferment une cure, Charlotte De Turckheim entend mener une révolution aux relents féministes de bonne facture. Toutes les femmes sont belles, c’est un fait, toutes mérites bonheur, réussite et considération. Pour la réalisatrice, les femmes se doivent de disposer de leur corps comme bon leur semble. Tant que la santé n’est pas compromise, pourquoi s’entêter à vouloir entrer dans un 36 alors qu’un 46 sied parfaitement à de généreuses courbes ? Le film se libère des dictas qui poussent les femmes à se morfondre au cœur d’une société patriarcale qui entend dicter une vision faussement idéale du corps féminin. A travers le prisme de plusieurs personnages aux parcours équivoques, Charlotte De Turckheim redistribue les cartes. Une femme peut être libre de disposer de son corps au gré de ses appétits, qu’ils soient sexuels, alimentaires ou professionnels. Nina n’a pas besoin d’être mince pour faire exploser sa créativité. Émilie n’a nullement besoin d’être mince pour se prouver qu’elle est une mère-courage extraordinaire…

En désarçonnant les clichés avec malice et bonne humeur, la réalisatrice permet à ses actrices de se libérer pleinement et de prendre un vrai plaisir à jouer. Lola Dewaere confira avoir essuyé énormément de refus lors de castings du fait de son embonpoint. Pourtant, la fille du regretté Patrick Dewaere est pétillante de beauté et de simplicité. Par le prisme de Nina, elle exorcise tout son mal-être et prouve que la réussite d’un rôle ne dépend pas de son aspect physique, mais bien du talent de la comédienne tout simplement. Catherine Hosmalin déclarera également avoir vécu tout ce que subit son personnage au cœur du film. Plus qu’une simple comédie tendre au discours vorace, Mince Alors ! se pose comme un témoin impartial d’un des plus gros maux de notre société. Charlotte De Turckheim n’entend pas encourager l’obésité puisqu’elle ne cache pas à quel point cette maladie peut être destructrice et est source de problèmes physiques importants chez les individus. Elle entend juste remettre un peu plus de considération pour ces personnes. En effet, l’obésité demeure l’une des rares maladies où l’on moque les gens, on les dénigre et les rejette. Pas sûr que ceux qui encouragent la grossophobie réagissent de la sorte face à un malade du cancer ou du sida… Ça serait une idée à creuser d’ailleurs que de faire un film où les gens se moquent de patients en soins palliatifs de la même manière qu’ils se moquent des gens en situation d’obésité afin de constater la bêtise humaine dans toute sa laideur, Charlotte si tu nous lis…

Mince Alors ! est le genre de comédie qui remet joliment plein de choses en perspectives avec une bienveillance hors-normes. Charlotte De Turckheim s’entoure d’une troupe de comédiens concernée par le sujet et qui se donne corps et âme pour le rendre le plus véritable possible. Le film nous offre des séquences gratinées qui arrachent des rires francs entremêlées de scènes profondément dures qui mettent une sacrée claque à ses détracteurs.

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