Charlie’s Angels : Girl Power !

Second long-métrage réalisé par Elizabeth Banks (si l’on excepte son segment dans My Movie Project), Charlie’s Angels est le troisième film porté au cinéma qui fait suite à la série Drôles de Dames diffusée entre 1976 et 1981 aux États-Unis. Comme les deux films précédents, il accorde une existence à tout ce qui a été fait autour de cet univers d’espionnage féminin. Sans pour autant être une suite directe ni un reboot, on pourrait parler d’une sorte d’univers étendu. Un univers qui sera très vite expliqué en début de film et qui saluera les gloires passées pour mieux nous introduire dans son histoire.

Depuis plusieurs années, l’agence de détectives Townsend est réputée pour les services offert par ses « Anges » : un trio de femmes qui change d’une génération à l’autre. Mais ce temps est désormais révolu, l’agence est maintenant internationale et dispose de plusieurs équipes d’Anges partout dans le monde, toutes guidées par des « Bosley ». Quand Elena Houghlin, une scientifique de génie, découvre que la société pour laquelle elle travaille, Brock Industrie, veut mettre sur le marché une technologie nommée Calisto, qu’elle a créée, elle avertit son supérieur que le projet est loin d’être terminé et qu’il peut, dans de mauvaises mains, être transformé en arme. Devant la sourde oreille de ses supérieurs, elle se tourne vers les services de l’agence Townsend.

Flop catastrophique au box-office américain et succès mitigé à l’international, se remboursant à peine en bout de course, Charlie’s Angels fait parti des derniers flops de la fin d’année 2019. Centre de nombreux débats houleux où il en a divisé plus d’un, le nouveau volet consacré aux drôles de dames est-il si affreux que la réputation qu’il traîne sur divers forums et autres sites consacrés au cinéma ? Certains crient à l’abomination la plus infâme (on exagère à peine) pendant que d’autres sauvent les meubles en lui justifiant un statut divertissant, mais néanmoins oubliable. Il faut dire que les deux longs-métrages précédents sortis en 2000 et 2003 et réalisés par McG avaient des atouts charmes incontestables. Portés par des actrices charismatiques, gentiment crétins, truffés de gags cartoonesques et de cascades improbables, les deux films de McG possèdent une aura particulière. Ils ont dépoussiéré une série culte de la télévision pour en faire un gros blockbuster dopé à la testostérone. Nul doute qu’ils ont servis de modèle pour les autres films d’action qui se sont essayés à l’exercice périlleux du reboot sur grand écran de franchises télévisuelles à succès (21 Jump Street, Baywatch). Sans pour autant être des modèles de perfection, surtout dans une ère post-Matrix où McG singeait grossièrement le travail des Wachowski à tour de bras, les deux Charlie’s Angels précédents ont laissé une marque (bonne ou mauvaise) dans l’esprit des cinéphiles. Les succès des Mission : Impossible illustrent tout cet aspect « bigger and louder » qui collent à chacune des suites qui sortent en salle. Légitime qu’on en attende de même ici.

Malheureusement, ce nouvel opus de Charlie’s Angels déroge quelque peu à la règle. La faute à un budget dérisoire (environ 50 millions de dollars) qui fait office de broutille si l’on tient compte du fait que Charlie’s Angels : les Anges Se Déchaînent avait coûté, lui, 120 millions de dollars. Du coup, qui dit petit budget, dit choix de réalisation. Ici, Elizabeth Banks décide de ramener ses drôles de dames au cœur d’un film d’espionnage on ne peut plus classique. Les cascades grandiloquentes laissent place à quelques fusillades rondement menées. L’humour crétin et bas du front est tempéré de manière à donner un semblant de crédit aux intentions du méchant de l’histoire (même si elles restent aussi rocambolesques que n’importe quel méchant de n’importe quel film qui désire régner sur le monde). De plus, Banks accentue ses idées féministes jusqu’à la caricature, saute à pieds joints dans tous les poncifs que cela engendre, et s’en amuse comme une folle. Il n’y a plus le côté « insouciant » des films de McG où les actrices se cachaient derrière des numéros à la Tex Avery pour épater la galerie et délivrer un côté féministe moqueur, mais jamais méchant envers le sexe opposé. Bien qu’il ne soit pas dénué de second degré, le film d’Elizabeth Banks transpire la « bad-ass attitude » de tous ses pores (comme elle l’avait fait, à une autre échelle, sur Pitch Perfect 2) et malmène la gent masculine avec autant de raffinement qu’un cassoulet en boîte réchauffé aux micro-ondes. Si l’on en rigole sur le moment, on ne peut que regretter la maladresse de la réalisatrice. Malgré son discours sexiste maladroit et ses faiblesses scénaristiques, le film n’est, pour autant, pas l’infâme bouse décriée par tant de personnes.

