Les Fantasmes : Entretien avec David et Stéphane Foenkinos

Présenté Hors-Compétition à la 7e édition du Festival du Cinéma et de la Musique de La Baule, Les Fantasmes, réalisé par les Frères Foenkinos, clôturait l’événement en fanfare.
Le film suit six couples face à leurs fantasmes qui tentent d’explorer les faces cachées de leur vie intime. Six questionnements sur l’accès au plaisir. Du jeu de rôle à l’abstinence, en passant par l’exhibition, six histoires séparées avec au centre le même questionnement sur le désir aujourd’hui. Le sien, mais aussi celui de l’autre…David et Stéphane Foenkinos étaient présents pour accompagner leur troisième collaboration fraternelle, l’occasion idéale pour Close-Up Mag de les rencontrer et s’entretenir sur leur cinéma, leur façon de travailler ensemble et ce qui les a attirés sur ce projet.

Les Fantasmes est une adaptation libre d’un film australien, The Little Death. Qu’est-ce qui vous a attiré sur ce projet, cette envie de l’adapter en France ?

David Foenkinos : On n’a pas adapté The Little Death, mais on s’est très librement inspiré de ce film australien comme souligné au générique. Ce sont les frères Altmayer de chez Mandarin Films qui nous ont apporté le projet et on a adoré le concept. Concept de plusieurs histoires qui s’entremêlent et qui débloquent des fantasmes sexuels, puis l’apparition du fantasme sur l’histoire. Ensuite on a fait quelque chose de différent en reprenant 10-15% du film original tout en écrivant des histoires originales pour les travailler sous forme de saynètes. Ce qu’on a adoré du film de base, c’est l’idée autour des fantasmes sexuels. 

Comment se sont justement construites les histoires et plus particulièrement comment avez-vous travaillé la jonction entre les différentes histoires ?

Stéphane Foenkinos : Tout d’abord il fallait trouver les thèmes et les fantasmes. Il y a eu une recherche effectuée de notre fait, à savoir ce qui peut nous inspirer le plus, quel est le détonateur de narration. Ce qui nous intéressait est d’aller explorer plusieurs axes à savoir des couples qui partagent le même fantasme, d’autres qui ne le révélaient pas à son partenaire, d’autres qui le découvraient en le vivant, Céline Sallette par exemple. Cela nous excitait d’aller vers des générations différentes, des classes sociales différentes. On ne s’est pas limité à la quantité, mais surtout aux histoires qui nous plaisaient le plus. Ensuite on a eu des saynètes qui nous venaient en tête et le tout s’est construit. Après pour l’ordre, ça s’est opéré au fur et à mesure des écritures. Mais c’est vrai qu’on avait dès l’écriture imaginé les transitions assez douces.

Le film ne s’arrête pas spécialement sur les fantasmes, mais se focalise sur la renaissance de couples pour la plupart à l’arrêt et comment ils vont pouvoir évoluer ensemble ?

David Foenkinos : Quand on vit un fantasme, faut essayer de le matérialiser, d’être en phase avec ce fantasme, c’est aussi, vous avez raison, de créer une nouvelle dynamique dans le couple. 

Le plus évocateur est celui mettant en scène Karin Viard et Jean-Paul Rouve où c’est vraiment une renaissance. Il y a un nouveau dynamisme avec celui sur la Thanatophilie mettant en couple Carole Bouquet et Monica Bellucci où on les sent en fin de fantasme, et par le sardonisme que vous apportez, elles passent un cap et ça vire au macabre.

Stéphane Foenkinos : C’est de l’humour très noir je l’avoue (rire). Ça passe ou ça casse, d’où le fait qu’il soit au milieu. 

David Foenkinos : Les gens sont partagés sur celui-ci parce qu’il est extrême. On a été porté par deux actrices qui se sont éclatées à le faire et à nous accompagner.

Stéphane Foenkinos : Elles ont tout donné et nous ont aidés à le faire. Sans leurs audaces, on ne l’aurait pas fait.

Comment avez-vous travaillé avec elles justement sur ce segment ?

David Foenkinos : Les acteurs sont libres sur ce genre de proposition parce que le tournage dure que 3 à 4 jours, ils ne portent pas le film sur eux. Donc ils ont une énergie plutôt légère, plutôt ludique. Carole et Monica ont été ravies à la lecture du scénario et plutôt excitées à l’approche des rôles. C’était marrant de les voir toutes les deux le premier jour de tournage dans le lit tout en décontraction et s’amuser.

Stéphane Foenkinos : La plupart de nos couples n’avaient jamais travaillé ensemble. On a donc organisé des lectures qui se sont bien passées, car il y avait cette énergie de vouloir travailler ensemble. Cela nous a étonnamment aidés dans le processus de travail. Puis le tournage s’est déroulé après six mois d’interruption, l’équipe l’a vécue comme une renaissance. Tout le monde a voulu se surprendre. Puis Carole et Monica se sont posé la question de savoir si, à notre époque, on avait le droit de faire ce sketch-là.

David Foenkinos : C’était aussi une question de contexte, en plein covid, tout le monde était masqué, on ne produisait pas un film dans le bon timing avec des comédiens qui s’embrassent dans le lit. Les acteurs avaient un plaisir décuplé de jouer, d’être dans la vie, de se toucher. On a bénéficié paradoxalement de cela. 

Il y a une image qui m’est revenue à la toute fin du générique, car je suis resté jusqu’au bout à penser au film, celle de Denis Podalydès en ouverture avec le livre de Michelle Obama « Devenir » dans les mains. Vous résumez votre film dès son ouverture. 

