Better Call Saul – Saison 6 Partie 2 : It’s all gone, man

C’est toujours une sensation particulière d’arriver à la fin d’une série que l’on aime du fond du cœur. Il y a, dans la dernière ligne droite des derniers épisodes visionnés, un mélange d’excitation et de hâte (après tout cela fait des années que l’on suit la série pour savoir comment cela va finir puisque tout ce qui commence doit bien avoir une fin) avec une indéniable mélancolie, une tristesse liée à ce qui prend la forme d’un deuil puisque l’idée de quitter à tout jamais ces personnages que l’on a appris à aimer et à côtoyer nous est presque insoutenable. Et certes on pourra bien nous arguer que l’on pourra toujours revoir la série (et nous le ferons sans aucun doute) mais le fait est que la découverte des derniers épisodes d’une série, l’excitation mêlée à l’appréhension, est une sensation unique que nous ne retrouverons plus jamais et qu’il nous faut chérir.

C’est dans cet état d’esprit que nous nous sommes lancés dans le visionnage des six derniers épisodes de Better Call Saul, six épisodes pour conclure cette sixième et dernière saison. Six épisodes pour faire le deuil de ces personnages tant aimés et six épisodes pour découvrir ce que les scénaristes leur ont réservé. Et quand reprend la saison, c’est une foule de questions qui nous assaille. Comment, alors qu’il reste une poignée d’épisodes, le récit va-t-il pouvoir régler tant d’enjeux en suspens notamment autour des personnages de Lalo et Kim, absents de Breaking Bad ? Et alors que le rythme s’affole et que les scénaristes prennent une fois de plus toutes nos appréhensions et questionnements pour les retourner comme des crêpes de la façon la plus brillante qui soit (il n’y a rien de plus réjouissant que de ne pas voir venir un rebondissement tout en le considérant par la suite comme parfaitement logique et comme étant la seule issue possible du point de vue de la logique des personnages et de la série), il est encore une fois temps de réaliser combien Better Call Saul est une série incroyable sur tous les plans.

C’est d’autant plus admirable que Vince Gilligan et Peter Gould confessent bien volontiers qu’ils écrivent sans avoir réellement de plan précis en tête. Récemment, Gilligan a déclaré dans une interview qu’il pensait transformer Jimmy McGill en Saul Goodman dès la fin de la première saison ! Or, quand on voit une telle maîtrise de l’écriture sur toute la durée de la série, on ne peut que clamer au génie face à la façon dont Gilligan et Gould restent maîtres de leurs personnages et ce jusqu’au bout, sans jamais céder aux sirènes du fan-service. Il n’y a qu’à voir l’apparition de Walter White et Jesse Pinkman (annoncée depuis longtemps donc pas vraiment de spoiler en vue, rassurez-vous) dans un flashback de l’épisode 11 de la saison (malicieusement intitulé Breaking Bad là où dans cette même série, c’était l’épisode intitulé Better Call Saul qui introduisait le personnage de Saul Goodman) pour considérer combien les scénaristes ont trop de respect envers leurs personnages et le public de la série pour concéder la moindre facilité d’écriture. C’est une des choses qui force le plus le respect dans Better Call Saul : que la série ait toujours gardé une certaine humilité, se tenant sans cesse à sa ligne directrice où les personnages sont le moteur narratif, sans verser dans un côté spectaculaire que Breaking Bad a plus largement utilisé, parce que là était son sujet et son propos.

Ici l’étude de caractère prime et l’on constera encore une fois combien Better Call Saul a su se démarquer de son aînée pour la dépasser (et devrait sincèrement étudiée par tous les apprentis scénaristes de la planète comme modèle ultime de ce qu’un spin-off doit être) : par sa maîtrise de l’écriture et de ses personnages. Le cynisme de Saul Goodman dans Breaking Bad n’est qu’une façade cachant des meurtrissures et un homme qui, malgré tous ses travers, a gardé une certaine bonté. Soit l’exact chemin inverse de Walter White qui s’avérait être le parfait enfoiré qui sommeillait en lui depuis le début quand Saul doit faire la paix avec Jimmy et accepter de n’être que lui justement, Jimmy McGill, ce petit loser attachant devenu avocat véreux, comme pour se protéger de la violence de ce monde qui l’entoure.

Alors que l’on aurait pu croire que la série allait se reposer sur les acquis de l’univers de Breaking Bad, Better Call Saul en utilise la substance pour mieux prendre quelques chemins de traverse, racontant également une superbe histoire d’amour entre Jimmy et Kim Wexler, ce personnage sorti de nulle part et clairement devenu le meilleur de la série. Il faut saluer à ce titre une fois de plus les compositions de Bob Odenkirk (à la fois touchant, agaçant, terrifiant, surprenant et charismatique en diable dans le rôle de sa vie, embrassant toutes les nuances de son personnage avec un talent dingue) et de Rhea Seehorn qui bénéficie de quelques scènes parmi les plus émouvantes de la série et dont la justesse de jeu ne cesse de surprendre et de nous faire poser cette question : ‘’mais pourquoi ne voit-on pas cette actrice plus souvent ?’’.

À la fois préquel et épilogue de Breaking Bad, Better Call Saul n’a pas uniquement l’ambition de nous montrer comment Jimmy McGill est devenu Saul Goodman mais entend également, dans sa dernière ligne droite, nous offrir une conclusion à Breaking Bad. Effectivement puisque Walter White est mort et que Jesse Pinkman a réussi à s’enfuir (ce que l’on peut voir dans le très chouette El Camino), il ne restait plus qu’à offrir à Saul une conclusion digne de ce nom. C’est avec beaucoup d’appréhension que l’on se demandait ce qui attendait le personnage, officiant désormais dans le Nebraska sous le nom de Gene Takavic et l’on se doutait bien qu’il n’allait pas continuer sa petite vie tranquille impunément.

Nous ne dévoilerons évidemment rien de la teneur du final mais il s’avère brillamment réussi, largement à la hauteur des attentes, surprenant et en même temps profondément cohérent avec tout ce que la série a bâti depuis le début. Convoquant à la fois passé et présent pour mieux ausculter le personnage une dernière fois, cet épisode intitulé Saul Gone se conclut avec brio et sans artifices, sans grands effets de manche, sur une note d’une sobriété exemplaire qui n’est pas sans évoquer le final de Justified. Et quand, le temps d’une séquence, la mise en scène vient évoquer les débuts de la série, c’est une flèche qui nous frappe en plein cœur : la voilà la tristesse irrévocable liée à la fin d’une série, la voilà cette immense satisfaction de se dire qu’il ne pouvait en être autrement, que c’est absolument parfait tel que c’est. C’était déjà un petit miracle de réussir une série spin-off de Breaking Bad et de la faire durer six saisons sans jamais faiblir, c’est un immense miracle que de la mener à son terme pour en faire l’une des meilleures séries qu’il nous ait été donné de voir. Si vous ne l’avez donc pas encore compris, il s’agit pour vous de quitter immédiatement la lecture de cet article pour vous lancer dans Better Call Saul (disponible sur Netflix), on vous le promet, vous ne le regretterez pas !

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  1. Édito – Semaine 24 -

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