Hors d’atteinte : Summum du cool

Cinéaste éclectique, il n’est pas étonnant de retrouver Steven Soderbergh dans le catalogue d’un éditeur tout autant éclectique. C’est en effet Rimini Editions qui a sorti Hors d’atteinte dans une édition blu-ray bien complète depuis le 12 mai dernier. L’occasion de revenir sur ce film charnière dans la carrière de son réalisateur qui marqua les débuts de sa fructueuse collaboration avec George Clooney.

Nous sommes en 1998 et Steven Soderbergh vient de traverser une décennie compliquée. Après le sacre cannois de Sexe, mensonges et vidéo en 1989 qui lui permet d’être le plus jeune réalisateur à obtenir la Palme d’Or, le cinéaste est aussitôt célébré comme un nouveau prodige du cinéma indépendant. Gérant difficilement la suite, Soderbergh multiplie les projets atypiques (Kafka, King of the Hill, A fleur de peau, Schizopolis) qui ne rencontrent pas le public. Il voit alors dans cette adaptation d’un roman d’Elmore Leonard (alors à la mode à l’époque, Get Shorty et Jackie Brown étant sortis récemment) l’occasion de tenter quelque chose de nouveau, de s’insérer dans le carcan hollywoodien et de jouer dans la cour des grands. Le cinéaste aura bien fait puisque Hors d’atteinte reste à ce jour un sommet de film cool, louvoyant avec aisance entre les genres (comédie romantique et film de casse) et transpirant la classe de bout en bout sans avoir l’air de faire trop d’efforts pour y parvenir. Cela est dû aussi bien au scénario malin de Scott Frank qui utilise habilement les flash-backs qu’au sens de la mise en scène de Soderbergh et qu’à ses choix de casting.

Pensez un peu : George Clooney et Jennifer Lopez en couple vedette, entourés par Ving Rhames, Don Cheadle, Albert Brooks, Dennis Farina, Steve Zahn, Catherine Keener, Luis Guzman et même Michael Keaton, reprenant le temps d’une scène son personnage de Jackie Brown. Clooney incarne ici Jack Foley, braqueur de banques séduisant et inventif, évitant d’user de la violence ce qui ne lui a pas forcément évité la prison. Mais cette fois, avec son complice Buddy, il est sur un gros coup et il s’évade. Malheureusement dans son évasion, il croise le chemin de Karen Sisco, marshal de profession. Après une rencontre houleuse dans un coffre de voiture le temps d’échapper à la police et ça y est, Foley est sous le charme. Qu’importe si Karen parvient à s’échapper, décidée à le traquer. Foley n’oublie certes pas son casse à venir mais il ne dirait pas non à l’opportunité de revoir la belle marshal…

Rares sont les films dégageant une telle aura de coolitude, de sensualité et de décontraction sans donner l’impression de se forcer. Hors d’atteinte est de ceux-là, une perle rare dont il serait bien vain de chercher le moindre défaut. Il y a dans le cinéma une histoire d’alchimie et ici tous les ingrédients sont visiblement réunis, le film cochant toutes les cases pour être un divertissement classe et fun. Impossible de ne pas vibrer devant la complicité à l’écran entre Clooney (forcément irrésistible en criminel plein de charme) et Jennifer Lopez (qui montre ici tous ses talents d’actrices, jamais vraiment exploités par la suite) qui, en l’espace de quelques scènes (celle du coffre mais également celle, centrale, de séduction dans un bar et qui constitue le morceau de bravoure du film, d’une sensualité à toute épreuve) font monter la température d’un cran.

Drôle (ce geste de la main de Foley à Karen dans un ascenseur alors qu’il a les flics aux trousses), sachant ne pas trop se prendre au sérieux, Hors d’atteinte vaut aussi bien pour sa romance pudique que pour ses seconds rôles donnant corps à un récit parsemé de rebondissements et de trouvailles. Entre Ving Rhames qui ne peut s’empêcher de se confesser à sa sœur quitte à ce qu’elle le dénonce, Albert Brooks et sa moumoute ou encore Don Cheadle qui joue aux gros durs mal entouré, Scott Frank sait croquer des personnages typiques à l’univers de Leonard. Et Steven Soderbergh confirme son talent protéiforme en réalisant là un film sur lequel il a eu toutes les libertés d’expérimenter (les faux raccords sont nombreux et volontaires, pour stimuler le récit) tout en offrant un divertissement capable de plaire au plus grand nombre. Hors d’atteinte ne fera certes pas d’étincelles au box-office mais sa réputation permettra à Soderbergh d’aborder la deuxième phase de sa carrière (la plus riche en chefs-d’œuvre avec Erin Brockovich et Traffic) et à George Clooney d’être enfin lancé au rang des stars qui comptent à Hollywood. Ce qui vaut bien qu’on s’attarde sur ce film, bien plus important qu’il n’en a l’air…

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