El Camino : Conclusion amère

Si après la fin de Breaking Bad en 2013, on avait plutôt bien accueilli (et à raison) l’idée de Vince Gilligan de faire un préquel à la série centré sur le génial Saul Goodman (ce qui a donné lieu à un petit bijou de la télévision, supérieur à son aînée, la formidable Better Call Saul), cela fait un moment que l’on est plus circonspects face à l’annonce d’un film centré sur Jesse Pinkman et qui se déroulerait tout de suite après les événement de la série. En effet, la conclusion de Breaking Bad semblait parfaite en l’état et l’idée de retrouver Jesse (pas le plus emballant des personnages, les épisodes centrés sur lui figurant parmi les moins passionnants de la série) ne faisait pas énormément envie. C’est sans compter sur la volonté de Vince Gilligan de clore l’arc narratif du personnage, le seul dont il regrettait la conclusion, le final de la série ayant forcément été plus centré sur Walter White que sur son complice.

Vince Gilligan entend donc remettre les pendules à l’heure et offrir à Jesse le final qu’il n’a pas eu avec ce film surprise, dont on a longtemps entendu parler sans en savoir plus avant que sa sortie ne soit annoncée sur Netflix le 11 octobre dernier, prenant tout le monde de court. Comme promis, El Camino (du nom de la voiture que Jesse a pris pour s’échapper) reprend son récit exactement là où il avait laissé Jesse à la fin de la série. Sa fuite à l’issue incertaine nous sera donc montrée dans tous ses détails, reposant comme l’essentiel de la série, sur une succession de scènes à priori mineures mais que le brio de l’écriture et de la mise en scène parviennent à rendre tout à fait passionnantes.

Alternant entre scènes du présent et du passé (permettant ainsi de mettre en lumière le calvaire de Jesse quand il fut enfermé, s’offrant quelques savoureuses scènes dépassant le cadre du fan-service notamment avec le personnage de Todd), El Camino fonctionne sur une base anti-spectaculaire. De fait, la fuite de Jesse aura beau être bourrée de tension, elle s’attarde sur des obstacles et des détails parfois mineurs mais à l’importance capitale. Gilligan, maître à bord de l’écriture et de la réalisation, connaît sa partition sur le bout des doigts et nous régale mais a bien conscience que sa démarche est totalement dispensable. Il déroule alors son récit sur un mode mineur. Mineur certes mais qui n’en demeure pas moins passionnant alors que le film va chercher au plus près de Jesse tous les stigmates qu’il porte en lui depuis son parcours avec Walter pour mieux cerner le personnage et sa profonde solitude.

Alors que les rêves d’avenir radieux à l’idée de se faire du pognon ont été broyés et détruits et que le film se pare d’un ton grave, El Camino se penche vers le passé de son personnage et vers son destin tragique pour mieux jouer avec les codes du film de fuite criminelle. Jesse a beau être libre, il reste cependant enfermé en permanence durant tout le long du film, dans des cadres resserrés ou dans des décors soit trop vastes soit trop étroits. Multipliant les complications dans son parcours, il faudra attendre un règlement de comptes à la façon d’un western et une fuite vers le Nord (avec la présence émouvante de Robert Forster dans son dernier rôle, l’acteur étant ironiquement décédé le jour de la sortie du film sur Netflix) pour que Jesse Pinkman puisse entrevoir une lueur d’espoir et que le personnage trouve une conclusion plus lumineuse promettant non pas des lendemains qui chantent mais des lendemains passés à être vivant. C’est déjà ça et c’est sur cette conclusion dispensable mais néanmoins maîtrisée que se termine ce El Camino, dernier chapitre bonus à Breaking Bad dont il serait cependant dommage de bouder la saveur nostalgique qui s’en dégage.

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