Dellamorte Dellamore : Le spleen du fossoyeur

Puisque l’été a décidé de ressembler à l’automne, nous pouvons librement explorer le catalogue Shadowz et passer des soirées entières devant la plate-forme sans pour autant nous sentir coupables de ne pas profiter du beau temps. C’est d’autant plus sympathique que Shadowz a récemment ajouté quelques nouveautés très savoureuses à son catalogue et en tête de celles-ci, notre séance d’aujourd’hui : l’excellent et tout à fait unique en son genre Dellamorte Dellamore (dont on attend encore une sortie vidéo digne de ce nom en France).

Réalisé par Michele Soavi d’après un roman de Tiziano Sclavi, Dellamorte Dellamore est une œuvre profondément singulière, plongée dans une atmosphère macabre et romantique. Gardien de cimetière dans la petite ville de Buffalora, Francesco Dellamorte a un travail fatiguant. Pour on ne sait quelle raison, les morts du cimetière reviennent à la vie sept jours après leur décès et c’est à Francesco et à son assistant Gnaghi (qui ne peut prononcer que le mot ‘’gna’’) d’abattre ces revenants et de les replacer en terre. Comme si cela ne suffisait pas, le quotidien de Francesco va être troublé par l’apparition d’une jeune veuve très séduisante qui va mettre à mal l’équilibre psychologique déjà précaire du fossoyeur dont l’attirance pour les femmes et le dédain de plus en plus marqué pour les être vivants va le faire courir vers la catastrophe…

Difficile d’en dire plus sans révéler tout ce qui fait le sel de ce film de dingue où l’on croise des veuves plantureuses, des têtes décapitées amoureuses, des motards morts-vivants et même la Mort elle-même. Le goût du macabre de Soavi, déjà évident dans ses précédentes réalisations (dont Sanctuaire et La Secte sont disponibles chez Le Chat qui fume), atteint ici des sommets, le tout baigné dans un certain romantisme puisque le personnage de Francesco fantasme sur les femmes qu’il croise tout en devisant sur la vie et la mort, s’interrogeant sur leur intérêt et leur finalité. Bien que parfois foutraque, enchaînant les mini-récits au sein du même univers avec une générosité presque épuisante, Dellamorte Dellamore n’en est pas moins un grand film dont chaque plan attire le regard tant le travail de mise en scène effectué par Soavi est un régal pour quiconque aime le macabre et le gothique.

L’idée principale du film, enfermant Francesco dans un lieu où ses actes sont voués à se répéter est particulièrement bien trouvée. Le personnage n’évolue finalement que dans un microcosme sur lequel il perd peu à peu le contrôle alors qu’il ne fait que croiser des femmes dont il ne tire qu’une maigre satisfaction. La Mort venant lui rendre visite ne lui demande-t-elle pas de ‘’cesser de tuer les morts ?’’ En effet, ceux-ci ne sont finalement pas si terribles que ça, simplement animés par une pulsion d’outre-tombe quand les êtres humains que fréquente Francesco sont moins recommandables : des jeunes passant leur temps à se moquer, un homme tuant sa femme et sa fille pour on ne sait quelle raison ou encore un maire violant son employée et pleurant plus sur les difficultés de sa campagne que la mort de sa fille. Mis à rude épreuve, le romantisme de Francesco n’est qu’un idéal impossible à atteindre : sa première amante meurt dans ses bras et il doit lui tirer dessus quand elle se transforme en morte-vivante, la seconde tombe sous le charme de son patron qui l’a violée, la troisième se fait payer pour simuler l’amour. Dans ce monde où tout le monde est voué à se retrouver au cimetière, meurtriers, salauds, jeunes enfants innocents ou vieilles bigotes, quel est donc l’intérêt de vivre ?

À coups de pelle et à grand renforts de cigarettes, Francesco Dellamorte s’interroge donc sur la vie dans ce film tout à fait singulier, conjuguant le macabre avec un sens de l’humour noir et une tonalité unique. Dans le rôle de Francesco, Rupert Everett (qui n’a certainement pas été choisi au hasard, lui qui a servi de modèle pour le personnage de Dylan Dog créé par Tiziano Sclavi) est tout à fait à son aise, amenant l’énergie et le charisme nécessaire à ce protagoniste torturé. La vision de ce film nous fait à chaque fois regretter qu’Everett, acteur au talent et à la présence particulière n’ait pas eu la carrière qu’il méritait. Face à lui, le français et musicien-chanteur François Hadji-Lazaro compose un irrésistible Gnaghi tandis que la sublime et voluptueuse Anna Falchi impose par sa présence une sensualité magnétique, se mélangeant parfaitement à l’atmosphère onirique et gothique du film. Vous l’aurez donc compris, pour une séance Shadowz réussie et pour voir à jamais les cimetières d’un autre œil, Dellamorte Dellamore est le film idéal à découvrir !

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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