Quantum of Solace (2008) : « Je crois que les morts se moquent d’être vengés. »

James Bond

Après la sortie de Casino Royale, et après avoir prouvé au monde entier qu’il était digne du costume de James Bond, Daniel Craig n’a pas été extrêmement prolifique au cinéma. Il faut dire que deux petites années séparent les deux projets. En effet, Bond 22 a connu les premières ébauches de son scénario à peine après l’entrée en post-production de Casino Royale. Craig s’est tout de même offert le premier rôle masculin dans une nouvelle variante de l’Invasion des Profanateurs aux côtés de Nicole Kidman dans le film (pas si mauvais) Invasion d’Oliver Hirschbiegel sorti en 2007. Nicole Kidman qu’il retrouve la même année dans l’adaptation du premier volet de la trilogie A La Croisée des Mondes… adaptation aussi oubliable que sa prestation. On dénote une certaine absence chez Craig à l’écran, comme si son esprit était encore coincé dans la peau de James, endeuillé par la perte de Vesper Lynd. Un état d’esprit qu’on ne pourra que comprendre puisque Quantum of Solace reprend exactement là où Casino Royale s’était arrêté.

L’ordre de mission

Après avoir arrêté M. White dans sa villa, James Bond se rend compte que ce dernier fait partie de l’immense organisation à laquelle appartenait Le Chiffre. Il découvre que cette dernière est infiltrée partout dans le monde et dans toutes les sphères, dont le MI-6. Luttant pour ne pas faire de sa dernière mission une affaire personnelle, Bond se retrouve en Haïti sur les traces de Dominic Greene, un homme d’affaire impitoyable et un des piliers de la mystérieuse organisation. Épaulé par Camille, l’ex petite-amie de Greene, Bond va le poursuivre jusque dans le désert de Bolivie afin de le contrer avant qu’il ne prenne le contrôle de l’une des ressources naturelles les plus importantes au monde, et tenter, par la même occasion, de percer le secret de la fameuse organisation.

Qui dit production rapide, dit film court. Quantum of Solace étend son récit sur une durée d’à peine 100 minutes. Le film en a dérouté plus d’un à sa sortie puisqu’il distille une nervosité perpétuelle qui ne ressemble pas au rythme habituel d’un James Bond. Pour autant, Quantum of Solace n’est pas dénué de qualité. Le film de Marc Forster arrive à instaurer une intrigue politique propre au corpus de ce qui fait une bonne intrigue d’un film Bond. Tous les ingrédients qui nous font aimer la saga s’y retrouvent : l’aspect politique, les enjeux financiers, un méchant atypique et les séquences explosives. La courte durée du film lui confère une belle dynamique et ne manque pas de perpétuer le travail du film précédent dans sa volonté d’ancrer le héros dans une intrigue sombre et plausible. Pour l’aspect terrifiant des événements, le film doit beaucoup à son antagoniste.

Antagoniste

Tout juste auréolé de son second César du meilleur acteur pour Le Scaphandre et le Papillon, il est très étonnant de retrouver Mathieu Amalric dans le rôle de Dominic Greene. Absent d’ailleurs de la cérémonie cette année-là, puisqu’il était retenu sur le tournage de Quantum of Solace, Amalric amorçait à peine sa découverte du cinéma international. Il avait tenu un petit rôle chez Steven Spielberg en 2005 dans Munich (dans lequel figurait également Daniel Craig) ainsi que dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Quantum of Solace est son premier grand rôle dans une production internationale. Rôle à contre-courant de ses choix habituels, lui que l’on connaît pour une certaine retenue et son attirance naturelle pour le cinéma d’auteur, Amalric apporte une dimension réaliste à son personnage qui fait froid dans le dos.

