Édito – Semaine 22

‘’Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un gangster.’’

En une phrase, Ray Liotta est entré au panthéon du cinéma. Les Affranchis, le film culte de Martin Scorsese, est de ces œuvres que l’on découvre adolescent alors que l’on tâtonne encore dans notre cinéphilie. Le choc est grand face à ce film déployant une incroyable maestria formelle mais c’est également le visage de Ray Liotta que l’on se prend en pleine tronche. Cette gueule de cinéma fabuleuse, vouée à incarner les flics ou les truands, aura bercé notre adolescence et il est difficile de se dire que du casting principal des Affranchis, c’est Liotta, le plus jeune, qui est parti en premier.

L’annonce de sa mort, survenue la semaine dernière alors que l’acteur n’avait que 67 ans cause un certain choc. Ce n’était pas le meilleur acteur du monde ni celui qui avait la plus grande carrière mais il fait partie de ces visages qui nous ont accompagné durant notre voyage dans la cinéphilie. S’il ne trouvera jamais mieux que ce fabuleux rôle d’Henry Hill chez Scorsese, mafieux à la chute aussi fulgurante que son ascension (‘’I’m an average nobody. I get to live the rest of my life like a schnook’’ dira-t-il à la fin du film), on retrouvera son visage buriné, souvent inquiétant, avec beaucoup de plaisir au fil de nos découvertes cinématographiques. Le rôle le plus intéressant qu’il ait obtenu après Les Affranchis restera celui du flic brutal Henry Oak dans l’excellent Narc de Joe Carnahan mais on a également pu le voir chez Jonathan Demme, John Dahl, James Mangold, Ridley Scott, Andrew Dominik ou encore plus récemment chez Noah Baumbach pour Marriage Story ou chez Steven Soderbergh pour le très sympa No Sudden Move. Son dernier rôle jusqu’à présent, celui d’un mafieux (forcément) dans Many Saints of Newark, le préquel des Soprano découlait certes d’une certaine facilité (il était parfait dans ces rôles mais aurait certainement mérité de travailler avec des cinéastes capables de le voir ailleurs) mais le plaisir de le voir à l’écran demeurait intact, comme un oncle que l’on retrouve toujours dans certains repas de famille et que l’on apprécie même s’il est loin d’être le membre de la famille le plus proche de nous.

Pour quiconque aura forgé sa cinéphilie avec une bonne part du cinéma de Martin Scorsese (et nous sommes nombreux à être dans ce cas), Ray Liotta était cette figure familière (il n’a bizarrement tourné qu’une fois pour Scorsese mais il lui est profondément rattaché dans l’inconscient collectif), parfois attendue et prévisible mais immédiatement reconnaissable. Il avait beau souvent jouer les salauds, il le faisait si bien qu’on ne pouvait pas lui en vouloir d’enchaîner ces rôles, sa présence dans un film, même secondaire, était presque un rendez-vous que l’on prenait avec le plaisir de pouvoir prendre de ses nouvelles et il est triste de se dire qu’il est parti aussi vite, sans prendre le temps de nous en offrir un peu plus. Il va beaucoup nous manquer.

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