Many Saints of Newark – Une histoire des Soprano : Good Old Days ?

En 6 saisons et 86 épisodes, Les Soprano est devenue une série culte, bouleversant à tout jamais les codes de la télévision en mettant en scène un véritable personnage de salaud pour lequel on pouvait néanmoins ressentir de l’empathie grâce à une écriture absolument brillante. Après sa conclusion, encore amplement discutée aujourd’hui, tout semblait avoir été dit autour de cet univers et de ses personnages et l’on se demandait bien, à l’annonce d’un film en forme de préquel, même chapeauté par David Chase en personne (co-écrit avec Lawrence Konner et réalisé par Alan Taylor, deux habitués de la série), ce que celui-ci pourrait bien apporter en plus, sans tomber dans la redite.

Une redite avec laquelle Many Saints of Newark flirte en permanence, n’évitant pas certains passages obligés tout droit sortis d’un épisode des Soprano. Dans son premier tiers, le film semble avoir du mal à trouver sa tonalité, voulant raconter trop de choses à la fois (les émeutes de Newark de 1967, le quotidien de nombreux personnages) tout en brossant le fan dans le sens du poil qui reconnaîtra dans certaines séquences des moments évoqués dans la série. Notons d’ailleurs que Many Saints of Newark n’a aucun intérêt pour quiconque n’ayant pas vu la série, le film étant clairement adressé aux fans de la série, spoilant allègrement celle-ci dès son ouverture tout en se composant d’une foule de détails qui ne pourront que ravir que ceux ayant déjà un vécu avec Tony Soprano.

Maintenant que ces limites sont établies, il faut bien reconnaître que Many Saints of Newark n’en demeure pas moins une belle réussite. Centré sur Dickie Moltisanti, le père de Christopher qui fut un mentor pour Tony et qui est fréquemment mentionné dans Les Soprano, le film s’attache à nous montrer le quotidien de cette famille de criminels et l’attraction qu’elle peut exercer sur le jeune Tony Soprano. On y découvre que le ‘’bon vieux temps’’ fantasmé par Tony dans la série a déjà disparu depuis longtemps : les mafieux ne sont que des types ignares et ventripotents, rongés par la violence et par l’ego. La classe, entretenue en façade, ne cache rien d’autre que des brutes et si Tony idéalise autant son oncle Dickie c’est qu’il ne connaîtra jamais les doutes le tiraillant, lui qui tâche de racheter ses crimes (notamment un parricide) par des bonnes actions pour se donner une bonne conscience. L’occasion de découvrir que Dickie Moltisanti, cette légende, n’est qu’un homme comme les autres, plus intelligent que ceux qu’il fréquente car se posant plus de questions (son neveu lui ressemblera fortement) mais rongé par son activité criminelle et son incapacité à aimer réellement, voulant sur la fin arrêter d’être le mentor de Tony afin que celui-ci ne devienne pas comme lui.

C’est vraiment quand il va creuser les personnages de Dickie et de Tony que Many Saints of Newark trouve sa véritable ampleur et vient justifier son existence. Dans le cœur de ces personnages, le film enrichit la vision de la série, insistant sur le caractère tragique de leurs destins, donnant à l’existence de Tony une nouvelle dimension, passionnante à explorer. Il faut d’ailleurs souligner l’intelligence du casting effectué ici : Corey Stoll en Junior, Jon Bernthal en Johnny Boy et Vera Farmiga sont des évidences, comme celle de Michael Gandolfini, le propre fils de James Gandolfini, pour incarner Tony Soprano jeune. L’acteur s’y montre totalement à son aise, se fondant parfaitement dans le rôle, captant déjà les fêlures du personnage sans jamais montrer l’ombre écrasante de son père qui lui flottait certainement dessus pendant le tournage. Quant à Alessandro Nivola en Dickie Moltisanti, c’est un choix pertinent, l’acteur (trop rare) ayant le charisme nécessaire pour enfin donner vie à ce personnage tant mentionné, épousant parfaitement toutes les failles d’un personnage dévoué à son travail mais déjà épuisé par la violence qu’il traîne derrière lui.

Certes, le film n’est pas parfait et quelques choix de casting sont parfois moins heureux que ceux cités précédemment (Ray Liotta presque trop évident, John Magaro et Billy Magnussen difficilement crédibles en jeunes Silvio et Paulie) tandis que certaines séquences ont du mal à se justifier à elles-seules, presque trop attendues ou trop anecdotiques. Mais quand éclate l’égo boursouflé de Junior, la méchanceté de Livia ou les doutes de Tony, Chase fait du grand art nous ramenant des années en arrière, faisant brillamment le lien avec la série, jusqu’à cette fin en forme de clin d’œil évident mais ô combien savoureux, nous collant quelques frissons et nous rappelant que Les Soprano, c’est du grand art et qu’il serait dommage de bouder ce prolongement, pas tout à fait à la hauteur de la série certes mais déjà tellement supérieur à bon nombre de ce qui se produit aujourd’hui. Quand on aime Les Soprano, il n’y a aucun doute que ce serait criminel de ne pas se jeter sur Many Saints of Newark.

2 Rétroliens / Pings

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