Avec tous ces nouveaux éléments qui diffèrent des films de McG, il est évident que Charlie’s Angels sauce 2019 vous demandera de revoir vos attentes. Ce ne sera pas une comédie aux grosses séquences d’action survitaminées. Charlie’s Angels centre son intrigue sur le développement du lien qui va se construire entre les Anges et la scientifique qui va s’éprendre de leur univers. Et, en ce sens, on ne peut absolument pas blâmer Elizabeth Banks. Elle accorde une importance évidente à ses actrices et les rend aussi belles que redoutables. Elle pousse les femmes à aller puiser le meilleur d’elles-mêmes, de creuser et développer toutes leurs capacités. Bien évidemment, et c’était déjà le cas depuis la série, le trio sera composé d’une forte tête au tempérament bien trempé, de l’expert en armes et arts-martiaux et d’une tête pensante à l’intelligence redoutable. Rien de nouveau au tableau, mais il faut avouer que c’est ce genre de personnage que l’on aime et veut voir à l’écran. Ainsi, les actrices portent le film avec une grâce épatante. Si elles rendent hommage à toutes les autres actrices passées avant elles dans ces rôles, elles n’oublient pas de donner un vrai cachet au film. Kristen Stewart s’amuse comme une enfant. Elle endosse son personnage loufoque avec plaisir et est magnifiée par un charisme naturelle qui lui sied à merveille. On retrouve le regard et la hargne qu’elle déployait dans Les Runaways où elle campait une Joan Jett plus vraie que nature. Elle mène la barque d’une main de maître et n’oublie pas de pousser en avant ses camarades de jeu (d’ailleurs, c’est uniquement le seul faire-valoir que lui offre le scénario : pousser les actrices moins connues sur le devant). Ella Balinska est une bonne surprise. Elle foudroie l’image par son imposante stature et nous ramène tout droit vers une époque pas si lointaine où des actrices comme Sigourney Weaver ou Geena Davis illuminaient le paysage des films d’action. Si les deux Anges portés par Kristen Stewart et Ella Balinska sont impeccables, la vraie révélation du film est Naomi Scott. Aperçue dans Seul Sur Mars, Power Rangers et, l’année dernière, dans le Aladdin de Guy Ritchie sous les traits de Jasmine, elle met tout le monde d’accord à chacune de ses scènes. Prodigieusement douée pour la comédie, elle possède les meilleures lignes de dialogue du film. Elle habite totalement l’écran et nous fait rire de bon cœur.

Charlie’s Angels possède un casting qui remplit parfaitement le job. Elizabeth Banks soigne sa mise en scène et pallie au manque de budget par une construction vraisemblable des affrontements (ça se tire dessus à toute berzingue, et c’est quand même cool). Plus proche d’un Mission : Impossible premier du nom que d’un 21 Jump Street sauce Lord et Miller, Charlie’s Angels n’est ni une catastrophe ni une révolution. C’est un film d’action honorable avec ses qualités et ses (gros) défauts. Dans la flopée des innombrables blockbusters avariés qu’on nous donne à manger chaque année, Charlie’s Angels est loin d’être le pire. Son petit budget lui confère justement ce capital sympathie que d’autres plus grosses machines n’acquerront jamais.

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