M Le Maudit : La Marque Blanche du cinéma.

M Le Maudit, œuvre phare marquant une avancée significative dans l’histoire du cinéma et la filmographie de Fritz Lang. À savoir le premier film parlant et sonorisé du réalisateur après une douzaine de longs-métrages muets. M Le Maudit s’inspire de faits divers du début du 20e siècle en Allemagne, dont celui du Vampire de Dusseldorf. Des détails sur le film que tout bon cinéphile connaît relatés à chaque ligne écrite sur le film datant de 1931. M Le Maudit est une œuvre marquante aussi par des séquences extraordinaires que peu finalement relatent franchement. On parle beaucoup du film, de Fritz Lang, de quelques extraits, on soulève le fait que ce soit un grand film, mais pourquoi ?

Tout d’abord pour son ouverture sur l’air d’une comptine dont un réalisateur tel que Wes Craven se souviendra pour Les Griffes de la Nuit. Un hymne entêtant et diabolique sur la posture d’un homme en noir emportant les enfants. À l’image donc de Freddy Krueger qui se sert du noir des cauchemars des enfants pour les emporter. Bien avant cela, Krueger (connotation allemande !) était un pédophile (inavoué) brûlé vif par des parents révoltés. Ce qu’il adviendra de M – ou plutôt Beckert – poursuivit par une révolte criminelle et populaire jusqu’à une entreprise de bureau.
Mais revenons à cette introduction dans l’immeuble où jouent des enfants. Une mère les rappelle à l’ordre tout en montant le linge à laver à une autre mère préparant le déjeuner. Le décor de la modestie du peuple allemand dans lequel Fritz Lang nous happe aux côtés de la ménagère en action dans ses tâches quotidiennes. Nous sommes pris sur le vif, l’installation parfaite pour mieux nous dévoiler l’ombre qui guette la sortie d’école. «Quel joli ballon tu as là» dit-elle à la jeune enfant qui rebondit son ballon contre un avis de recherche. Pendant ce temps-là, la mère réchauffe le déjeuner, guette via l’escalier vertigineux qui marquera l’esprit d’Alfred Hitchcock, pour ne jamais revoir sa fille. Le petit ballon roule seul sans but puis marque l’arrêt d’une petite innocente ayant succombé au monstre.
Fritz Lang réussit l’une des ouvertures de film les plus magistrales du cinéma. Froide, concise et juste, injectant dans ce quotidien presque documentaire la chasse d’une proie naïve et vulnérable par une ombre gardant son visage jusqu’au dernier tiers.

L’horreur au cœur d’une Allemagne (on soupçonne Berlin via quelques indices disséminés) en proie au nazisme. Nous sommes en 1931, rien ne laisse encore présager ce qui se déroulera dans les années à venir. Fritz Lang met en image une Allemagne routinière et modeste avec ses mères au foyer (Kinder/Küche/Kirche) et ses employés sortant à heure précise du bureau. Une ville en émoi avec les agissements de ce tueur d’enfants. Les mères ont peur, la police est sur les dents et les malfrats sous pression. Fritz Lang met alors en parallèle la traque du tueur par la police et la mafia. Ces derniers seront les premiers à mettre la main dessus, bien aidés par un vendeur de ballons aveugle. Un comble.
M le tueur se transforme en bête chassée marquée à la craie blanche. M sur l’épaule – que E.P Jacobs reprendra pour La Marque Jaune pour une des aventures les plus célèbres de Blake et Mortimer – comme marque du tueur qui se dédouble via le miroir de la vitrine de magasin pour mieux introduire sa schizophrénie et son mal. M comme le «Mal» personnifié qui va se faire pourchasser jusqu’à un grenier puis mis devant un tribunal criminel proclamant sa mort. Le lien parallèle police/malfrat se rejoint perpendiculairement pour arrêter à temps la mascarade. Le temps pour Fritz Lang de développer un dernier point portant sur le droit humain, la place du monstre dans la société et de la peine de mort.

Fritz Lang soulève, avec le film, le débat contre la peine de mort. Face à un tribunal criminel qui souhaite une condamnation à mort, le tueur se défend les yeux exorbités plaidant coupable malgré lui. Son discours dénonce une maladie – la schizophrénie – face à des malfrats tout autant douteux. L’humain fou à lier sujet à des pulsions de meurtres (et sexuelles, Beckert alias M étant suggéré comme pédophile) face aux vices de criminels pas plus recommandables, sauvé par la police qui lui laisse la tête sur les épaules pour être jugé au tribunal, le vrai cette fois-ci.

M Le Maudit se conclut alors à raison sur un plan bref de l’ouverture du procès et l’appel des trois mères aux voiles noirs : « Jamais nous ne reverrons nos enfants – Il faudra davantage veiller sur nos enfants…». Une fermeture qui s’extrapole sur l’avenir d’une nation génocidaire embrigadant les enfants dans une guerre, au cœur du nazisme, comme les dernières offensives d’une société monstrueuse et mourante. Le monstre n’est alors plus un seul homme double, mais un pays schizophrène malade qu’il va falloir juger et traiter pour sa survie. Car cela reste que de simples hommes pris dans la folie.
Œuvre fondatrice du noir avec des relents d’expressionnisme dont Fritz Lang est le grand instigateur, M Le Maudit souffle un propos alarmant vertigineux, à la mise en scène avant-gardiste puissante ponctuée par l’interprétation intense de Peter Lorre en tueur d’enfants sale marqué d’un M, à l’image d’un pays qui sera indéfiniment marqué au fer rouge d’un N.

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