Une affaire de détails : « It’s the little things that rip you apart »

Initialement prévu pour une sortie en salles en début d’année, Une affaire de détails fait partie, avec Wonder Woman 1984 et Sacrées sorcières des films sacrifiés en France et qui, faute de la réouverture des salles, arrivent jusqu’à nous sans passer par le grand écran. C’est ainsi que Une affaire de détails est disponible à l’achat digital et en vidéo depuis le 5 mai dernier. Dans l’état actuel où sont les choses, salles ou non, on ne cache pas notre plaisir de se jeter sur une nouveauté à découvrir même si elle n’a pas forcément été auréolée de très bonnes critiques lors de sa sortie américaine.

Projet de longue date du réalisateur John Lee Hancock, cinéaste éclectique sans trop de personnalité, capable du meilleur (The Highwaymen) comme du pire (Le Fondateur), Une affaire de détails est de prime abord un polar tout ce qu’il y a de plus classique. Dans les années 90 (décennie à laquelle Hancock a écrit le scénario), un serial-killer sévit à Los Angeles. Deke, policier ayant subi un burn-out et ayant été muté dans un comté plus éloigné, s’intéresse à l’affaire. Sa réputation de flic intelligent interpelle Baxter, le policier chargé de l’enquête qui accepte son aide. Très vite, Deke déniche le suspect idéal : Albert Sparma, un type étrange et inquiétant nourrissant une fascination morbide pour les meurtres. Deke et Baxter sont convaincus que Sparma est leur homme et vont tâcher de le coincer avant que le FBI n’arrive sur l’affaire…

Jusque-là, pas grand-chose d’original à signaler, Une affaire de détails ayant l’allure d’un polar comme les années 90 ont justement pu en produire à la pelle. Mais ici, Hancock s’intéresse moins à l’enquête qu’aux enquêteurs qui, obsédés par l’idée de se trouver un coupable, vont se perdre dans leurs convictions et leurs actes. Nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher le film mais on comprend aisément que la démarche du cinéaste ait été boudée par le public puisque Une affaire de détails soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Une chose admise quand on regarde un David Lynch mais qui l’est un peu moins devant un polar dont on s’attend à avoir une finalité concrète et définitive.

Pas de ça ici, Une affaire de détails subvertissant gentiment cette règle pour cependant embrasser ce qui fait l’une des forces d’un polar réussi : la psychologie des personnages et en particulier des enquêteurs qui sont confrontés à l’horreur des crimes et à ce qu’ils suscitent en eux. Hanté par son passé et décidé à apporter une résolution à cette affaire (peut-être plus pour apaiser sa conscience que pour amour de la justice), Deke est un personnage tourmenté voulant bien faire mais certainement trop impliqué pour y voir clair. Denzel Washington lui prête sa force tranquille et son charisme de façon convaincante, certainement bien plus que Rami Malek, aussi raide qu’un manche à balai dans un rôle beaucoup moins bien écrit et que Jared Leto qui cabotine moins qu’on ne s’y attendait mais qui ne fait pas non plus dans la subtilité dans un rôle flippant et inquiétant.

De fait, si l’idée principale du film et la force de conviction de son dénouement ne cèdent pas aux sirènes du spectaculaire et de la conclusion à la sauce hollywoodienne, Une affaire de détails manque tout de même de corps au sein de son récit. Hancock aurait gagné à mieux travailler ses personnages secondaires et certains rouages de son scénario pour y apposer un peu plus de noirceur et amener sa conclusion de façon plus délicate. On appréciera cependant le parti pris offert par le film, déroutant quand le générique défile mais tombant parfaitement sous le sens quand on y réfléchit à deux fois. Si Hancock ne rentrera certainement pas dans l’histoire du polar torturé (sa réalisation reste cependant habile, nimbée dans les notes de musique de Thomas Newman), il serait tout de même dommage de bouder cette proposition plus intelligente et moins classique qu’il n’y paraît, offrant une véritable réflexion sur l’obsession rongeant l’humain et ce besoin absolu d’avoir du concret pour apaiser nos démons. Le film lui-même n’offrant pas de certitudes à son spectateur, son pari est largement réussi et justifie à lui seul sa découverte !

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