Il dit s’être inspiré de Tony Blair et de Nicolas Sarkozy pour interpréter son rôle. Amalric adopte une posture rigide, fait ressortir de gros yeux globuleux et marque par des actes d’une barbarie relativement insoutenable. Ce qui le rend redoutable, est sa capacité à n’éprouver aucune émotion. Amalric n’est pas un homme d’action, il ne va pas se lancer dans de longues et interminables courses-poursuites. Il va plutôt se focaliser sur les manières dont il pourra blesser et vaincre ses ennemis par torture psychologique. Voilà pourquoi Greene est un personnage qui fait froid dans le dos et est résolument moderne. L’approche de Mathieu Amalric sur l’idée qu’il se fait d’un super-vilain est d’une authenticité imparable. Il est impitoyable et n’exprime aucune émotion si ce n’est sa soif de pouvoir. Un vrai grand rôle qui ne fait absolument pas tâche dans sa carrière, quand bien même il n’aura plus trop d’autres occasions de jouer en anglais par la suite (exception faite de quelques rôles dans des films qui n’ont pas forcément marqués nos esprits en bien, en témoigne l’horrible Cosmopolis de David Cronenberg). En revanche, sa carrière ne s’est pas affaiblie pour autant.

2008 est une très belle année pour Amalric qui assoit définitivement son statut de valeur sûre au sein du paysage cinématographique français. Et des rôles marquants chez de grands réalisateurs, il n’aura de cesse d’en avoir après Quantum of Solace, que ce soit chez Jean-François Richet dans l’Ennemi Public N°1, en passant chez Roman Polanski pour La Vénus à la Fourrure ou encore chez son réalisateur fétiche, Arnaud Desplechin pour Les Fantômes d’Ismaël en 2017.

James Bond Girl

En 2008, Olga Kurylenko est surtout célèbre pour sa carrière de mannequin. Elle a fait ses débuts au cinéma en 2005 dans L’Annuaire de Diane Bertrand. Elle entamera sa carrière à l’international dans l’adaptation du jeu-vidéo Hitman de Xavier Gens en 2007. Malgré l’échec commercial du film, elle est très vite repérée par les studios américains. Elle est presque une inconnue lorsqu’elle incarne Camille dans Quantum of Solace. La dévotion qu’elle apporte à son rôle de femme meurtrie lui sied à merveille. Elle offre une prestation mémorable et est soutenue par un Daniel Craig tout en nuances puisque Bond n’est pas dans la séduction avec elle. Pour une fois, on peut dire que James Bond fait réellement équipe avec un personnage qui a un but similaire au sien. La relation qu’elle entretient avec le héros continue d’amener la saga Bond vers une envie de continuité qui garde un vrai lien entre les films. Bond est encore marqué par la perte de celle qu’il a aimé, aucune autre femme ne saurait le séduire (exception faite de sa petite et brève amourette avec Gemma Arterton en début de film), pas même la belle Olga. Ainsi, Camille peut exister autrement que par le prisme de Bond. Et Olga Kurylenko s’investit corps et âme offrant une héroïne fragile à la force de caractère impressionante. Nul doute que la saga Bond sous l’ère Craig accorde une grosse importance aux femmes fortes, preuve en est, une fois encore, avec le rôle de Camille. Un rôle qui dénotera avec le reste de la carrière de son interprète qui sera amenée à jouer des personnages à la dramaturgie puissante. Que ce soit léger, mais intense, dans Max Payne, ou plus profond comme dans La Promesse d’une Vie ou encore, plus récemment, Dans La Brume.

Section Q

Section désespérément vide puisque Q est, une fois encore, absent du long-métrage. Quantum of Solace essaie de se montrer le plus réaliste possible dans ses scène d’action. Hormis quelques pistolets lambda et son fameux téléphone, Bond n’utilise aucun gadget dans le film. Quantum of Solace s’apprécie plutôt comme un road-movie, une course-poursuite de 100 minutes que seul le soleil éreintant du désert bolivien pourra stopper. Côté mécanique, on y retrouvera l’Aston Martin DBS vue à la fin de Casino Royale. Bond pilotera également une Montesa Cota 4RT qui ravira les amateurs de deux roues. Mais le fan de gadgets en tout genre ne sera absolument pas satisfait ici…et pourtant, cette absence ne fait pas défaut au film, la preuve d’une belle réussite en somme !

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