Scary Stories : Season of the witch

Parmi le flot de sorties estampillées « genre » des derniers mois, ce sont deux tendances qui semblent s’opposer et faire office de propositions sans alternative : d’un côté, les films destinés aux pré-adolescents tels Annabelle et consorts, produits sans ambition autre que faire de l’argent, vidés de tout sens de la transgression, mais qui cartonnent donc auprès du jeune public peu regardant ; de l’autre, l’eleveted horror, ce courant récent, symbolisé par la boite de production A24, à l’origine de Midsommar, pour n’en citer qu’un encore sur toutes les lèvres. Ces films sont destinés à un public plus adulte et auteur, adepte d’une vision plus radicale héritée des 70’s et son lot d’œuvres provocantes gravées dans l’histoire du cinéma. Pourtant, il semblerait qu’il reste d’autres possibilités à explorer, à commencer par une épouvante plus « familiale », à savoir jouant sur les peurs enfantines dans un esprit à la fois nostalgique et respectueux de traditions ayant fait long feu. Le film qui nous intéresse ici appartient donc à cette catégorie devenue précieuse, de films nous ramenant à nos souvenirs d’enfants, lorsqu’on furetait dans les rayons du vidéoclub le plus proche, focalisant notre attention sur les jaquettes les plus inquiétantes, fantasmant des histoires horribles tout autant que les repoussant, conscients de ne pas avoir l’âge requis, mais irrésistiblement attirés néanmoins par les promesses qu’elles contenaient. Produit par Guillermo del Toro, le film semble donc faire de l’œil à cette catégorie de spectateurs, regrettant le bon vieux temps où l’horreur pouvait faire preuve d’un peu d’innocence, en remettant au goût du jour le genre du film à sketchs horrifiques, très productif dans les 80’s, et depuis tombé en désuétude. Néanmoins, le film s’éloignera quelque peu de ce concept, en mêlant plusieurs histoires à l’intérieur d’une seule. On s’explique !

Situé en 1968, dans une petite ville typique de ce genre d’histoires, avec ses drive in et ses jeunes évoquant les films Amblin (sans les 80’s, donc), ici des adolescents, qui le soir d’Halloween, se retrouvent dans un manoir abandonné objet d’histoires terrifiantes dues au drame s’y étant déroulé plusieurs années plus tôt. Y trouvant un livre mystérieux que la jeune fille du groupe ramènera chez elle, ce dernier sera rapidement à l’origine d’une suite d’évènements inquiétants, lorsque les histoires qui s’y inscrivent d’elles-mêmes prendront vie dans le monde réel, touchant chaque protagoniste de manière personnalisée, si l’on peut dire.

Nous aurons donc droit à plusieurs histoires touchant le même groupe de personnages, au même moment. Pas de mini histoires reliées par un fil conducteur à la manière de « Creepshow », mais tout de même un esprit assez proche de ces pellicules ayant déserté les écrans depuis nombre d’années. Et avec la volonté affichée de toucher un public le plus large possible, Guillermo del Toro lui-même ayant affirmé en promotion vouloir attirer un public familial. Ce qui est tout de même à prendre avec des pincettes, car même s’il est clairement destiné à des spectateurs plus jeunes que de coutume, il ne faut pas pour autant s’attendre à une comédie fantastique familiale pour tous âges. Le film est classé tous publics en France (avec avertissement tout de même), mais nous le déconseillerons néanmoins aux moins de 10 ans, à moins que certains parents aient envie de se lever chaque nuit pour réconforter leur progéniture. Le fan d’horreur sommeillant en nous sera donc ravi de constater que les instigateurs du projet auront pris au sérieux l’aspect épouvante à travers une série de séquences plus ou moins intenses, au doux parfum de ces histoires que l’on se racontait enfants, lors des soirées entre copains, pour se faire peur avant de dormir. Et le tout suffisamment bien pensé pour paraître fluide, et former un ensemble cohérent thématiquement.

Porté par des jeunes comédiens attachants, loin des têtes à claques que l’on pouvait redouter, notamment Zoe Margaret Colletti, à la fragilité touchante, éloignée des clichés accolés aux rôles d’adolescents, le récit avance à son rythme, peut-être un peu étiré (1h50 c’est un peu long tout de même), mais toujours prenant, grâce à sa sincérité ne faisant aucun doute. Dénué du moindre cynisme, porté par une croyance absolue en le pouvoir des histoires sur leur auditoire, on sent clairement la patte de Guillermo, dont on sait à quel point le fantastique le plus pur est important pour lui, et vecteur de messages jamais assénés lourdement. Avec sa toile de fond politique, l’Amérique envoyant, au moment où se déroule le film, ses enfants se faire massacrer au Vietnam, jamais cela ne semble un élément plaqué artificiellement, nourrissant au contraire le script de manière assez adulte, vu le public visé. Jouant sur la culpabilité de certains personnages pour faire naître des créatures purement métaphoriques, cela amène de vrais enjeux dramatiques qui sembleront peut-être un peu trop pétris d’esprit de sérieux pour certains, mais sont au moins la preuve de la sensibilité des concepteurs du film, qui aiment leurs personnages sincèrement. Ce qui devrait être une évidence, mais qui aujourd’hui s’est, la plupart du temps, transformé en discours un brin opportuniste de scénaristes / réalisateurs brandissant leur envie de faire dans la psychologie comme unique argument, manquant du même coup d’une réelle sincérité.

Si l’on ne criera pas au chef d’œuvre, loin s’en faut, faute de moments vraiment mémorables, et par cette modestie empêchant d’être réellement surpris, on prendra au moins plaisir à retrouver un univers que l’on croyait à jamais perdu, du moins sur grand écran. Noblement conçu pour un public plus jeune que d’habitude, sans pour autant prendre ces derniers pour des gros niais (on n’est pas dans le spectacle familial type Chair de poule), cela semble l’alternative idéale pour leur faire éprouver leurs premières frayeurs de spectateurs, sans risquer de les traumatiser (mais on le répète, à partir de 10 ans de préférence).

2 Rétroliens / Pings

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