Birdy : Fais comme l’oiseau

Continuant d’agrandir régulièrement son catalogue avec des gros titres de l’Histoire du cinéma à (re)découvrir, Wild Side nous a offert un beau cadeau le 7 décembre dernier en éditant Birdy de Alan Parker dans une édition collector garnie de bonus et un master de toute beauté, rendant justice au film et aux envolées de sa mise en scène.

Adapté d’un roman de William Wharton, Birdy nous conte une histoire d’amitié contrariée par la guerre du Vietnam. Revenu défiguré, Al apprend que son ami Birdy, qui a toujours été fasciné par les oiseaux, est désormais interné à l’hôpital et prostré dans son mutisme, agissant comme un oiseau terrifié, ne semblant pas vouloir comprendre ce qu’il se passe autour de lui. Al est alors chargé de lui parler et de lui rappeler leurs souvenirs communs pour tâcher de le sortir de sa torpeur, l’occasion de dessiner le récit d’une belle amitié entre deux jeunes hommes que tout oppose : Al la grande gueule, tombeur de ces dames et Birdy le discret, réfugié dans son monde. Ils vont pourtant se compléter et traverser leur adolescence en défiant l’autorité parentale avant de voir leur innocence fauchée par la guerre…

© 1984 TriStar Pictures. Tous droits réservés.

Sur le papier, Birdy a tout du projet casse-gueule à tendance larmoyante mais le résultat final évite soigneusement tous les clichés ou, tout du moins, parvient à jouer avec. Habilement construit sur deux temporalités, le scénario permet ainsi d’éviter les lourdeurs et la répétition, chaque scène située dans le passé venant offrir une respiration aux séquences se déroulant dans l’hôpital. On comprend ainsi peu à peu la puissance du lien unissant Al et Birdy et l’admiration mutuelle que les deux se vouent (Al, ayant peur de son père, n’a jamais réussi à lui tenir tête comme Birdy l’a fait) tout comme l’obsession de Birdy pour les oiseaux et leur liberté qui lui font envie. L’empathie avec nos deux héros est totale, Birdy ne rêvant finalement que de s’échapper d’un monde qui n’est pas fait pour lui dès le début, qui n’accepte pas ses rêves et qui préférera le broyer tout cru en l’envoyant dans l’enfer du Vietnam. L’entremêlement des deux temporalités au sein du scénario est habile et fait peu à peu naître l’émotion, émotion renforcée par la superbe musique de Peter Gabriel.

Mais Birdy ne serait évidemment rien sans le talent de formaliste de Alan Parker qui embrasse totalement son sujet. Le cinéaste était connu pour ses outrances formelles, parfois excessives mais qui ont régulièrement servi les films qu’il dirigeait (Midnight Express ou Angel Heart, pour ne citer qu’eux). Visiblement conscient que le scénario qu’il a entre les mains est solide (un des rares auquel il ne touchera quasiment pas, le cinéaste réécrivant régulièrement les films qu’il réalisait) mais peut rester sur un mode mineur s’il n’est pas relevé par de vrais choix de mise en scène, Parker lâche les chevaux en sachant toujours éviter l’outrance, collant quoiqu’il arrive à l’émotion de son sujet. Il se laisse néanmoins emporter quand le récit l’exige, notamment à travers les séquences où Birdy fantasme son envol et livre une version presque enfiévrée du scénario où l’émotion pointe toujours par la mise en scène et des choix de cadrages toujours pertinents, venant relever la plus banale (en apparence) des séquences.

© 1984 TriStar Pictures. Tous droits réservés.

Il faut également saluer l’audace d’avoir casté deux acteurs alors quasiment inconnus pour les rôles principaux. Pas encore le soldat Joker de Full Metal Jacket, Matthew Modine livre une composition toute en nuances dans le rôle de Birdy, évitant d’en faire trop, parvenant à faire ressentir toute la sensibilité du personnage en une poignée de séquences. Mais c’est peut-être Nicolas Cage qui surprend le plus. Cherchant encore à s’émanciper du poids de la famille Coppola, son jeu pas encore assuré, presque fragile parfois, loin du cabotinage irrésistible qu’on lui connaît désormais, lui confère une immédiate sympathie et vient merveilleusement équilibrer son personnage avec celui de Birdy. C’est donc un véritable travail collectif effectué sur ce film où chacun s’est mis à son service qui permet à Birdy d’être une aussi belle réussite, œuvre aussi cruelle que poétique à redécouvrir dans les meilleures conditions.

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