Macbeth : Something Wicked This Way Comes

Après un Matrix Resurrections uniquement réalisé par Lana Wachowski, voilà qu’une autre fratrie célèbre du cinéma se sépare pour un film. En effet, avec Macbeth (renommé sobrement ainsi en français alors que le titre original est The Tragedy of Macbeth), Joel Coen réalise son premier film en solo, sans son frère Ethan. Il ne s’agit pas d’une séparation définitive pour le duo mais simplement d’envies divergentes, Ethan n’étant tout simplement pas intéressé par le projet, ayant décidé de s’éloigner du cinéma (pour le moment ?). C’est donc avec une double curiosité que nous guettions le film, arrivé le 14 janvier 2022 sur AppleTV+. D’une part il est intéressant de voir ce dont Joel Coen est capable de faire seul et de l’autre, il est intriguant de le voir s’attaquer à un tel monument, déjà maintes fois adapté par des grands cinéastes dont Orson Welles, Akira Kurosawa et Roman Polanski pour ne citer qu’eux.

Le film est d’abord né d’une proposition, celle faite à Frances McDormand à Joel Coen de mettre en scène Macbeth au théâtre. L’idée se transformera en film avec des personnages plus vieux que d’habitude, Macbeth et sa femme ayant ici tous deux plus de 60 ans, rendant le couple encore plus dangereux, leur accession au pouvoir étant leur dernière chance de gloire dans ce monde. Fidèle au texte, embrassant sa dimension théâtrale, Macbeth est une étonnante proposition de cinéma, privilégiant le dépouillement (on pense beaucoup à l’adaptation de Welles de 1948) dans un noir et blanc presque tranchant, conçu par Bruno Delbonnel.

Le film se repose en effet sur des décors abstraits, presque expressionnistes, refusant les plans larges. Impossible de réellement avoir une vision globale des décors où l’histoire se déroule, toute la topographie étant morcelée, dans une approche volontairement théâtrale. Il en résulte une impression suffocante, les décors représentant les tourments rencontrés par Macbeth et sa femme, illustrant parfaitement la prison mentale dans laquelle ils sont enfermés, hantés par leurs actes ignobles. Cela donne un film visuellement sublime, traversé par des visions conçues pour imprimer à jamais la rétine. Il y a beaucoup de film noir dans ce Macbeth (Coen oblige) mais également des séquences tenant carrément de l’horreur pure, à l’image des apparitions terrifiantes des trois sorcières, toutes incarnées par l’épatante Kathryn Hunter.

On pourra certes arguer que le film manque d’une certaine touche ‘’coenienne’’ (même si l’influence indéniable du film noir sur cette adaptation porte bien la patte du cinéma des deux frangins) et qu’il ne raconte rien de vraiment nouveau pour quiconque connaîtrait déjà bien la pièce. Mais cette adaptation ne manque pas de singularité et permet à Joel Coen d’affirmer qu’il peut très bien assurer la réalisation d’un film sans son frère : avec son ambiance mortifère, ses ombres projetées, ses bouts de décors gigantesques et ses acteurs, Macbeth ne manque pas de qualités. Peut-être lui aurait-il fallu un peu plus de passion. Reste qu’il n’y a pas une seule séquence sans idées de cinéma et que le casting rassemblé a fière allure (Washington impressionne en Macbeth, aussi bien lorsqu’il est ravagé par le remords ou approchant la folie meurtrière tandis que Frances McDormand compose une Lady Macbeth forcément troublante), nous offrant suffisamment de bonnes choses pour faire de ce Macbeth une réussite sur laquelle il convient de se pencher, que l’on soit amateur des frères Coen ou de Shakespeare.

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