Stéphane Foenkinos : C’est génial ! (rire) alors ça, bravo  !

David Foenkinos : C’est sympa comme analyse, car vous êtes les premiers spectateurs. Votre retour me touche. C’est un détail, mais on a cherché par l’ouverture du film, son découpage, comment cela est amené et ce qu’il lit à ce moment précis, on y a passé des jours à y réfléchir symboliquement. On imagine Denis Podalydès, 50 ans, comptable étriqué coincé dans sa banlieue qui lit Devenir de Michelle Obama, ça nous faisait rire. On n’a pas pensé le symbole pour l’entièreté du film, mais pour le personnage, oui totalement. On sent que c’est un personnage qui souhaite rêver plus grand de ce qu’il est, mais le symbole peut s’appliquer véritablement aux autres personnages. 

Comment s’opère votre travail entre vous deux sur un plateau ? Les Fantasmes est votre troisième long-métrage ensemble.

David Foenkinos : Je vais dans les festivals le samedi et mon frère y va le dimanche, voilà en gros comment on travaille. On profite du SPA, de la piscine et on vient à 17h juste pour vous rencontrer (rire).

Stéphane Foenkinos : (rire) Plus sérieusement, on est vraiment complémentaires sans parfois le définir complètement. Au bout de trois films, la routine se fait de façon agréable, ça facilite les choses d’être à deux.

David Foenkinos : Sur ce film-là, on a tout fait à deux. Le scénario a été écrit à deux… Sur le tournage, Stéphane est plus avec les acteurs parce qu’il a une grande expérience avec eux de par son ancien poste de directeur de casting. Moi, je suis plutôt derrière le combo.

Stéphane Foenkinos : La grande peur des comédiens avec des duos à la mise en scène, ce qui nous fait beaucoup rire, est que l’un donne une indication et le second donne une indication contraire. Karin Viard craignait beaucoup cette expérience. Ça nous a fait rire. Mais ça doit être un cauchemar si cela se fait vraiment. 

David Foenkinos : Pourtant on l’a fait avec notre premier film. Audrey Tautou était venue nous voir pour en parler. Les acteurs n’aiment surtout pas de nous voir ensemble sur le combo et échanger pendant qu’eux attendent sans rien savoir. Notamment Carole Bouquet qui houspillait « Venez nous dire ! ». J’ai donc été lui expliquer notre méthode d’échanges avec Stéphane puis lui va voir les comédiens pour développer. 

Stéphane Foenkinos : Je suis le porte-parole (rire). Mais c’est agréable. Parfois les réalisateurs demandent une autre prise sans donner d’explications, c’est alors un confort de venir à deux parfois pour échanger et rassurer avec des précisions. Même s’il y a eu un souci technique, il faut leur expliquer. 

Comment avez-vous porté votre choix sur le casting et attribué les différents rôles ? 

David Foenkinos : C’était plus facile avec Karin, car on avait fait notre précédent film avec elle. Puis j’ai beaucoup travaillé avec Jean-Paul (le comédien a adapté au cinéma Les Souvenirs, roman écrit par David Foenkinos). On avait envie de les voir ensemble. La base du film était de faire un film avec Karin et Jean-Paul. Ensuite, c’est des mois et des mois de casting (soupir). Il fallait que tout le monde soit libre pour établir des duos inédits. Mais la plupart sont des comédiens avec qui on avait une grande envie de travailler. Après tout le monde n’était pas libre, notamment Denis pour qui on a arrêté le tournage pendant quelques semaines pour l’avoir absolument. 

Stéphane Foenkinos : Il nous fallait aussi une cohérence à trouver dans nos choix pour les rôles, pour les histoires et pour les couples. Quand on s’est retrouvé face au problème de planning de Denis Podalydès, on se questionne sur son possible remplacement par quelqu’un d’autre. Pas que l’on tenait absolument à ce qu’il ait le rôle, mais sa présence était cohérente avec le tout. Puis il y a Ramzy à qui on souhaitait permettre de montrer autre chose. Céline Sallette qui n’est pas spécialement une actrice de comédie ou Joséphine de Meaux que l’on retrouve avec beaucoup de plaisir après La Délicatesse. Carole Bouquet, on avait un projet qui ne s’est pas produit, c’était donc une manière de la retrouver. 

David Foenkinos : L’histoire n’était pas facile pour beaucoup d’acteurs. On s’est retrouvés en plus dans un contexte compliqué avec le premier confinement où tous les tournages étaient arrêtés. Et ils se sont tous reportés en même temps. On avait des acteurs pris ailleurs, ça était compliqué à un moment pour tout coordonner, mais globalement ce fut une super expérience d’échanges. Les Fantasmes est un véritable film d’acteurs, voilà ce que l’on peut dire. On aime les acteurs, le film a été fait pour qu’ils s’amusent, c’était le plus important. D’ailleurs ça nous touche quand les spectateurs soulignent la qualité du casting à l’affiche.

Stéphane Foenkinos : Parce qu’on a eu leur confiance et qu’ils aiment le film, là est notre plus beau cadeau. 

Merci beaucoup messieurs !

Entretien réalisé à l’Hôtel Hermitage de La Baule 
à l’occasion de la 7e édition du Festival du Cinéma et Musique de La Baule. 
On remercie chaleureusement l’Agence Déjà pour la possibilité de cette rencontre.

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