
Au début des années 2000, le Royaume-Uni a connu une résurgence du film de genre. L’industrie alignant tour à tour des films d’horreur bien craspec et d’autres à l’humour dévastateur, le public lui a concédé un regain d’intérêt certain. Parmi la flopée de réalisateurs découverts à cette époque, Christopher Smith fait parti de ceux pour lesquels nous avons voué une certaine admiration. Que ce soit son premier film, le terrifiant Creep, sa succulente comédie gore Severance ou encore le conceptuel Triangle, Smith est de ces réalisateurs qui possèdent de la ressource à la pelle. Beaucoup plus discret depuis le début des années 2010 (du moins, par chez nous), on le retrouve mis en évidence dans nos bacs cette année avec la sortie de son dernier projet, Banishing : la Demeure du Mal. Disponible à l’achat VOD depuis fin juillet, vous pourrez retrouver le film dans une édition Blu-Ray et DVD dès le 25 août prochain.

En 1938, chargé par l’évêque Malachi de redonner la foi au village de Morley, un révérend, Linus, s’y installe dans un presbytère avec son épouse Marianne et sa petite fille, Adelaide. Linus est persuadé que le plaisir charnel est un péché et son abstinence le pousse à craindre que sa femme le trompe avec un autre homme. Cependant, rapidement, il rencontre un certain Harry Reed qui lui raconte qu’un prêtre a vécu dans son manoir et qu’il a assassiné sa femme. Une révélation qui va perturber la famille car Linus a des hallucinations de Marianne en train de commettre un adultère tandis qu’Adelaide parle à un être invisible qu’elle prétend être sa vraie mère. Inquiète, Marianne réclame l’aide de Reed qui s’avère être un occultiste spécialisé dans la magie noire.

Il faut bien avouer que c’est une véritable surprise de retrouver un film tel que Banishing dans nos bacs. En effet, le dernier rejeton de Christopher Smith est à des années de ce que le réalisateur a su faire de mieux. Banishing surprend et fascine dans son ouverture. Choisissant d’y raconter une dualité religieuse dans un contexte historique où le IIIe Reich allait atteindre son apogée, Smith s’assure des bases solides à une histoire démoniaque pouvant jouir de plusieurs couches de lecture. Malheureusement, passée la première grosse demi-heure, Banishing n’aura de cesse que de tourner en rond et de remettre en permanence en question ses idéologies. Le spectateur ne saura jamais quoi en penser, il n’y a rien qui est mis en œuvre pour nous guider un tant soit peu. Banishing ne peut même pas se targuer de ne pas vouloir prendre le spectateur par la main dans le but de le faire cogiter puisque rien ne se tient. Dès lors que tous les événements s’entremêlent, le scénario n’a de cesse de s’embourber dans un florilège d’incohérences qui rendront la séance nettement plus pénible qu’autre chose. Le générique de fin sonnera comme une délivrance et on en sortira avec une déception absolue tellement Banishing est indigne de son réalisateur. Le film se tire plusieurs balles dans le pied tout seul. Et même quand il peut se trouver une porte de sortie digne et quelque peu plausible, il décide de remettre une couche d’invraisemblance par dessus. C’est du sabotage pur et dur, on n’y comprend absolument rien. Lorsque Marianne parvient à tout démêler, le film aurait pu se conclure et aurait eu le mérite d’être bancal, mais de se tenir. Seulement, l’épilogue en remet une couche (la scène impliquant les nazis, pour ne pas la nommer) et enterre toute logique de compréhension. Que viennent-ils faire là-dedans ? Si l’on a conscience de leur présence dans le monde vu l’époque où se situe l’histoire, jamais leur implication directe n’avait été soupçonnée. Et des non-sens de ce genre, on pourrait vous en citer à la pelle. C’est un foutoir scénaristique total.

C’est vraiment dommage que le scénario ne tienne pas la route, car le talent de metteur en scène de Christopher Smith est bel et bien là. La caméra est fluide, limpide et envolée. Il y a des plans absolument magnifiques. C’est un vrai régal pour les mirettes et qui n’est pas sans rappeler certains plans aperçus chez James Wan pour Conjuring. D’autant que le soin apporté aux décors et aux costumes est à noter. Smith croit dur comme fer en son projet. Et le casting est aussi élégant que crédible. Nous avons envie de croire en ces personnages. Ils parviennent parfaitement à nous immiscer à leurs côtés. Jessica Brown Findlay (Lady Sybil Crawley dans la série Downton Abbey) est une révélation. Elle porte le projet à bout de bras. Elle mange l’image par un charisme indéniable. S’il y a bien une raison qui nous pousse à aller au bout du film, c’est pour l’implication de son héroïne. Comme il l’avait fait avec Triangle, Christopher Smith accorde une place de choix à son personnage féminin. Fervent défenseur de la femme forte, Banishing confère un discours sur l’émancipation féminine fort et actuel. Cette ambition artistique semble être plus forte que l’envie de proposer un véritable film d’épouvante d’ailleurs. Si vous vous attendiez à frisonner devant Banishing, ce sera peine perdue. Smith ménage tous ses effets d’épouvante. L’angoisse ne sera jamais présente. Les rares séquences qui auraient pu marquer les esprits sont rapidement désamorcées, Smith ne va pas au bout de la note d’intention du film. D’ailleurs, difficile de définir clairement ce qu’elle est. Banishing est-il un film d’épouvante ? Un drame anti-religieux ? Une chronique dénonçant le pouvoir nazi sur les pensées ? Banishing est tous ces sujets et rien à la fois. C’est un essai raté, tiraillé par un excès d’ambition et une écriture extrêmement faible.

Banishing n’annonce pas le retour en grandes pompes de Christopher Smith. C’est un film qui ne manque pas d’ambitions, mais dont l’écriture faiblarde ne lui concède aucune sympathie. Fort d’un casting impeccable et d’une réalisation solide, Banishing pourra, éventuellement, faire passer le temps d’un dimanche après-midi pluvieux. Et même pour ce contexte, difficile de vous conseiller pleinement ce film là où des centaines d’autres feront le job bien mieux que lui. Malgré ses évidentes qualités, Banishing perd le combat face à l’ennui qu’il génère.
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