
Le Demeter… Voilà un nom bien familier des amoureux de la littérature fantastique puisqu’il s’agit du navire ayant emmené le comte Dracula en Angleterre, navire retrouvé sans rescapés, le seul journal de bord du capitaine donnant idée des événements qui s’y sont déroulés… Court mais mémorable chapitre dans le roman de Bram Stoker, le voyage du Demeter a toujours été survolé si ce n’est passé outre lors des adaptations cinématographiques de Dracula : ne restent que quelques images marquantes comme celle de Nosferatu surplombant le navire dans un plan resté célèbre du film de Murnau ou encore une maline adaptation de ce chapitre dans le deuxième épisode de la mini-série Dracula imaginée par Steven Moffat et Mark Gatiss. Reste que cinématographiquement, personne ne s’était encore penché sur ce moment au potentiel pourtant énorme par son unité de lieu et par l’ambiance d’horreur qui peut s’en dégager.

C’est là qu’arrive Le dernier voyage du Demeter, entreprenant justement de nous conter ce voyage à l’issue fatale. Réalisateur des sympathiques The Jane Doe Identity et Scary Stories, André Øvredal semblait tout indiqué pour le projet mais mauvaise nouvelle : rien ne va réellement dans ce film laborieux dont les images marquantes se comptent sur les doigts de la main, un comble quand on a un tel décor et un tel sujet entre les mains. S’il est inspiré dans le design de sa créature (incarné par Javier Botet, un habitué du genre), Le dernier voyage du Demeter n’a pas grand-chose à proposer : ni variation autour du mythe du vampire (et pour la meilleure incarnation de cette figure fantastique de ces dernières années, on ne saurait que trop vous conseiller de foncer sur la série Sermons de minuit) ni série B généreuse et effrayante, le film semble prisonnier de son propre concept sans parvenir à s’en détacher.
Le scénario n’est clairement pas à la hauteur malgré quelques efforts pour rendre ses personnages intéressants (notamment le docteur Clemens, médecin Noir victime de racisme dans l’Europe du XIXème siècle), l’ensemble du casting étant sous-exploité malgré ses talents : Aisling Franciosi, révélée par The Nightingale, méritait mieux quand Liam Cunningham (avec son faux air de Robert Shaw période Les dents de la mer) et David Dastmalchian font ce qu’ils peuvent dans des partitions limitées. Le scénario ne leur laisse malheureusement jamais le temps d’exister réellement en dehors du peu de traits de caractères qui leur sont donnés et jamais on ne s’attache à eux. En soi ce ne serait pas dramatique si Le dernier voyage du Demeter était au moins généreux sur le plan de l’horreur. Or, s’il affiche une certaine inspiration du côté de grandes peintures maritimes de l’époque, André Øvredal est incapable de faire tenir une atmosphère gothique dans son long métrage, l’ambiance étant pourtant primordiale dans un tel genre. Ne reste plus que les quelques apparitions du monstre (visiblement, Javier Botet est le seul à s’amuser) pour sauver le film de l’ennui, les quelques saillies gores numériques n’ayant même pas de quoi nous amuser un peu.

Øvredal réussit donc un exploit, celui de rendre ennuyeux un film qui n’avait rien pour l’être et qui paraît sans intérêt, ne parvenant même pas à nous arracher quelques frissons ou à au moins nous plonger dans une ambiance macabre à souhait (on ne demandait pourtant pas grand-chose…) On ressort du film en l’ayant donc déjà à moitié oublié et en ayant surtout envie de revoir Sermons de minuit (pour la figure du vampire) et The Terror (pour de vrais frissons avec des bateaux au XIXème siècle).
Soyez le premier à commenter