Les Fantasmes : I Love You So

Foenkinos, auteur de romans à succès traduit dans près de quarante pays. Mais aussi un directeur de casting éminent dans le milieu du cinéma entre Petits Frères de Jacques Doillon et Casino Royal, première aventure de Daniel Craig en James Bond. Le premier est David, le second est Stéphane, une histoire de frères talentueux qui depuis quelques années se sont retrouvés pour mettre en scène du cinéma. Quelques courts-métrages puis l’adaptation de La Délicatesse, roman éponyme de David qu’ils portent au cinéma avec Audrey Tautou et François Damiens dans les rôles principaux. Il faut ensuite attendre six ans pour les revoir retenter l’expérience avec un scénario original, Jalouse mettant en vedette la géniale Karin Viard pour un beau succès public et critique. En 2021, les deux frères récidivent et signent Les Fantasmes, projet anthologique scrutant par le trou de la serrure les travers de quelques couples français.

Les Fantasmes est une commande par les Frères Altmayer – producteurs des OSS 117 entres autres – d’adapter librement un film anthologique australien The Little Death. Et justement il est question de petite mort dans ce film instaurant de nouveaux sketchs pour narrer la fin et/ou la renaissance de certains couples au point mort. Le film débute ainsi avec Louise et Vincent, incarnés respectivement par Suzanne Clément et Denis Podalydès. Outre la missionnaire du jeudi, la petite flamme s’est éteinte. Le couple vit une routine rébarbative et décide de pimenter en jouant des rôles. Le fantasme se nomme la Ludophilie, mais tout ne va pas se passer comme prévu, Vincent prenant réellement goût au jeu. Sketch introductif annonçant dès son premier plan toute la définition du film. Vincent lit dans ledit plan Devenir de Michelle Obama avant de se coucher. Devenir est le maître mot d’un long-métrage qui ne se perd jamais au fil des histoires suivant un rythme effréné. Divertissant en tout point, Les Fantasmes est principalement hilarant par les choix opérés par les scénaristes/réalisateurs dans lesdites variations du thème et surtout leurs tournures. Car le film est perpétuellement imprévisible dans l’utilisation de ses fantasmes et ses mises en place. L’Hypophilie est un bon exemple mettant en scène un jeune couple cherchant le plaisir par l’abstinence. Interprétée par Joséphine Japy et William Lebghil, l’histoire met en exergue le libertinage d’une jeunesse moderne émancipée. Face à ce constat, ce jeune couple s’aime et se préserve tout en soulevant l’incompréhension de leur entourage. 

Deux autres histoires trouvent un bel écho et ressort de cette sélection réussie. Les Fantasmes est une gageure ne faiblissant jamais. En cela, l’histoire autour de la Thanatophilie est d’une noirceur incommensurable. Deux femmes sont excitées par la mort. Mais elles trouvent la force de leurs excitations quand ce sont des proches. Alors elles s’engagent dans une association d’accompagnement et aide aux personnes en fin de vie. Mais ça ne suffit toujours pas. Terriblement sexy par les présences de Carole Bouquet en couple avec Monica Bellucci (quelle idée merveilleuse), l’histoire et son final glace le sang par tant de perversité et de cynisme dans leur quête du plaisir ultime. Idem pour celui de la Dacryphilie, plus simple, mais tout aussi vicieux dans la quête des larmes par le personnage de Céline Sallette.

L’exercice du film anthologique est souvent périlleux. Les Frères Foenkinos, pour leur troisième long-métrage, réussissent haut les mains le pari de tenir leur sujet et le fil qui les relie un tant soit peu avec la grâce d’un montage savoureux. Surtout, les deux hommes retrouvent l’essence même d’un style de cinéma suranné et populaire partagé avec les Italiens. Les Français étaient friands des films anthologiques au détour des années 1950, approche appréciée par certains réalisateurs de déblatérer de façon comique sur les mœurs d’une société en évolution. On pense à la proposition signée par Gilles Grangier et George Lautner, Les Bons Vivants avec Bernard Blier, Mireille Darc et Louis de Funès ; Les Casse-Pieds de Jean Dréville ou Le Diable et les Dix Commandements de Julien Duvivier.
Les Fantasmes est de cet acabit, comédie réussie autour des petits fantasmes d’une société corsetée. Le « Devenir » de ses couples en fin de parcours qui ont besoin de rallumer la flamme ou prendre un autre chemin. Rabibochage, séparation, renaissance ou trahison, le dernier sketch est un bel exemple pour lequel les Foenkinos retrouvent Karin Viard en instit dont le mari aime filmer les ébats. La question soulevée est d’actualité et sa finalité d’une réflexion mature et moderne. Assumer ses plaisirs pour mieux s’épanouir tout en capitalisant sur une industrie à part entière. L’instit peut se regarder dans la glace chaque matin et même mettre dans la confidence une journaliste invitée – belle à se damner – reconnue de BFM prétendument froide à l’écran, mais si coquine dans le coin de l’oreille. Le tout se conclut sur une musique de générique appropriée pour nous conter les bienfaits de l’amour et l’assouvissement de tout ce qui amène à y prendre plaisir.

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