Conjuring, les Dossiers Warren : Avoir la trouille, c’est encore possible !

En 2013, James Wan était âgé de 36 et avait déjà tout tout d’un grand réalisateur. Véritable passionné du film de genre, il a été l’un des instigateurs d’une vague populaire des films dit « torture porn » en 2004 avec Saw. Seulement, le credo de Wan se situe au niveau des vieux films d’épouvante, Poltergeist en tête, en passant par les films de la Hammer notament. Son univers emprunte énormément de codes au monde gothique, chose qu’il prouvera avec son film Dead Silence. Mais James Wan n’en restera pas à ces coups d’essai. Après une brève digression de genre avec le très appréciable Death Sentence et fort d’une notoriété respectée par les fans, il récidivait en 2010 avec Insidious dans lequel il a confirmé qu’il était bel et bien un réalisateur à suivre. Non content de lancer une seconde licence horrifique devenue aussi lucrative que Saw, la franchise Insidious se rapprochait au plus près de ses ambitions fantastiques. Mais comme un concept fort et le succès en attire forcément un autre, il enfoncera définitivement le clou en 2013 lorsqu’il nous proposera de revenir sur les affaires menées par un couple très célèbre aux États-Unis, les Warren. Nous ne le savions pas encore, mais Conjuring : les Dossiers Warren allait donner naissance à la troisième licence forte issue de l’esprit de Wan, pour le meilleur (les suites officielles) comme pour le pire (Annabelle, La Nonne).

Avant Amityville, il y avait Harrisville. Conjuring raconte l’histoire horrible, mais vraie, d’Ed et Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée. Contraints d’affronter une créature démoniaque d’une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l’affaire la plus terrifiante de leur carrière.
Des flash-back, une poupée, un esprit…il n’y a pas de doute, nous sommes bien devant une œuvre de James Wan. Le film nous plonge d’emblée dans son univers. Il instaure un climat pesant et angoissant dès son ouverture. L’image est extrêmement bien travaillée, jouant à merveille sur des nuances sombres afin de nourrir les pires phobies du spectateur. L’apparition des premiers sursauts dès les premières minutes ont eu raison du travail fournit, Wan passait définitivement un cap dans l’art de mettre en scène des histoires paranormales. Il a habillement révisé ses classiques et est parvenu à nous refaire peur par des procédés simples et redoutables. Conjuring est une vraie montagne russe de la trouille, un vieux train fantôme qui fait magnifiquement peau neuve afin de surprendre même les spectateurs les plus avertis. Le soin du travail de Wan s’apprécie jusque dans le moindre détail des décors. L’intrigue se déroule durant les années 70 et il faut bien avouer que les reconstitutions d’époques sont minutieuses et extrêmement fidèles. Enregistrez le film sur une vieille VHS et vous peinerez à croire qu’il est sorti en 2013. Il y a toujours un élément qui vient nous rappeler l’époque dans laquelle se déroule l’histoire. Tous ces détails donnent un réalisme au film non négligeable, on y croit, on y croit vraiment !

Et techniquement, James Wan est en pleine possession de ses moyens. Il s’amuse à nous sortir des plans-séquences redoutablement efficaces. Outre la figure de style, Wan accorde une importance évidente à ces procédés. Il suffit de voir la scène d’emménagement de la famille où la caméra, fluide au plus haut point, nous fait visiter et découvrir la maison en même temps que la famille. C’est visuellement très beau et très propre, un véritable orgasme pour la pupille, mais ne vous y trompez pas, si ces plans séquences mobiles vous plairont, vous haïrez les fixes. En effet, Wan joue sur les contrastes techniques et il ne donne pas au spectateur les codes qu’il connaît et est habitué à voir. Lorsque la caméra s’arrête de bouger, c’est qu’elle veut attirer toute notre attention sur un détail particulier de l’image, et il est inutile de vous préciser que ce genre de manœuvre se déroule très souvent lors d’une scène effrayante. Il vous est alors impossible de détourner le regard au point que vous vous retrouvez crispé sur votre siège à supplier que les personnages allument la lumière. La véritable force du film réside là-dedans : il fait resurgir nos peurs enfantines les plus enfouies. Avouez-le, qui n’a jamais eu peur du monstre sous le lit ? Dans le placard ? Dans la cave ? Le cinéma nippon sait très bien jouer avec les angoisses du spectateur en posant des ambiances volontairement lourdes, James Wan s’amuse exactement pareil avec nos nerfs et ce n’est pas pour nous déplaire. Conjuring n’abuse pas de jump-scares pour faire peur. Bien évidemment, ces derniers, inévitables, seront présents, mais ils seront intelligents, si bien que même un aficionado du genre pourra se faire avoir comme un bleu lors de certaines séquences. Cette tension qui monte crescendo gardera vos mains moites et mettra votre rythme cardiaque à rude épreuve jusque dans les dernières secondes du films. James Wan ne relâche pas la pression pendant près de deux heures, preuve d’une réussite formelle.

Paranormal Activity avait relancé l’attrait du public pour les films de possessions démoniaques, James Wan lui a donné ses plus beaux galons de cette époque « revival du genre ». Avec toute la pléiade de films sortis depuis Paranormal Activity, très peu, voire aucuns, n’ont su arriver à la cheville du film de référence : L’exorciste. Conjuring s’était placé en tant qu’outsider le plus légitime à sa sortie et a prouvé, avec le temps, qu’on ne s’était pas trompé. S’il ne détrône pas L’exorciste dans notre coeur, il le complète parfaitement. En effet, le film de William Friedkin s’attardait sur comment faire partir le démon du corps de son hôte. Le film de James Wan nous explique tout ce qu’il se passe auparavant en proposant une théorie sur comment un démon tourmente sa proie pendant des semaines avant de la posséder. Conjuring est un véritable film d’épouvante qui joue avec la nostalgie des fictions sorties dans les années 70. Conjuring est le travail le plus abouti de Wan à ce jour. Quand bien même la suite demeurera aussi efficace et parfaitement exécutée, elle n’atteindra pas la perfection des soins apportés dans chacun des détails de ce film d’épouvante désormais culte et digne de figurer au panthéon des classiques de l’horreur à nos yeux (n’ayons pas peur des mots, sic!). Conjuring est à (re)voir encore et encore tant le film regorge de dizaines de bonnes idées à la minute. Résolument, la masterpiece de l’œuvre de Wan actuellement.