Le Venin de la Peur : Les méfaits du désir refoulé

Deux ans après Perversion Story, Lucio Fulci retrouve son co-scénariste Roberto Gianviti pour une nouvelle histoire à base de mort et de manipulation. Mais cette fois, le cinéaste, tout en livrant un thriller pop à la mise en scène inventive (car malgré les dires, Le venin de la peur est loin du giallo), va plus loin, notamment dans la psychanalyse et dans la violence.

Étrange film d’ailleurs que ce Venin de la peur (dont la traduction française est loin du titre original, à savoir Una lucertola con la pelle di donna – littéralement Un lézard dans la peau d’une femme mais qui vaut toujours mieux que le titre de la version avec des inserts pornos, joyeusement nommé Carole, les salopes vont en enfer) dont on peine à percevoir toutes les ramifications en premier lieu. Déjà le pitch est hautement improbable, voyant Carol, une femme de la bourgeoisie anglaise, assaillie par des rêves érotiques dans lesquels elle couche avec sa voisine Julia Durer. Celle-ci organise d’ailleurs régulièrement des soirées pleines de drogues et de sexes, venant perturber l’existence bourgeoise et corsetée de Carol qui projette ses fantasmes et son désir dans ses rêves. Quand elle rêve qu’elle assassine Julia Durer et que celle-ci est vraiment retrouvée morte telle qu’elle l’a rêvée, son existence bascule…

Très rapidement, Fulci, en dépit du riche terreau scénaristique qu’il a sous la main, n’en fait pas grand-chose. L’intrigue à rebondissements et l’enquête menée, aussi bien par le mari et le père de Carol que par la police, ne semblent là que pour le principe et le cinéaste a l’air de complètement s’en désintéresser. Ce qui passionne Fulci, au contraire, c’est le personnage de Carol. Visiblement influencé par Fritz Lang et ses grands films noirs psychanalytiques, Fulci colle au plus près de Carol et de son désir homosexuel refoulé, que viennent sans cesse lui rappeler ses visions où le cinéaste commence à laisser aller son goût pour le gore, plaie sanguinolente près d’un sein et chiens éventrés à la clé (qui faillit coûter cher au cinéaste puisque le réalisme de la scène alarma grandement la SPA italienne). Dès que Carol, incarnée par la troublante Florinda Bolkan, est à l’écran, le film est un vrai festival de mise en scène, parfois carrément onirique, toujours inventive (le split-screen mettant en parallèle le dîner de Carol et la soirée de Julia) où Fulci ose les angles incongrus et multiplie les points de vue troubles.

C’est donc moins l’enquête qui compte ici que l’expression des pulsions sexuelles de Carol, venant forcément en contradiction avec le milieu bourgeois que Fulci dépeint non sans un humour acerbe. Ils y sont présentés comme poliment ennuyeux quand bien même le désir sexuel ne vient pas perturber que Carol puisque son mari la trompe et que la fille de celui-ci aimerait bien voir Carol disparaître du décor pour avoir son papa rien qu’à elle… Mais si Fulci fustige le milieu bourgeois, on ne peut s’empêcher de voir un côté très catholique au film puisque Carol est punie tout le long du film pour ses désirs homosexuels. Cette contradiction, plutôt que d’enfoncer le film, le rend encore plus passionnant et laisse éclater le talent formaliste de Fulci, déjà palpable dans Perversion Story et proche d’une maîtrise totale avec les années suivantes.

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