Jean-Christophe et Winnie : All work and no play makes Christopher Robin a dull boy

Disney est connu ces derniers temps pour (sur)jouer la carte de la nostalgie. Les suites, remakes et autres reboots de ses vieilles licences ou de celles fraichement acquises sont légions. Le sacro-saint doudou est malheureusement plus souvent trainé dans la boue (Star Wars, La belle et la bête…) que sujet au respect et au renouveau (La Bande à Picsou version 2017). Avec ses récentes incartades dans le monde hybride de la prise de vue réelle combinée à l’animation, Disney nous interroge sur le bien-fondé de telles réécritures, au mieux souffrant d’un ton chancelant (Le Livre de la Jungle de 2016), au pire totalement creuses. La question se pose donc d’elle-même alors qu’arrive sur nos écrans Jean-Christophe et Winnie : Mickey va-t-il encore une fois traire sa vache à lait jusqu’à la dernière goutte, en faisant appel à un affect survendu —parfois provoqué— ou lui laisser un peu de répit, en s’armant d’intentions plus louables ?

Côté respect de la licence Winnie, Disney a montré qu’il était capable de produire des œuvres de références comme les films de 1977 et celui de 2011, qui conservent cet esprit bon enfant et ses boutades méta. D’autres en revanche, sont moins exigeantes comme la majorité des films et séries compris entre ces dates sans pour autant être des purges. On notera aussi, le récent Goodbye Christopher Robin, gravitant non pas autour de l’ourson mais de son auteur, puisqu’il revient sur l’impact négatif qu’a eu Winnie sur ce dernier : Alan Alexander Milne et bien plus encore sur son fils (à l’origine d’une partie de l’histoire, grâce à ses peluches). Avec l’arrivée de cette démystification un peu sombre, difficile de se replonger la tête la première dans la forêt des rêves bleus sans appréhension.

C’est là que le recours à ce mélange improbable entre prise de vue réelle et images de synthèse, se justifie entre autres. Ici, Jean-Christophe a quitté l’enfance et ses amis en peluche, pour une routine adulte et une vie de famille, en passant par la case guerre (qui avait déjà eu un impact sur l’auteur du livre et son fils). Il est installé à Londres, surmené au bureau, n’a pas de temps à consacrer à sa famille et semble avoir totalement oublié ses amitiés passées. Alors qu’il fait faux bond —à cause de son travail— à sa femme et sa fille pour le week-end à la campagne qu’il leur avait promis depuis longtemps, Winnie débarque de nulle part avec sa bonhomie naturelle pour qu’il l’aide à retrouver ses amis perdus.

Jean-Christophe et Winnie n’y va pas par quatre chemins, le point de départ est simple et la ligne d’arrivée visible à plusieurs kilomètres. Mais cette simplicité colle à la peau de l’ourson et de ses amis depuis le départ. Ce postulat permet néanmoins de justifier l’alliance de ces prises de vues live sur un décor gris, adulte, qui contraste avec les vestiges de l’imaginaire de Jean-Christophe, produits par ordinateur. D’autant que l’on nous propose cette fois une nouvelle aventure, une suite improbable et non pas une resucée d’un succès passé.

Coup de chance ou calcul, peu importe, ici la formule fonctionne, mais c’est aussi parce que la nostalgie fait corps avec notre protagoniste humain. L’introduction, malgré ses grandes ellipses, affiche et affirme sa longueur, afin que l’on prenne le temps de s’accoutumer au nouveau Jean-Christophe, bosseur résigné. Le poids des responsabilités l’écrase, lui faisant oublier ses priorités. Seul remède à cela, un bon voyage au pays de l’âge innocent accompagné par ses peluches préférées, qui ne manqueront pas de faire remonter en lui cet imaginaire qui lui faisait défaut depuis quelques années. Le néophyte peut ainsi redécouvrir toute la petite troupe sans craindre d’être exclu d’un clin d’œil ou d’un gimmick. Ceux-ci sont présents (la chanson de Tigrou, la gym matinale de Winnie, les tics de langages de chacun…), mais suffisamment bien intégrés au récit pour ne pas avoir l’air d’apartés grossières. Le chara design de Winnie et ses amis à poils accompagne aussi ce sentiment de tendresse retrouvée. On suit un groupe de doudous délavés, usés, effilochés, aux touffes hirsutes. Look qui, en plus d’aller comme un gant au morne Bourriquet, n’est pas sans rappeler cette peluche qu’on avait tous avec un bras mal rembourré ou un œil en moins (et qui généralement était la préférée). Pas besoin donc, d’être un fan de la première heure ou de prétendre l’être pour apprécier l’œuvre et son caractère universel. On regrette par contre que le petit groupe éclate à la moitié du film et que nous ne nous retrouvions qu’avec les quatre plus populaires (Winnie, Porcinet, Tigrou et Bourriquet) pour la suite de l’aventure, qui aura au moins le mérite de se concentrer sur la synergie du petit groupe.

On déplorerait presque un résultat en demi-teinte, alors que le film avait toutes les cartes en main pour être bien plus qu’un petit divertissement mignon et sympathique. Bon nombre de scènes ne manqueront pas de nous faire rire (même les adultes pour peu qu’on aime les vannes dépressives de Bourriquet) et parfois même sourire bêtement. Mais il subsiste cette impression de ne pas atteindre son plein potentiel. Malgré quelques instants de grâce, le tout est relativement convenu et aussi timide qu’un Porcinet devant un nouveau défi. Les tentatives de burlesque auraient, elles aussi, mérité plus d’impétuosité, à la manière d’un Paddington 2.

Une mise en scène qui ne prend pas de risques, pour un résultat qui joue la sécurité et laisse faire les choses à l’image de Winnie. Son histoire, aussi simple soit-elle, reste finalement dans la lignée des intrigues des films qui l’ont précédé, jamais débordants de richesse sur cet aspect. Plein de bons sentiments, mièvre sur les bords, Jean-Christophe et Winnie s’adresse avant tout aux plus jeunes ou aux grands enfants, qui se retrouveront désarmés devant l’insouciance simplette de ce gros ours jaune. Un appel à renouer avec son innocence perdue, déjà vu et revu, mais qui fonctionne suffisamment pour que l’on quitte la salle le cœur léger et le sourire aux lèvres.

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