Prometheus : À l’origine du mythe.

Dans un cinéma moderne où l’on repousse à l’extrême les diverses franchises/sagas populaires pour détrousser facilement le lambda, la série Alien ne pouvait finalement y échapper. Après 4 films distincts orchestrés par les meilleurs dans leur genre (Ridley Scott ; James Cameron ; David Fincher ; Jean-Pierre Jeunet), la Fox redonne les rênes à l’instigateur historique, à savoir Ridley Scott, pour la direction d’une nouvelle pierre angulaire à la célèbre saga.

Si l’idée première d’expliquer la nature même des trouvailles de l’équipage du Nostromo sur cette planète inconnue, puis la nature même de l’Alien, sont aguichantes, avouons que nous nous en serions bien passés. Le succès de la saga Alien s’est fait sur cedit « mystère », le fait de la gestation et des métamorphoses de l’Alien, ses origines et sa fonction. À la découverte du premier film, ce que nous avions face à nous était une bête sublime, un prédateur sombre et hors pair apparaissant dans l’ombre des recoins du Nostromo pour hanter nos longues nuits blanches.

Alien était un petit film reprenant les codes du slasher matinées au fantastique/science-fiction pour paraître quelque peu neuf. Alien – Le Huitième Passager vaut surtout pour le travail fabuleux de Ridley Scott en tant qu’orchestrateur du film, tandis que Dan O’Bannon assure un scénario fonctionnel à rebondissement. Le grand instigateur de la réussite d’Alien est surtout H.R Giger, un plasticien, graphiste, illustrateur, sculpteur et designer suisse qui dessinera le vaisseau, le pilote momifié, mais surtout l’Alien.

Pour Prometheus, Ridley Scott retrouve Giger qui revient après bien des années en dehors de la saga. L’artiste suisse prend part au film notamment pour le vaisseau des ingénieurs. On y retrouve la patte organique et biologique d’un artiste aux visions déviantes nourrissant des décors cannibales fabuleux.

Si Giger revient pour aider Scott et prêter une certaine légitimité à la production de cette préquelle, Ridley Scott se perd, pour sa part, dans un imbroglio avec sa production. Après des premières moutures avec Jon Spaights au scénario, la Fox colle dans leurs basques Damon Lindelof, auteur complexe des séries Lost ou The Leftovers. 
Le tournage du film commence sans un scénario pré-défini, voire finalisé et validé, ce qui implique des réécritures quotidiennes, plombant une vaste histoire ambitieuse, mais trop complexe pour finalement convaincre. Pour sûr que Prometheus est une proposition ambitieuse de la part du trio, mais les distorsions entre les trois se font trop ressentir pour finalement convaincre. Il faut voir le montage final de la version cinéma pour comprendre que nous avons face à nous le prototype du film schizophrène pris dans les tourments entre son réalisateur, ses deux scénaristes et la production. Chacun a souhaité donner son avis, prendre ses décisions empêchant un montage concret d’une œuvre à la peinture sublime. Il faut se concentrer notamment sur les scènes coupées ou alternatives du Blu-ray pour se convaincre que la matière est présente et justificatrice de la volonté première de Ridley Scott. Malheureusement, nous n’aurons point le droit à une version « Director’s Cut ».

Prometheus suit une équipe de scientifiques se dirigeant vers une planète hostile après avoir exploré une grotte illustrant une carte sur l’origine de la vie. À bord de cette expédition, Elizabeth et son ami Charlie sont persuadés de rencontrer les créateurs de l’humanité sur la planète LV-223. 
Prometheus est pour la Fox un essai extraordinaire pour relancer l’exploitation spéculative de la franchise Alien. Après l’essai de la combinaison vaine entre le Predator et l’Alien dans les deux opus « Versus », volonté de rameuter les nouvelles générations, le studio ramène Ridley Scott pour concrétiser enfin sa volonté de raconter la genèse du mythe. Une volonté présente déjà à l’époque de la sortie du Huitième Passager selon les dires de Scott. Les deux parties se rejoignent alors pour un spectacle de science-fiction intègre, une réussite esthétique dans sa photogénie rugueuse d’un univers hostile dû au génial Darius Wolski (Pirates des Caraïbes, Sweeney Todd).

Par Prometheus, Ridley Scott se réapproprie la saga. Le réalisateur anglais ne souhaite plus la lâcher, contrôlant tout de A à Z. Elle devient sienne, mais surtout une sorte de signature, une trace dans un cinéma moderne complexe. Car le réalisateur a bien compris les changements d’Hollywood. À contrario de Blade Runner dont il laisse une vision neuve à Denis Villeneuve, Ridley Scott a des idées diverses et variées pour Prometheus et les suites annoncées (Alien Covenant). Il s’approprie la mythologie comme une sorte de mise en abyme pour réinterpréter un univers opaque irrésistiblement inquiétant. En artiste convaincu et aux idées technologiques souvent innovantes (Blade Runner toujours !), renouant avec de vastes décors organiques d’une planète caverneuse (merci Giger!), Ridley Scott s’impose une fois de plus en créateur d’images. Cette volonté de nous entraîner vers l’ailleurs, des confins inexploités et neufs, une galaxie jalonnée d’éléments confus en connivence avec l’origine de la vie. 
Par Prometheus, Ridley Scott insuffle une atmosphère singulière d’isolement comme en 1979. Malheureusement, la multiplicité des protagonistes au cœur du Prometheus chavire cette sensation dans un final abrupte. À voir les choses en grand, il en oublie dans ce nouvel opus la fonction des personnages au cœur de son intrigue. Si on s’attache essentiellement à Shaw et Holloway, le reste de l’équipage n’aura que la seule fonction de membres et de remplissage. On peut y ajouter David, le robot du voyage, personnage trouble et ambivalent, qui jouera un grand rôle dans ce périple, mais le reste est à l’avenant. 
Exemple fait avec Peter Weyland interprété par Guy Pearce qui apparaît au bout de 1h30 de métrage pour seulement un aller dans le vaisseau des ingénieurs. L’acteur et le personnage même ne servent clairement à rien, au même titre que sa fille incarnée par Charlize Theron.

Si nombre de questions restent en suspens (pour quelles motivations les ingénieurs souhaitent éradiquer la Terre? Quel est le rôle véritable des armes biologiques ?), Prometheus est suffisamment dense et concret pour relancer une nouvelle franchise prometteuse. Ridley Scott prouve qu’il a toujours le savoir et la capacité de s’entourer pour divertir et orchestrer une œuvre spectaculaire, esthétiquement fascinante et impressionnante. S’il n’est pas le chef-d’oeuvre annoncé, Prometheus est un voyage ambitieux au cœur d’une saga mythique, un parallèle au relent parfois incertain, mais magnétique pour nous contraindre à chaque vision à l’infini inaccessible, à notre soif d’en déchiffrer le sens et de replonger à corps perdu dans une saga exceptionnelle.

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