Petit Paysan : Vie, vache et rien.

Petit Paysan est remarqué à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2017. Film remarquable sur l’amour du métier de paysan d’un jeune pris de vertige quand son troupeau révèle des symptômes de maladie. Une psychose nourrissant un film naturaliste, reflet du trauma du metteur en scène, Hubert Charuel, né de parents éleveurs de vaches laitières. Il n’était qu’enfant quand l’épidémie de la vache folle s’est déclarée en France, puis celle de l’épidémie de Creutzfeldt-Jakob ayant ravagé des fermes entières en France et en Europe.

Par chance, la ferme de ses parents (aujourd’hui à la retraite) n’a pas été touchée. Mais le souvenir d’entendre sa mère parler de suicide si son cheptel était abattu le marque jusque dans son cinéma. Diplômé de la Femis, Hubert Charuel préfère se passionner pour le cinéma et s’essaie à trois courts-métrages avant de se lancer dans l’aventure de Petit Paysan. Le long-métrage suit Pierre, la trentaine, éleveur de vaches laitières. Sa vie s’organise autour de sa ferme, sa sœur vétérinaire et ses parents dont il a repris l’exploitation. Alors que les premiers cas d’une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l’une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n’a rien d’autre et ira jusqu’au bout pour les sauver.

Au départ regard tendre sur un métier dur, mais passionnant, Hubert Charuel signe un film naturaliste, proche du documentaire. On suit les habitudes de Pierre se levant tôt le matin pour rejoindre ses vaches et ne plus quitter la ferme jusque tard le soir. Il n’a pas de vie sociale, laissant les messages vocaux de ses amis sans réponse. Petit Paysan accroche par la réelle sincérité faite des images. Le film est justement pensé, mûri et réfléchi dans la tête de son metteur en scène. On sent chaque seconde que le film a été tourné des dizaines de fois dans la tête d’Hubert Charuel. Rien n’est dû au hasard. Inévitablement, quand le premier cas est détecté par Pierre, le film bascule d’une façon inattendue.

Dans sa deuxième partie, Petit Paysan se tend nous agrippant avec force dans le début du calvaire pour le jeune paysan. Le premier cas d’épidémie est relevé chez la vache Topaze. Pierre bascule, lui dans la psychose depuis le début à trop regarder Internet et YouTube. Par amour pour ses bêtes, il va tout faire pour sauver son troupeau quitte à cacher et falsifier. Petit Paysan tombe astucieusement dans le genre, le thriller prenant le pas sur le drame naturaliste. La tension monte au fur et à mesure que les vaches malades se déclarent. Pierre est pris au piège, dos au mur.

Petit Paysan ne serait rien sans la prestation de Swann Arlaud en Pierre. Le jeune acteur, véritable second couteau dans une multitude de films, s’est investi totalement dans le rôle. Il a suivi pendant des semaines une préparation au cœur d’une ferme pour se faire aux gestes, dompter les vaches, se faire accepter du troupeau. Il est devenu un fermier pour le film et cela se voit à chaque instant. La performance est juste, il est ce fermier passionné, comme Swann Arlaud est passionné du métier d’acteur. Le comédien aperçu dans Ni le Ciel Ni la Terre ou encore Bouboule trouve, grâce à Hubert Charuel, le rôle révélateur. Espoir Masculin aux Césars 2016 pour Les Anarchistes et Prix Valois du meilleur acteur au Festival Francophone d’Angoulême 2017 pour Petit Paysan, Swann Arlaud trouve dans le rôle de Pierre l’accomplissement de sa jeune carrière. Une carrière prometteuse dont Petit Paysan permet de pointer le doigt sur cet acteur devenu majeur.

Petit Paysan est la découverte de cette année 2017. La découverte d’un néo-réalisateur pétri de talent, révélé par des courts-métrages tranchants et décalés, mais surtout par un premier long-métrage tendu, passionné et captivant. Petit Paysan est l’œuvre d’une vie d’un petit artisan qui nous tarde de suivre à l’avenir, un jeune metteur en scène prometteur et attachant dont on attend le deuxième essai avec impatience.