La Longue Nuit de l’Exorcisme : L’innocence assassinée

On ne le dit pas suffisamment : bien que le cinéma de Lucio Fulci soit désormais réputé pour ses saillies gores et son goût du macabre, il a souvent été beaucoup plus que ça, se frottant avec force aux perversions humaines et à ses instincts les plus bas avec une force dénonciatrice étonnante.

En témoigne La longue nuit de l’exorcisme (titre français complètement stupide, le film ne comportant aucun exorcisme), un film à mi-chemin dans sa carrière, alors qu’il a déjà fait quelques expérimentations formelles proches du giallo (avec Le Venin de la peur) et avant qu’il ne se tourne vers des films plus gores où le corps sera allègrement malmené. Parce qu’il est à cheval entre ces deux périodes (le film verse dans la psychologie torturée mais s’autorise deux scènes gores marquantes), La longue nuit de l’exorcisme est peut-être un des plus réussis de son auteur, il forme en tout cas une très bonne porte d’entrée vers son univers.

À première vue, Lucio Fulci se concentre sur une intrigue plus classique : dans un petit village italien, des enfants sont assassinés, jetant la terreur sur tous les habitants. Alors que la police tâche d’enquêter du mieux qu’elle peut, les soupçons se tournent successivement vers l’idiot du village et celle que l’on surnomme la sorcière. Et dans ce village-là, les superstitions ont la vie dure… Parallèlement, un journaliste mène l’enquête et s’approche d’une vérité tout à fait dérangeante…

Alors que se déroule ici une trame relativement classique, Fulci n’en reste pas moins fidèle à lui-même et pose dès les premières minutes de son récit une ambiance inquiétante. Symboles de l’innocence, les enfants assassinés nous sont rapidement montrés comme attirés par le vice : ils transgressent les interdits, tuent des petits animaux, fument et sont attirés par le sexe. La séquence la plus troublante du film voit d’ailleurs le jeune Michele tomber par hasard sur la patronne de sa mère totalement nue (sublime Barbara Bouchet). Quand elle le surprend en train de l’épier, elle ne s’en offusque pas et va au contraire jouer avec lui et provoquer son désir.

Rapidement mis face à tous les péchés du monde, les enfants sont bel et bien présentés comme les réceptacles de la violence et du désir qui s’exacerbe en grandissant et il s’avèrera, sans en révéler plus, que c’est d’ailleurs pour que leur innocence soit préservée qu’ils sont assassinés. N’ayant pas froid aux yeux, Lucio Fulci livre un récit dense, bourré de dualité, flirtant parfois avec l’imagerie fantastique et le conte (comme ce personnage considéré comme une sorcière par les habitants et lynchée par une foule de parents en furie) tout en s’autorisant des plans dignes de westerns.

Lorgnant d’un œil critique et implacable les mœurs provinciales où la superstition et la peur conduisent aux actes les plus affreux (encore cette idée de contamination du mal présente dans son cinéma), Fulci va jusqu’à enfoncer le clou jusqu’à la révélation du coupable et se montre ainsi d’une force incroyable dans le traitement de son récit. Si Claude Chabrol n’est pas très loin, Fulci agrémente le film à sa sauce, multiplie les séquences marquantes et gère habilement sa galerie de personnages pour nous dresser un portrait sans complaisance de la bêtise humaine…

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