Avoir Vingt Ans : Être Jeune, Belle et en Colère !

Artus Films a une nouvelle belle intuition en éditant un film culte pour une certaine branche cinéphilique, mais toujours aussi méconnu par le grand public, abîmé à sa sortie pour des questions de censure, et à la vue de la copie intégrale présentée par l’ourson, cela se comprend amplement. Pourtant en 1978, année de la sortie du film, les Italiens ne sont pas les plus prudes en termes de désinvoltures graphiques. Mais la dernière séquence est de trop, sûrement trop réaliste et choquante, laissant le spectateur pantois face à cette vision de torture innommable. Aujourd’hui encore, ce geste final pétrifie laissant stupéfait par cette image fixe venant conclure une proposition en substance légère, mais au fond si révoltée.  

On n’en dire pas plus, vous laissant découvrir ce film de Fernando Di Leo édité par Artus Films disponible en Combo DVD-Blu-Ray. Une bonne pioche de l’éditeur pour un film longtemps invisible jusqu’à son édition DVD intégrale sortie au début des années 2000. Le film retrouve l’écrin adéquat au cœur de cette édition Digipack sublime renfermant un master perfectible dû en partie par les séquences coupées à l’époque et depuis exhumées miraculeusement dans une qualité assez médiocre. Mais le principal est de découvrir le long-métrage dans la vision complète souhaitée par Fernando Di Leo, œuvre révoltée qui se justifie enfin dans son entièreté.

Rien ne prédestinait Fernando Di Leo à une telle proposition au départ frivole et solaire où souffle un vent de liberté et d’insouciance en compagnie de ses deux jeunes filles fort jolies. Di Leo est, au début de sa carrière, un scénariste se faisant un nom sur une vingtaine de scénarii pour des westerns. Et pas des moindres entre Pour une Poignée de Dollars (et sa suite) de Sergio Leone, Le Retour de Ringo pour Tessari, Navajoe Joe pour Corbucci ou encore Le Temps du Massacre pour Fulci. Di Leo se livre a une exploration violente du genre signant les titres majeurs du western à l’italienne connaissant une exploitation massive dans les années 1960.
À la fin de cette décennie, le scénariste décide de prendre les choses en mains en réalisant un film de guerre, Roses Rouges pour le Fuhrer, surfant sur le succès des Douze Salopards de Robert Aldrich. Mais le genre favori – et où s’épanouira Di Leo – de l’artisan est le Néo Noir dont il signera les titres de gloire avec la fameuse Trilogie du Milieu. Référence ultime pour Quentin Tarantino et son Pulp Fiction, Di Leo creusera l’exploration du genre tout le long des années 1970, grand amateur de littérature policière de son état. La Trilogie du Milieu est l’accomplissement de sa carrière bien en amont de son dernier fait marquant : Avoir Vingt Ans.

Avoir Vingt Ans suit les pérégrinations de deux jeunes femmes, Lia et Tina, qui se rencontrent lors d’un rassemblement hippie au bord d’une plage. Elles deviennent amies et décident de faire du stop pour partir à l’aventure. Parvenues au sein d’une communauté, elles ont du mal à s’intégrer, étant un peu trop volages. Leur attitude délurée ne sera pas du goût de tout le monde…
Libertines, les deux jeunes femmes se confrontent à la fin d’une ère libertaire sexe/drogue et rock dès leurs arrivées à Rome. Le film suit ses deux héroïnes insouciantes, voire inconscientes parfois, se confrontant à une Italie conservatrice. Une génération qui souhaite renverser les conventions et trouver leur place dans cette société arriérée, stricte au relent patriarcal. Dès leur arrivée dans la communauté, des tâches leur sont assignées pour y vivre et payer un loyer. Le conformisme les rattrape au sein même de regroupement hippie antinomique de ce diktat. Elles vivotent alors de débrouilles entre prostitution et chantage.
Par son regard de ses deux protagonistes agréables à l’œil, souvent courts vêtues voire pas du tout, Fernando Di Leo fait preuve d’inconséquence par le déroulement de ce portrait sans grand intérêt notable. Mais la dernière partie fait basculer cette idée reçue d’un film livrant enfin ses intentions par la rafle policière d’un rappel à l’ordre envers ses énergumènes révoltés ou envolés par diverses substances. Une jeunesse dont les illusions se brisent sur la réalité d’une société castratrice les renvoyant chez eux. Une génération sans le moindre repère cherchant coûte que coûte à s’émanciper, mais constamment remise dans le droit chemin. Les rêves ne durent jamais longtemps pour ce bel âge se conformant aux attentes d’un état étroit. 

Fernando Di Leo n’a que peu d’espoir pour cette génération révolté. Les deux jeunes femmes en sont la synthèse brune/blonde pour le réalisateur d’un courant se retrouvant paumé, la tête à l’envers et brisée sans la moindre perspective autre que la mort. Les dernières images du film sont glaçantes donnant du sens à cette inconséquence s’analysant brillamment avec le recul comme un choc extrême d’une génération assassinée faute à une frustration sociétale malade d’années de plombs qui ne permettra jamais à l’Italie de s’émanciper des maux de son histoire et de voir enfin la lumière.

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