Les Fleurs de Shanghai : Bouquet raffiné

Décidément prolifique sur nos écrans de cinémas depuis la réouverture des salles, Carlotta Films entreprend de nous faire redécouvrir sur grand écran des films qui ont fait le cinéma et qui le font encore par leur grande influence. Après Elephant Man et Crash, c’est donc au somptueux Les Fleurs de Shanghai d’avoir les honneurs d’une ressortie en copie restaurée, dans un master 4K rendant merveilleusement justice au film.

En adaptant un roman extrêmement documenté de Han Ziyun (cependant épuré de ses trop nombreux personnages), Hou Hsiao-hsien nous plonge donc dans les maisons closes de la Chine du XIXème siècle, celles-ci étant implantées dans la concession britannique de Shanghai car interdites sur le territoire chinois. Dans ces maisons raffinées aux codes stricts se jouent des drames intimes reflétant bien toute la complexité de l’âme humaine. Le film s’intéresse notamment à Wang (l’incontournable Tony Leung Chiu-wai), haut fonctionnaire tiraillé entre la superbe mais dépensière Rubis et la plus discrète mais tout aussi belle Jasmin…

En choisissant d’installer sa caméra au sein même des maisons closes sans jamais en sortir (le film reste confiné dans de superbes intérieurs baignés dans les vapeurs d’alcool et d’opium), Hou Hsiao-Hsien fait très fort, invitant le spectateur à se laisser aller au ballet que sont les séductions, les tractations d’argent et les envies d’indépendance de certaines courtisanes. Comme à son habitude, le cinéaste découpe peu : chaque séquence est filmée en un seul plan continu, permettant de s’installer dans la durée sans être ostentatoire, nous forçant à être attentif au moindre geste, à la moindre ligne de dialogue qui pourrait en révéler un peu plus sur les personnages.

Tout en étant d’une véracité historique assez remarquable, Les Fleurs de Shanghai, par sa réalisation et la beauté de ses décors, s’inscrit néanmoins dans une certaine forme d’intemporalité. Certes, nous sommes bien dans la Chine du XIXème siècle. Mais les rapports qu’il filme entre les hommes et les femmes sont d’une véracité étonnante et totalement universels. Entre le désir, les non-dits, les concessions et les histoires d’amour, c’est le drame intime de la vie qui se joue là, dans ces maisons closes, finalement les lieux les plus à même de révéler une personne.

S’il faut savoir se plier au rythme langoureux du film pour l’apprécier totalement, force est de reconnaître que Hou Hsiao-Hsien sait merveilleusement utiliser le cadre à sa disposition pour continuer d’explorer les relations humaines et de nous tendre un miroir dans lequel on peut se reconnaître. Sans esbroufe, avec un sens du cadre aussi raffiné que ses personnages, le cinéaste signe peut-être là l’un de ses plus beaux films, dans lequel l’on prend autant de plaisir à suivre les personnages qu’à se perdre dans la splendeur des décors.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*