Vice : Les coulisses du pouvoir

Avant tout connu pour ses géniales comédies avec Will Ferrell, Adam McKay a signé un virage plus sérieux dans sa carrière en 2015 avec The Big Short. Décidé à regarder de plus près les gros problèmes de l’Amérique à travers différents prismes, le cinéaste réalise avec Vice le deuxième volet d’une trilogie qu’il intitule What the holy hell is going on ? Une belle promesse sur le papier donc surtout vu le sujet et le casting en or de Vice, se penchant sur les travers de l’administration de George W. Bush en réalisant le portrait de Dick Cheney, vice-président unique en son genre, ayant réussi à canaliser tout son pouvoir pour pratiquement gérer le pays à la place d’un Bush plus largué qu’autre chose.

En l’état, Vice dresse ainsi un portrait effarant, celui d’un homme qui n’avait à priori rien pour lui mais dont le mariage avec une femme ambitieuse l’a poussé vers la politique. Devenu roublard au fil des ans, Dick Cheney s’est ainsi forgé une place de choix auprès de Bush Junior, renforçant le pouvoir de l’exécutif, contournant les amendements avec une équipe d’avocats, déclenchant la guerre en Irak, justifiant les tortures (puisque les États-Unis ne torturent pas, toute violence commise contre les personnes qu’ils séquestrent ne sont donc pas des tortures), s’offrant un pouvoir qu’aucun vice-président n’a jamais eu, ce poste étant avant tout symbolique. Adam McKay s’attache donc à approcher au plus près cet homme insaisissable qu’est Dick Cheney, vieux renard dont on peine à saisir les contours.

Et c’est bien là que le bât blesse. McKay a beau clamer que le travail de recherche pour le film a été colossal, force est de reconnaître qu’il n’a pas su quoi faire de son sujet, visiblement trop vaste. Pas assez drôle pour verser vraiment dans la satire, pas assez sérieux pour être un pamphlet politique brûlant, trop démonstratif pour être convaincant, trop balourd pour être subtil, Vice embrasse son sujet avec une vraie maladresse en partant dans tous les sens, enchaînant les séquences soi-disant brillantes et enlevées sans se soucier d’une réelle cohérence dans le propos.

Le tout est alourdi par une voix-off omniprésente, presque un aveu de faiblesse de la part du cinéaste, usant de tous les effets de montage possible pour mieux démontrer son propos, se montrant au mieux légèrement malin, au pire carrément lourdingue. Vice vient alors redonner envie de se pencher sur le W., l’improbable président d’Oliver Stone, un film à redécouvrir, traversé lui, par une vraie vision de cinéaste tandis que McKay ne fixe jamais son sujet et semble ratisser large pour au final ne rien ratisser du tout, dressant un constat politique glaçant certes mais qui aurait eu bien plus de force avec une véritable vision sur le personnage et pas simplement cette attitude manichéenne pointant du doigt les magouilles d’un Cheney clairement décrit sans cœur.

C’est d’autant plus dommage que le casting réuni ici n’arrive pas à transcender le sujet et les efforts des acteurs, bien que visibles, semblent effectués en pure perte. En dépit d’une transformation physique saisissante, Christian Bale est ainsi enfermé dans un rôle hermétique et seule Amy Adams parvient à donner un peu d’émotion au film tandis que Steve Carell et Sam Rockwell sont douloureusement sous-exploités. On espère alors que le prochain film d’Adam McKay saura réparer ce qui apparaît comme de fâcheux tics de cinéaste (déjà présents dans The Big Short) qui prennent le pas sur une ambition narrative pourtant prometteuse.

2 Rétroliens / Pings

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