La Loi de la Jungle : La fureur du lion

Pourquoi la boxe est-elle un sport aussi cinématographique ? On ne compte plus les multiples projets tournant autour de cet univers. De Rocky à La Rage Au Ventre, en passant par Le Champion, Nous Avons Gagné Ce Soir, Fighter, Million Dollar Baby ou tout simplement Ali, le choix demeure vaste et multiple. Tous ces films ont, pourtant, un moteur émotionnel commun : ce sont des œuvres qui se servent du sport afin d’étoffer leur dramaturgie. La boxe est un sport terriblement cinématographique. Elle implique du mouvement, de la cadence, un découpage technique minutieux. Et métaphoriquement, on ne peut faire plus simple quand il s’agit de faire affronter à son héros de rudes épreuves de la vie. Certains penseront à une formule éculée quand d’autres, comme votre serviteur, se feront piéger à chaque fois. Ainsi, choisir de nous raconter une histoire d’amour fraternelle où les héros tentent de sortir de leur piètre condition, avec, en vedette, Charlie Hunnam et Jack O’Connell, il n’en fallait pas moins pour que nous nous jetions sur la galette. Bienvenue dans La Loi de la Jungle, le second long-métrage co-écrit et réalisé par Max Winkler.

Les frères Walter et Stanley Kaminski sont employés dans une usine de couture dans le Massachusetts. Une fois la nuit tombée, ils participent à des combats de boxe clandestins pour gagner leur vie. Ancien boxeur professionnel surnommé « Lion », Walter est coaché par son frère, Stanley, un ancien détenu. Un soir, après avoir perdu, Walter est contraint de payer une dette contractée par son frère auprès d’un criminel local, Pepper. Ce dernier propose un deal aux deux frères afin d’annuler leur dette. Ensemble, ils doivent participer à un tournoi de boxe ultra violent, le Jungleland, situé dans le quartier de Chinatown à San Francisco tout en escortant une adolescente, Sky, à Reno, dans le Nevada.

Max Winkler a forgé ses armes à la télévision. Réalisateur de plusieurs épisodes de séries comme The New Normal, New Girl, Brooklyn Nine-Nine ou encore Casual, il est passé au long-métrage en 2017 avec Flower, un petit film indépendant sur la revanche d’un adolescent victime d’abus sexuels. Sorti uniquement sur le territoire américain, le film a divisé les critiques. Winkler digère la pilule et s’entoure de Theodore B. Bressman et David Branson Smith afin d’écrire son nouveau film, La Loi de la Jungle. Une fois n’est pas coutume, la boxe sera le point de départ d’un drame qui va s’évertuer à délier les nœuds d’une relation entre frères où l’amour qu’ils se portent est étouffé par de nombreux non-dits. Le duo Hunnam / O’Connell est une bénédiction. Les deux acteurs n’ont plus à prouver leur capacité à savoir endosser des rôles durs où l’attitude loubarde côtoie souvent une mélancolie profonde. Les deux acteurs sont impeccables. On croirait que ce sont véritablement deux frères. Hunnam est exubérant et protecteur. Il endosse le rôle du coach à merveille. Il bichonne son petit frère avec amour. Seulement, le poids de son amour et de ses sacrifices l’aveuglent au point de ne pas remarquer la souffrance de son cadet. O’Connell étonne dans un rôle mesuré. Bien qu’il l’avait déjà fait auparavant chez Angelina Jolie pour Invincible, on garde quand même en tête son éternel rôle d’ado énervé et violent qui lui colle à peau. La faute à une industrie cinématographique qui ne lui donne pas suffisamment sa chance à notre goût. Il est capable de beaucoup plus de modération et de sagesse et le prouve ici chez Winkler. Quel beau rôle. Le duo est parfait. On ne perd pas une miette de leur road trip atypique et tortueux. Les dialogues frappent juste et toujours au bon moment. La Loi de la Jungle doit beaucoup à ses deux acteurs qui portent le film à bout de bras.

L’autre force qui se dessine au fur et à mesure du film, c’est la minutie avec laquelle le scénario fait monter, sans qu’on s’y attende, l’émotion. Le point culminant final arrachera la larme facilement et sans forcément tomber dans un pathos mièvre. Bien que le procédé n’ait rien de bien nouveau en soit, Max Winkler distribue les cartes habilement et réitère une recette qui a fait ses preuves avec simplicité et élégance. On sent qu’il a bien digéré ses classiques, l’ombre d’un Rocky ou d’un Fighter n’est jamais bien loin. On retiendra également une certaine habileté dans la mise en scène. Rien de bien flamboyant, mais quelques idées subsistent et nous rappellent à quel point le cinéma peut émerveiller et toucher avec un simple champ/contre-champ quand tous les éléments sont maîtrisés à la perfection. La Loi de la Jungle est une déclaration d’amour fraternelle, une ode au lâché prise et l’abnégation, mais aussi une analyse sur comment un amour protecteur peut gangrener les liens qui unissent deux personnes. À ce titre, Winkler emploie le personnage féminin comme un vrai faire-valoir. Il utilise Sky comme le chaînon manquant dans les rouages de la relation entre Walter et Stanley. La jeune femme va s’immiscer entre les deux et apporter ce qui leur manquait : la clé de leur évolution. Bien sûr, comme nous sommes dans un drame où les malfrats ne sont jamais bien loin, ce sera à un prix particulièrement violent. D’ailleurs, lorsque le film décide d’être hargneux, il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Seulement, Winkler s’évertuera à toujours rester en retrait des conflits en plaçant le spectateur dans une position de voyeurs plutôt que d’acteur à part entière. L’impact recherché fait de suite effet, les conséquences sont immédiates et on ressent autant la douleur que les tourments qui vont hanter les personnages. Et n’oublions pas de mentionner le grand final avec la musique grandiloquente inévitable qui fait terriblement mouche et qui vient nous assommer une bonne fois pour toute avant le dernier son de cloche.

La Loi de la Jungle est un film aux codes simples et classiques, mais diablement maîtrisés par son réalisateur Max Winkler. Le duo de tête prend aux tripes, on ne s’ennuie jamais. Encore une belle prouesse dramatique qui se sert de la boxe comme vecteur émotionnel puissant. La Loi de la Jungle se place d’emblée comme l’un des meilleurs films de l’année, à n’en point douter. Un vrai coup de cœur qui nous a conquit de bout en bout.

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