Le retour de Mary Poppins : Supernostalgiquicexpifacticious

« On prend les mêmes et on recommence », doit être le crédo de Disney depuis quelques années. Tout y passe, des succès commerciaux aux succès d’estime, la moulinette est sans pitié et peu d’élus parviennent à tirer leur épingle du jeu (à la limite, le candide Jean-Christophe et Winnie). Hélas pour nous, même les pouvoirs merveilleux de notre nounou préférée ne parviendront pas à changer cet état de fait. Pourtant, on se laisserait presque avoir par cette douce introduction, qui enveloppe les plus vieux dans cette sacro-sainte nostalgie rassurante.

Michael Banks est désormais père de trois enfants et veuf (ce qui permet de garder sa sœur, Jane, dans le cadre), oublieux et maladroit, difficile pour lui d’assumer sa tâche de père alors qu’il doit trouver un moyen de payer ses dettes. C’est bien sûr le moment rêvé pour la messianique Mary Poppins de descendre du ciel et à nouveau prêter main-forte à la famille Banks.

L’illusion prend quelques instants, alors qu’Emily Blunt réussit à incarner la douce fermeté de Mary, en conservant un flegme de tous les instants. Les clins d’œil, lorsqu’ils sont fugaces, ont la politesse de rester au second plan, pour rendre le visionnage ludique aux fans de la première heure. Et il leur faut bien ça, pour s’occuper un peu entre deux chansons. Le Retour de Mary Poppins entreprend de calquer la structure de son grand frère, sans en comprendre l’essence. Des pans entiers du premier Mary Poppins nous reviennent au visage, à peine masqués et de manière totalement éhontée. Ainsi, Mary obligera les enfants à faire quelque chose qu’ils détestent (le bain remplace le rangement du premier) en chanson, se mêlera à des personnages de dessins animés, ira rendre visite à un membre de sa famille (Meryl Streep qui rattrape un peu le coup) qui se joue de la gravité, ou encore rejoindra un numéro de ramoneurs tout droit sortis de Broadway, mais attention cette fois-ci ils ont apporté…leurs BMX ! Si ces scènes servaient un but dans le premier opus, ici il n’en est rien, aucun personnage n’évolue réellement, l’intrigue se résout par un deus ex machina facile et aucun personnage ne bénéficie d’une évolution ou d’une rédemption. Tout reste à sa place et on retourne à une situation initiale désincarnée.

L’absence de changement empêche une implication totale du spectateur, qui regarde à distance cette suite de gentils petits numéros s’exécuter devant lui. Tout comme les personnages, qui sont parfois invités à s’asseoir et regarder le show se dérouler sous leurs yeux. Le découpage des scènes se ressent, chacune d’entre elles dispose d’un début et d’une fin bien marqués (jusqu’à prendre la pose à la fin des chansons, il ne manque plus que le freeze frame), le rythme haché témoigne là encore d’une absence de continuité et donc d’objectif global et de substance profonde. Des exercices de style, qui une fois isolés, restent agréables, tout comme les chansons et leurs tonalités swing, mais aussitôt chantées, aussitôt oubliées ! A l’instar du mot censé remplacer le fameux « Supercalifragilisticexpialidocious », plus court et pourtant beaucoup moins marquant.

Un émerveillement artificiel en somme, à l’image de celui des enfants, qui peinent à faire abstraction du fond vert. Le film entreprend dans la foulée de démystifier un tantinet le personnage de Mary Poppins, en proposant des explications quant aux réactions de ceux qui sont témoins de ses tours. « Don’t spoil it with too many questions » finit-elle par ordonner à ses interlocuteurs, mais si les questions s’arrêtent effectivement, les réponses indésirables continuent, elles, d’affluer. Mary nous apparaît sous un visage plus humain, moins intouchable, on la voit opérer sa magie et ses manipulations de manière plus explicite.

Le Retour de Mary Poppins nous refait le coup de Star Wars : Le Réveil de la Force et bafoue les leçons de ses ainés, avec ses copier-collers privés de leur âme, pour n’être qu’une enveloppe vide, dépositaire d’une époque incomprise, portée au pinacle par une paresse créative. On pédale à vide dans un monde coloré et avenant, sans oublier un agenda idéologique qui glisse une petite touche United Colors of Benetton au tout, qui s’inscrit dans une continuité artificielle pour ne pas avoir à se renouveler. L’ironie veut que cette nouvelle aventure de Mary Poppins manque cruellement de magie. Sans médecine à faire couler, le morceau de sucre ne sert plus qu’à nous engraisser bêtement.

3 Rétroliens / Pings

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